Chers paroissiens, chers auditeurs de toutes générations,
Dieu n'a pas de petit-fils, disait Duplessis, illustrant bien par ce slogan que notre Dieu envisage l'intergénération de manière bien différente de nous.
Justement, que dit-on des générations dans notre société ? Que dit-on de leurs rapports ? Voici pour les illustrer quelques slogans que nous avons imaginés :
sur le mode de l'agressivité :
André : Du respect pour mes cheveux blancs !
Etienne : Place aux jeunes !
sur le mode de la peur :
André : Aujourd'hui, tout va mal, car les jeunes n'ont pas gardé nos valeurs !
Etienne : Les vieux ne croient pas en nous, en nos capacités !
sur le mode de la tristesse :
André : Mes petits-enfants ne viennent pas me voir !
Etienne : Mes vieux ne me font pas confiance !
sur le mode optimiste :
André : Les jeunes, c'est notre avenir !
Etienne : Heureusement que les vieux sont là pour nous initier à la vie !
Malgré les sourires qu'ils provoquent, que de peur, de tristesse et parfois d'espoir ces courtes phrases suscitent, et de plus, notre mode de vie actuel ne facilite pas ces rapports entre les générations : comment vivre dans des appartements trop petits, dans une société en mutation rapide, lorsque tant de domaines qui touchent la jeune génération sont étrangers aux grands-pères et aux grands- mères...
En lien avec cela, notre tradition chrétienne a surtout été attentive à soutenir les valeurs de la famille; celles que la société imposait et défendait, elle l'a fait avec une morale rigide qui, si elle a contribué au maintien d'un certain équilibre, a aussi contribué à marginaliser, révolter et casser un dialogue entre les générations. Je suis frappé par ce que des patients âgés me disent à l'hôpital : dans mon enfance, pas beaucoup de place pour la négociation ni pour les innovations, bref pour le dialogue. Une exception notable à cela, souvent lors du culte, le pasteur, celui qui enseigne, est le plus jeune de l'assemblée...
Ce matin, nous nous tournons vers Dieu au travers des textes bibliques. Que pouvons-nous y lire, qui nous fasse du bien, nous indique une piste et mette les relations intergénérations dans la dy-namique de la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu ?
La Bible dit-elle quelque chose des préoccupations de Dieu dans le domaine des rapports entre les générations en Suisse à la fin de notre siècle ? Rien qui soit particulier pour notre époque, mais la bible est parole vivante. L'Ancien Testament est une source passionnante d'histoires concernant les générations, il révèle un commandement : "honore ton père et ta mère", il dit comment la Foi se transmet lorsque les jeunes écoutent les aînés, ce que nous avons entendu dans le psaume tout à l'heure : "ce que nous avons entendu et connu, ce que nos pères nous ont transmis, nous ne le tairons pas à leurs descendants mais nous transmettrons à la génération suivante les titres de gloire du Seigneur, Sa puissance et les merveilles qu'Il a faites !"
Tout le Livre des Proverbes consiste en la transmission d'un art de vivre, on dit aussi d'une sa gesse. Je cite : "mon fils, tiens compte des recommandations de ton père, ne rejette pas les conseils de ta mère, fixe-les pour toujours dans ton esprit!. Et tous ces livres de l'Ancien Testament sont traversés par les promesses de Dieu dont voici un exemple tiré du livre d'Esaïe : "Je resterai le même jusqu'à votre vieillesse, dit le Seigneur , je vous soutiendrai jusqu'à vos cheveux blancs, c'est Moi qui vous ai porté et qui vous porterai encore, oui, je me chargerai de vous et je vous sauverai !"
Les Evangiles sont très contrastés; entre continuité et rupture, ils mettent en tension les éléments traditionnels de l'Ancien Testament et obligent en même temps l'auditeur et le lecteur à se placer devant les défis du Royaume de Dieu inauguré en Jésus-Christ. Ce défi, c'est comment l'amour de Dieu doit devenir la principale composante des relations humaines. Alors, nous aussi ce matin, nous devons faire face à ce défi...
En ce sens, que nous apprend cette parabole de l'évangile de Luc, comment va-t-elle nous initier au renouvellement de nos relations entre les générations ?
Un homme, un père, avait deux fils, le plus jeune dit à son père : "mon père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir!" et le père leur partagea son bien. Peu de jours après, le jeune fils ayant tout réalisé partit pour un pays lointain.
Que pense le père: "il est parti, tout s'est passé tellement vite, il a de l'argent est-ce que cela suffit, lui ai-je donné suffisamment de moi-même pour vivre ? Je pourrais dire que la situation est claire entre nous; il a sa part, maintenant qu'il se débrouille, mais comment pourrais-je l'oublier, comment pourrais-je ne pas penser à lui ?"
Le père de la parabole accepte que son fils s'en aille, il ne l'empêche pas de partir. Il attend, il garde un lien, il est séparé, mais sans être détaché, il pense, il prie peut-être; il espère, en tout cas il guette au bout du champ.
Moi le fils, je dis :"il faut savoir couper le cordon, se retrouver face à soi-même quitte à se casser la figure! Je veux dépendre de moi, et si j'échoue, si je me fais posséder, c'est mon affaire; si je me casse la figure, c'est la mienne après tout".
C'est un discours en face duquel la vieille génération a des difficultés, elle se fait du souci, elle qui peut-être aurait bien aimé faire la même chose que moi ! Pendant un temps, tout va bien, mais les années passent et pour le fils, c'est le moment de se heurter aux difficultés de son propre choix. C'est là aussi un souci des plus âgés:"que va-t-il rester aux plus jeunes, ils doivent trouver du travail, en trouveront-ils ? Ils doivent gérer leur bien, sauront-ils le faire ? Les conditions sociales le permettront-elles ?"
Dans la vie de ce jeune qui était parti comme un héros, il se produit une cassure. Pour survivre, bien sûr il lui faut de la nourriture, mais il lui faut aussi un minimum de liens, et le seul lien qu'il retrouve au fond de sa mémoire, le seul qui soudain lui redonne de la valeur et la force de se relever, c'est le lien qui le relie à celui qui l'a aimé inconditionnellement; ce lien par lequel il retrouve une dignité, une importance; alors il revient et le père qui l'attend le reçoit, nous avons entendu comment.
Il y a un autre fils, avec lui les choses vont bien, le père en éprouve une certaine fierté, ce fils est capable, on peut compter sur lui en toutes choses. Un proverbe dit : "un fils raisonnable fait la joie de ses parents!" et c'est bien vrai. Mais avec le retour du plus jeune et l'accueil que lui fait son père, tout change; le fils aîné ne peut supporter que son père accueille ainsi ce bon à rien qui n'a su que s'endetter; la colère gronde en lui, il ne veut pas entrer dans la maison, il ne prendra part à rien de la fête.
Ah, les problèmes que l'on croyait résolus, maintenant que le cadet revient, que tout allait s'arranger, c'est avec l'aîné que cela ne va plus. Oui, on peut penser que la vie est parfois compliquée et le problème des générations toujours à reprendre! Rien n'est perdu pourtant. La tension est à son comble et nul ne sait ce que va faire le fils aîné. Mais le père, lui, ne change pas : il a attendu le plus jeune, il écoutera l'aîné: "mon enfant, toi tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi".
On nous dit que la conclusion de cette parabole est pour les pharisiens, pour ces hommes qui doivent apprendre de Dieu, de ce père, la largesse de coeur, la largesse de l'amour.
Chers auditeurs, chers paroissiens,
Le royaume de Dieu ne se fera pas sans acteur de toute génération confondue; il a besoin de nous, de vous; il a besoin que nous ayons conso censée de cela, il a besoin de notre réflexion, il a surtout besoin que jeunes et vieux dans leurs rapports fassent envie.
Je dis trois remarques pour terminer.
Pour expliquer un élément central de l'Evangile, notre Seigneur choisit une histoire où le problème des générations est bien présent; c'est donc qu'il le connaît et lorsque nous le prions, le Seigneur, dans une situation difficile, ou dans une souffrance, il sait bien de quoi il retourne.
Deuxième remarque : notre Père aime toutes les générations, celle des aînés, celle des enfants, celle des jeunes, celle des parents, toutes lui importent. Cela ne doit-il pas nous donner de l'espérance ?
Et enfin troisième remarque: depuis que le Christ est venu, chaque nouvelle génération pourrait être la dernière, parce que le Christ désire revenir pour accomplir l'Histoire. La priorité n'est plus maintenant que les générations se reproduisent: il leur est demandé d'accueillir l'évangile et le Christ, et d'aimer comme le père aime.
Amen.
Parabole du Fils prodigue
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