«Un optimiste est un homme qui vous regarde dans les yeux, un pessimiste, un homme qui regarde sur vos pieds.» Qu'aurait dit l'anglais Chesterton, auteur de cette maxime, d'un homme qui lève les yeux au ciel ? Est-ce un utopiste ou un visionnaire ?
Depuis tout petit, un de nos enfants aime se coucher sur le mur de notre jardin et il passe des heures là, allongé, à regarder le ciel. Ce qui se passe en lui, dans sa tête, nous n'en savons rien. D'un tempérament actif, nous pensons que ces instants sont pour lui comme une respiration, comme une méditation. Et quand il nous a dit que, plus tard, il voudrait devenir astronaute, cela ne nous a pas particulièrement surpris. Quand nous, nous scrutons le ciel, qu'y voyons-nous ou plutôt qu'y cherchons-nous ? La promesse d'un temps clément pour la ballade dominicale ? L'indication ultime pour le choix des vêtements ? Lever la tête au ciel, c'est l'espace d'un instant arrêter sa course, reprendre son souffle, retrouver ses esprits, sortir de nos préoccupations et des soucis qui nous emprisonnent : en quelque sorte, c'est permettre à tout notre être de retrouver sa véritable dimension d'humanité.
Au moment de guérir un sourd-muet, Jésus a levé les yeux au ciel. Comme si pour ce qui allait suivre, il avait besoin d'un surcroît de force, d'un peu plus de concentration. Par ce geste, Jésus a pris aussi ses distances avec les guérisseurs païens et il s'est rallié aux coutumes juives. En effet, dans les récits de miracles, les rabbins insistaient beaucoup sur cette attitude car, pour eux, la puissance qui guérit vient d'en-haut.
On reproche quelquefois à l'Eglise et à ses membres, de ne pas avoir suffisamment les pieds sur terre, d'être en décalage avec la réalité. C'est vrai que nous vivons dans un monde complexe, difficile et l'Eglise n'échappe pas à la tourmente. De nombreux repères ont disparu. Vivre au jour le jour relève parfois de l'impossible et bien des gens se demandent de quoi sera fait leur lendemain. Le fait d'être croyant ne nous préserve pas des aléas de la vie et le message de l'Evangile n'apporte pas de réponses toutes faites. Mais ce n'est pas forcément, non plus, dans un plan de restructuration que se profile notre avenir. Jésus a montré par son incarnation, le souci de Dieu d'être proche des hommes, d'être, si l'on peut dire à leur portée, en tout cas, à leur côté. Mais Jésus a aussi rappelé constamment la nécessité pour chacun, de ne pas vivre de pain seulement et de tourner non seulement notre regard, mais toute notre vie vers le projet de Dieu.
Comme l'exprime cette image : «Le cycliste incertain, qui se regarde lui-même et les pierres du chemin, perd l'équilibre.» Il faut, pour aller droit, qu'il lève les yeux vers l'horizon. Il en est de même dans la vie spirituelle. Je revendique, pour ma foi, le droit au rêve, au rêve de Dieu, à son projet d'amour.
C'est bien dans le cadre d'une vision qu'Abram a reçu la promesse de Dieu. Et vu l'âge avancé du couple, la promesse d'une descendance semblait une véritable utopie. Mais le Dieu biblique est un Dieu qui aime surprendre. Il nous donne des signes comme on fait un clin d'œil complice. Et Abram accueille la promesse avec confiance et espérance. Pourtant, nous le savons, une promesse donnée n'est pas encore une chose réalisée. Elle indique précisément que tout reste à faire. Combien d'entre nous avons déjà été déçus, voire meurtris par des promesses non tenues. Comment après de terribles déceptions avoir la force de faire encore confiance, de croire que quelque chose reste possible ? Cela n'a pas dû être facile pour Abram. Pour lui, comme pour nous : «Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras.» et ce «tu l'auras» adressé à Abram et Sara, Dieu l'a fait ardemment attendre avant de l'offrir.
Et le projet de Dieu va plus loin. La promesse concerne non seulement un enfant, mais toute une descendance. Nous sommes tous des enfants de la promesse, fils et filles d'Abraham, le père des croyants. Ainsi, fondamentalement la promesse de Dieu est plurielle. Comme l'exprime la prédication de Pierre le jour de la Pentecôte, elle s'adresse à ceux qui sont au près comme au loin. Cette indication peut avoir, bien sûr, un sens géographique, mais elle peut aussi être signe d'une distanciation affective, culturelle ou religieuse. La promesse de Dieu concerne tous les êtres humains, ceux qui se sentent proches de lui comme ceux qui en sont éloignés ou qui le fuient.
«La promesse de Dieu est pour vous et pour vos enfants», dit l'apôtre Pierre. Dans les 3 textes, la promesse est liée d'une façon ou d'une autre à un enfant. J'aime cette réalité, cette perspective. L'avenir est pour eux, l'avenir de Dieu aussi. Ils sont notre promesse en construction, de devenir.
Quand je visite des gens et qu'ils apprennent que nous avons quatre enfants, certains ne peuvent s'empêcher de les plaindre : «Comment ça, quatre enfants, par ces temps qui courent, avec la violence, le chômage, et tout ça ? Est-ce bien raisonnable, est-ce sérieux d'avoir encore des enfants ?» Alors justement, avec tout ça, surgit en moi l'image d'Abraham contemplant le ciel, regardant les étoiles et je me rappelle que, envers et contre tout, Dieu s'est engagé. Il a donné sa Parole et sa Parole m'invite à la joie, à la confiance, à l'espérance. La promesse est donnée, elle est là, entre mes mains. Je peux la négliger, je peux la faire taire. Je peux aussi en vivre, avec tous.
«Que me donneras-tu ?» demandait Abraham, «que ferons-nous ?» questionnaient les auditeurs de Pierre. «Laissez-vous faire,» dit-il, en substance. Le ciel s'est ouvert, alors, laissez-vous faire par Dieu, laissez-le agir en vous par son Esprit, laissez-le vous communiquer sa grâce et son amour.
Ouvrez-lui la porte de votre vie, permettez-lui d'orienter votre existence. Oui, «la promesse est pour vous, pour vos enfants et pour tous ceux qui sont au loin.» A partir d'une phrase du prophète Esaïe, Pierre rappelle et actualise la promesse de salut faite pour tous les hommes : cette promesse, qui a pour nom Jésus-Christ. Une promesse faite homme pour que chacun à son tour devienne promesse.
Amen.