La semence, c’est la Parole de Dieu

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Il y a trois ou quatre jours, j’ai reçu, comme tout le monde j’imagine, une petite « pub », encartée dans un journal publicitaire. Cette petite « pub », très colorée, disait ceci : « Cultivez-nous ! Notre rôle consiste à donner davantage de saveur à vos mets. Et vous nous aurez en permanence à portée de main. Nous formons deux trios, à choisir selon vos goûts : basilic, thym, persil et romarin, marjolaine, ciboulette. Pour le moment, nous sommes à l’état de graines et disponibles avec terre et pot. » Suivaient le prix, quelques considérations et se terminait par « ne tardez pas : nous ne sommes pas disponibles en quantité illimitée ».

Frères et soeurs,

Basilic, thym, persil et romarin, marjolaine, ciboulette en graines ou semences avec terre et pot, en quantité limitée, pour donner davantage de saveur à nos mets. C’est presque incontournable, et pourtant…
Ce matin, sans concurrence déloyale aucune, j’ai aussi ma petite « pub », qui pourrait se dire ainsi : « Parole de Dieu, semence disponible en quantité illimitée et gratuite pour donner du prix à notre vie. » Je n’exagère pas, au contraire. Cette offre est valable pour tous les humains de partout. Illimitée, cette offre dure tout de même depuis deux mille ans et il n’y a pas de raison qu’elle s’arrête demain. Il serait toutefois sage d’en profiter aujourd’hui déjà.
Cette brève rubrique publicitaire passée, il faut essayer de revenir à l’essentiel. Le texte du jour nous place en face de la parabole du semeur, une parabole tellement connue qu’il suffit de l’évoquer pour que de nombreuses images nous envahissent : le semeur, la semence, la bonne terre, le chemin, les pierres, les oiseaux.
On sait tous, aussi, que cette parabole, Jésus l’a expliquée à ses disciples parce qu’ils le lui demandaient. Le Christ va commencer à leur expliquer cette parabole en disant ceci : «la semence, c’est la Parole de Dieu».
J’aimerais qu’on s’arrête ici…

Des paroles, il y en a des milliers qui nous arrivent… par les journaux, par la radio, par la télévision ou plus simplement par nos rencontres quotidiennes. Il y a les paroles sur lesquelles on glisse, les paroles qui ne veulent plus rien dire pour personne, les paroles dures et les paroles douces, les paroles qui tuent et les paroles qui font plaisir, les paroles qui font baisser la tête et les paroles qui la font se relever, fièrement.
Il y a les paroles qu’on utilise pour mettre en valeur ceux dont on attend quelque chose et celles qu’on emploie pour rabaisser l’autre, qu’on méprise... les paroles qui nous font passer pour un homme de bien ou pour un homme intelligent. Les paroles des menteurs qui veulent tromper, les paroles des frustrés, des agressifs qui veulent faire mal... et les paroles des doux qui veulent apaiser. Des paroles rarement justes et surtout, rarement vraies ni sincères.

Dans le domaine de la foi, de l’Eglise, il en va de même. Il y a une foule de paroles qu’on ajoute les unes aux autres ou qu’on empile les unes sur les autres et qui ne veulent plus rien dire ou presque, mais qui font bonne impression, bonne impression de soi, pour impressionner de l’étendue de sa foi. C’est peut-être ce que l’on croit.
Une foule de paroles qu’on emploie et dont on ne pèse plus le sens. Des paroles décharnées, vides de sens. Des paroles alibi, des paroles pour mieux passer, pour mieux être accepté, pour mieux se vendre, mais si peu de paroles pour être vrais, entendus et compris.
On joue avec les mots, on croit se dire mais on trompe les autres. Il y a assez de paroles agressives qui font naître la violence. Il y a assez de paroles insensées qui font naître le doute, assez de paroles de promesses qui se conjuguent comme autant de mensonges, assez de paroles en l’air qui ne font que nous clouer au sol, assez de paroles d’aujourd’hui qui ne pensent qu’à hier et jamais à demain. Mais il faut aussi le reconnaître : il y a des paroles sensées qui font naître les projets les plus fous et les plus beaux. Il y a des paroles de paix qui font naître l’espérance. Il y a des paroles d’amour qui font naître «demain», des paroles de «demain» qui s’ouvrent sur «bientôt».
Face aux paroles d’hommes d’hier ou d’aujourd’hui, il y a une parole d’hier, toujours actuelle, une parole actuelle qui s’ouvre sur demain : la Parole de Dieu.
C’est une parole d’amour, une parole de paix, une parole d’espérance. Et cette parole-là, on ne peut pas la remettre en question, elle est tellement profonde, tellement vraie. On le sait bien au fond de soi, mais elle dérange trop notre quiétude, nos habitudes, nos certitudes.

Pourtant, c’est bien cette parole que nous devons entendre aujourd’hui parce que nous avons besoin de vivre non dans le mensonge, le vide, mais dans l’aujourd’hui de nos vies. Cette parole est là, elle nous vient du plus profond de l’histoire, du plus profond de la vie et elle ne demande qu’à germer en nous. Elle n’a besoin que d’un sol, que d’un sol.
Une semence sans sol n’est rien, un semeur sans semence n’est rien non plus. Cette Parole, nous l’avons entendue, elle est là, elle n’attend qu’un sol pour l’accueillir. Que faut-il en dire ? Restons à l’essentiel.
Il y a des sols pierreux, des sols sableux, des sols poreux, des sols de glaise, des sols en jachère, des sols fertiles, d’autres moins fertiles. Mais l’essentiel est là : il y a des sols, et nous sommes sols, c’est-à-dire à même de faire jaillir du sol de nos vies autre chose que la haine, la violence, l’indifférence, le mépris, l’égoïsme, le jugement.
Tous les sols ne sont pas identiques, peu importe finalement, il n’y a pas de morale à faire, l’important c’est que naisse en nous, et à travers nous, le germe d’une espérance, celle que le Christ est venu partager avec nous pour nous et pour ceux avec lesquels nous sommes en rapport de vie, ceux que Dieu - et ils sont nombreux - ceux que Dieu a mis sur notre route, ceux que Dieu a fait croiser notre route.

Etre sol, c’est bien le moins différent, mais tellement essentiel à la vie; sol plein pour que jaillisse le blé, sol pierreux pour que la vigne y trouve son compte, sol entre glaise et terre pour que poussent les betteraves, il n’y a pas de sols improductifs, il n’y a pas de sols desquels ne pourrait jaillir une espérance de vie. Il y a des sols propres à chacun, des sols à gérer, des sols à faire fructifier. Ces sols c’est nous et c’est notre affaire; nous sommes tous, et j’insiste, tous, un terreau à même de faire germer l’essentiel de la vie et cette vie a la parure des fleurs les plus belles.
Elles ont le nom de l’amour, de la patience, de la tolérance, de la justice, de la paix, du refus de juger, de l’acceptation, du pardon et de tant d’autres noms qui nous viennent de Dieu et qui, ensemble, forment une gerbe qui, elle, n’a qu’un nom, le Christ.
Qu’est-ce qui nous en empêche ? Personne ! Il y a évidemment ceux qui croient qu’ils ne sont pas la bonne terre. Il y a ceux qui pensent qu’ils ne le seront jamais. Il y a ceux, aussi, qui ne se posent jamais la question, bonne terre ou non, cela leur est égal. Ce que je crois, c’est qu’il y en a trop qui se croient en jachère, autrement dit, au repos, et qui attendent des jours meilleurs. En jachère, d’accord, on peut l’être, mais seulement dans la mesure où l’on se prépare à accueillir la semence. On ne peut être en jachère toute sa vie, attendre que l’âge venant, l’angoisse des souffrances, la peur de la mort nous pousse, nous force à nous tourner vers une espérance nouvelle. Il faut, aujourd’hui, se lever, se mettre en route, s’investir, faire pousser la paix dans le quotidien de nos vies, faire pousser l’amour, le partage, la vérité dans le quotidien de nos vies.
Et de cela, je suis persuadé, nous en sommes tous capables. Il suffit de vouloir, simplement, être sol. Je vous le dis, le monde, notre monde en a besoin, véritablement besoin.

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Walter Louis
Musique
Violon alto, M. Gangl