Parole d'espérance

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Tout à l’heure, je vais vous lire un passage biblique qui se situe historiquement à un moment important de la vie du peuple d’Israël. A ce moment de l’histoire, de 597 à 538 avant Jésus-Christ, le peuple d’Israël est en captivité en Mésopotamie, captifs des Babyloniens. C’est un temps extrêmement dur et pénible - comme tout temps de captivité - on l’imagine aisément.
Mais cette période est dure et pénible également pour ceux qui sont restés dans le pays, parce qu’on les y a laissés, parce qu’ils étaient malades, trop jeunes ou trop âgés. Ils ont dû s’organiser, continuer à vivre tout en gardant l’espoir d’un retour. En 539, Cyrus, le grand roi de Perse investit la Mésopotamie et, par décret, libère le peuple d’Israël.
Libres, ils peuvent rentrer chez eux. Pourtant, le retour ne va pas être facile. Certains retournent au pays immédiatement, d’autres attendent, restent sur place. Près de 60 années de captivité, près de 60 années de vie dans une autre culture ne s’effacent pas facilement.
La plupart, d’ailleurs, nés en captivité, ne savent rien ou presque du pays de leurs pères. Ce n’est d’ailleurs pas facile non plus pour ceux qui ont dû rester sur place; leur façon de vivre s’est modifiée, ils ont accueilli des étrangers pour venir travailler chez eux et remplacer les bras manquants. Ils ont vécu une certaine détresse économique. Ils ont vécu une insécurité politique et, vous l’imaginez facilement, ceux qui sont restés sur place se sont accaparé des terres qui ne leur appartenaient pas. Ils ne sont guère prêts à céder à ceux qui les leur réclamaient les droits qu’ils s’étaient arrogés.

Quelque part en moi, il me semble que cette histoire nous rappelle quelque chose. Religieusement, la situation n’est pas plus gaie. Ceux qui sont restés au pays sont devenus, pour la plupart, idolâtres. Ils se sont détournés de ce Dieu qui, à leurs yeux, n’avait pas empêché la captivité. Par contre, les premiers qui reviennent d’exil sont pleins de foi. Pour eux, ce Dieu qui n’a pas empêché la captivité les a pourtant entendus et exaucés puisqu’ils peuvent, librement, rentrer chez eux.
Choc économique, choc politique, choc religieux. On peut le comprendre assez facilement, les frères d’hier sont devenus aujourd’hui, des ennemis. Et c’est sans compter sur les étrangers accueillis et installés sur place durant la période de l’exil, qui ont permis au pays de survivre et qui, soudainement, se voient exclus, détestés. Haine entre frères, haine de l’étranger. Il n’y a plus guère de place pour une quelconque espérance. Il y a pourtant une lueur de solution : se retrouver en Dieu, se retrouver sous le regard de Dieu, retrouver l’espérance. Il fallait la voix de Dieu, par l’entremise d’un prophète pour redire Dieu, sa volonté, son amour, la vérité.
Voici ce texte d’Esaïe : c’est au chapitre 59, les versets 1 à 3 : «Non, la main du Seigneur n’est pas trop courte pour sauver, son oreille n’est pas trop dure pour entendre ! Mais ce sont vos perversités qui ont mis une séparation entre vous et Dieu; ce sont vos fautes qui ont tenu son visage caché loin de vous, trop loin pour qu’il vous entende. Vos paumes, en effet, sont tachées par le sang et vos doigts par la perversité; vos lèvres profèrent la tromperie, votre langue roucoule la perfidie.»

C’est bien ce qu’une voix prophétique pouvait dire, se devait de dire et de réaffirmer. La main de Dieu n’est pas trop courte pour sauver. Dieu n’est pas dur d’oreille, il écoute, il entend, il comprend. C’est bien par ces mots simples, parlants, que se situe le message d’espérance destiné au peuple de Dieu. L’argumentation du prophète est simple. Il dit, avec d’autres mots, à peu près ceci : «Vous vous plaignez, vous prétendez que Dieu ne vous entend pas, qu’il ne vous écoute pas, vous allez jusqu’à croire qu’il n’est pas assez fort, qu’il n’a pas la main assez longue pour vous sauver, erreur, erreur profonde ! C’est vous, par vos agissements, par la vie que vous menez, par vos attitudes qui vous éloigniez de Dieu, alors, tout de même, un peu de sérieux; Dieu ne s’éloigne pas de vous, c’est vous qui vous éloignez de lui.»
Ce message, il fallait que le peuple d’Israël, dans la situation qui était la leur, l’entende, et l’entende juste. A ce moment-là, la balle est dans leur camp. C’est à eux de reconnaître qu’ils se sont coupés de Dieu, par leur façon de vivre, d’agir et de croire. Dieu n’a pas changé, il reste le même; il écoute, il entend, il répond. Ces mots ont plus de 2’500 ans d’âge, de la vieille histoire peut-être ? Pas vraiment.
Nous ne sommes pas tous historiens, mais ce qui est sûr c’est que nous sommes aussi un peuple en marche avec les difficultés qui sont les nôtres. Le choc économique est là et bien présent. Il se dit en termes de chômage, de précarité de vie, de peur et d’angoisse face à demain. Le choc politique est là, lui aussi, l’histoire nous rattrape et nous met en question, comme nos prises de position et notre attitude politique sont mises en question. Le choc religieux entre les intégrismes, les fondamentalismes, l’athéisme, les menaces, et j'en passe, bonjour à l’unité entre frères.

L’histoire, disait quelqu’un, est un éternel recommencement. Je crois bien que c’est vrai. Ce texte, pour moi, s’inscrit parfaitement dans notre vécu actuel. Il nous interroge. Il nous replace devant la réalité qui est la nôtre. Nous aussi avons besoin d’espérance, il ne faut pas le nier. Ce texte remet en question toute la conception de Dieu que nous pouvons avoir, le Dieu menaçant qui voit à travers tout et qui apparaît comme un Dieu aigri qui punit, le Dieu sur son nuage, qui s’est détourné de sa création et de sa créature et qui se repose longuement d’avoir créé le monde, le Dieu bien trop âgé pour avoir encore la force d’intervenir dans le monde aujourd’hui, le Dieu si bon, si gentil, ce 'bon Dieu' qui est si bon qu’il accepte tout avec un sourire béat.
Il faut repenser nos croyances. Je sais, ce n’est pas toujours facile. Le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu qui comme le dit le psalmiste est «lent à la colère et riche en bonté», c’est un Dieu de pardon, un Dieu fort, tout-puissant, mais c’est aussi un Dieu exigeant. Il attend de sa créature qu’elle reconnaisse sa faute, son éloignement et qu’elle se tourne vers lui, lui la seule source de lumière et de paix.

Il faut reconnaître avoir besoin de Dieu dans notre vie de tous les jours; il faut reconnaître qu’en Dieu seul est la vie, faire silence en nous et autour de nous pour permettre à Dieu d’entendre notre voix et à nous, d’entendre sa voix. Ce que nous pouvons, ce que nous devrions entendre aujourd’hui c’est ce que dit le prophète Esaïe : «Non, la main du Seigneur n’est pas trop courte pour sauver, son oreille n’est pas trop dure pour entendre !»
Vous connaissez tous ce jeu vieux comme le monde et que les psychiatres ont repris, le jeu des associations d’idées. Nous avons deux termes, deux mots : main et oreilles. Si je dis «main», à quoi pensez-vous ? A la main qui sauve, la main qui soigne, celle qui apaise, celle qui donne plutôt que de prendre. La main de l’horloger, celle du chirurgien, de l’affûteur, celle du vigneron de chez nous qui taille en ce moment la vigne, la main qui se tend, celle qui accueille ou à la main et à toutes ses mains qui se rebellent, qui rejettent, qui rabaissent, qui condamnent, qui éventrent, qui lacèrent et qui tuent. Si je dis «oreilles», à quoi pensez-vous ? Il y a de même tant et tant de manières de tendre l’oreille, de prêter l’oreille, d’avoir les oreilles tendues, mais aussi d'avoir les oreilles baissées, de n’écouter que d’une oreille, sans oublier ceux à qui on a mis, en les condamnant, des oreilles d’ânes ou dont on a dit qu’ils n’étaient pas secs derrière les oreilles.
S’il y a tant et tant d’expressions, c’est que chacune d’elles recouvre une attitude qui en dit long sur la qualité de la personne qui use de ses mains et de ses oreilles. Ce qui est sûr, c’est que Dieu a des mains et des oreilles, qu’il entend le cri des hommes qui monte vers lui. et qu’il a des mains pour aimer, pardonner, apaiser et redonner vie. Nous avons besoin de l’entendre aujourd’hui, «la main du Seigneur n’est pas trop courte pour sauver, son oreille n’est pas trop dure pour entendre !» Parole d’espérance, c’est sûr, mais c’est aussi une parole d’hier pour aujourd’hui et pour demain. Et ne me dites pas que vous n’en avez pas besoin.

Amen.

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Avec la participation de
Orgue
Ruth Robert
Musique
Christian Robert au cornet