Pascal Berney
En envoyant son mari vers sa servante, Saraï n'a pas forcément pensé à toutes les répercussions. Sa servante Hagar, une fois enceinte, n'a plus d'yeux pour sa maîtresse… Ses yeux sont tournés (et on le comprend volontiers !) vers son enfant… et vers celui de qui elle l'attend.
Voilà Saraï maintenant mise à l'écart. Les rôles se transforment et Saraï se sent menacée, elle ne trouve plus sa place, dans cette relation. Ce malaise l'amène à accuser son propre mari " TU es responsable de l'injure qui m'est faite ! "
Ça ne vous choque pas ? Qui c'est qui a envoyé Abraham vers Hagar ? Abraham y est allé suite à la proposition de sa femme, et ensuite elle l'accuse lui d'être responsable de son malheur à elle. C'est culotté non ?
Accusé, Abraham ne sait pas trop quoi faire… Il se décharge de sa responsabilité et la confie à sa femme : " C'est TA servante, fais en ce qui te paraît bon à tes yeux ! ". Le voilà débarrassé du problème, cela ne sera pas de sa faute à lui !
Saraï se défoule sur sa servante, ce qui provoque la fuite de cette dernière. Abraham et Saraï se sont débarrassés du problème…
Il y a juste deux hic…
Le premier, c'est qu’en s'accusant mutuellement du problème de l'autre " TU es responsable " " C'est TA servante ", la relation qui les unit en prend un sacré coup… Ils se parlent en TU, et les " Nous " et " Je " qui les font exister l'un et l'autre dans ce couple
ont disparu… Il y a un désert entre eux deux, et leur problème d'enfant n'est pas résolu…
Le second hic, c'est que celle qui incarne le " problème " Hagar, se retrouve toute seule, enceinte et sans rien dans le climat aride du désert !
Ah quelle belle fin ! Souvent, lorsqu'on parle de l'histoire d'Abraham, on imagine quelqu'un d'angélique qui a écouté son Dieu, qui s'est mis en route, qui a marché dans le désert… Une vraie histoire de vrai héros quoi ! Une histoire bien lisse ! Et bien le texte d'aujourd'hui nous montre que l'histoire n'est pas si lisse que ça ! (casser le vase) Il y a bel et bien des cassures entre les protagonistes de cette histoire…
Alors on se pose la question : " Comment des héros bibliques peuvent-ils se comporter de la sorte l'un envers l'autre et envers cette pauvre Hagar qui est enceinte ? "
Est-ce que vous vous êtes posé la même question lorsque Coraline est partie en claquant la porte ? Bien sûr ça nous frappe moins, parce qu'on sait bien, les personnages incarnés par les acteurs sont comme nous… Il nous arrive nous aussi de nous fâcher parfois, à un tel point que la seule alternative possible est la colère… la rupture !
Coraline… Elisa… Saraï… Abraham… Vous… Moi… Nous avons tous ce point commun ! Nous sommes capables du meilleur, mais nous avons aussi en nous cette enveloppe humaine, ces sentiments, ces blessures, ces faiblesses qui font que nos actes, nos paroles peuvent parfois être plus proches du pire que du meilleur ! Nous avons tous cette faculté de faire des pots cassés, de faire des briques…
Après coup, une fois que ces situations se sont produites, le constat est là… criant de vérité !
Je ne connais pas beaucoup de personnes qui souhaitent volontairement faire du mal aux autres. Ça se passe souvent dans le feu de l'action, nos tripes parlent plus fort que notre raison, et les dégâts sont constatés après coup !
Que faire à partir de là ? Comment recoller les briques ? Comment recréer une relation ?
Ce sont ces questions que je vous propose de méditer durant l'interlude musical qui va suivre…
Christian Vez
Le vase s'est cassé. Il sera bien difficile d'en recoller les morceaux.
Dans la pièce de théâtre, les garçons vont bien tenter de retrouver Coraline pour la convaincre de réintégrer la troupe. Mais sera-t-elle d'accord ? Et les autres - à commencer par Elisa - voudront-ils bien laisser la blessure se cicatriser ? Seront-ils prêts à redonner une chance à l'amitié?
Dans l'histoire d'Abraham, l'ange demande à Agar de retourner vers Saraï et de lui être soumise. Elle se laisse convaincre. On ne résiste pas à la parole d'un ange. Même si Agar - et nous avec elle - ne savons pas très bien comment elle va s'y prendre pour supporter la jalousie de Saraï. La suite de l'histoire nous apprendra d'ailleurs que les 2 femmes ne réussiront pas à s'entendre et qu'Agar connaîtra plus tard un renvoi définitif dans le désert.
Dans la vie de tous les jours que faire lorsqu'une équipe se disloque, lorsqu'un couple vole en éclats, lorsqu'une amitié se brise ?
Comment faire pour recoller les pots cassés ?
Le mot " réconciliation " est très beau, mais il ne suffit hélas pas de le prononcer pour réparer les dégâts provoqués par une rupture.
Tout au long de son activité d'apôtre, Paul a déployé beaucoup d'énergie pour essayer de réconcilier deux groupes divisés par un profond mépris.
D'un côté : il y avait le peuple juif, descendant d'Abraham, héritier de l'alliance faite par Dieu au patriarche, et puis de l'autre les non-Juifs, les païens considérés par les Juifs de l'époque comme exclus de l'alliance conclue par Dieu avec eux.
Lui-même Juif et apôtre des païens, Paul a la conviction que les 2 peuples sont invités par Dieu à se retrouver, à se réconcilier dans une même communauté humaine. Seulement pour réaliser cette réconciliation, il faut plus bien plus qu'un ange. Il faut plus qu'un simple messager qui viendrait donner des conseils aux uns ou aux autres. Mais il faut s'attaquer à la cause même de la rupture. Il faut en quelque sorte briser la brisure elle-même. Il faut détruire les armes de destruction massive qui provoquent l'éclatement de la communauté humaine en autant de groupes et d'individus séparés les uns des autres.
Ce qui pousse Paul à croire que cette réconciliation est possible, c'est la croix. " Par sa mort sur la croix - écrit-il - le Christ a détruit la haine ". Le matin de Pâques confirme cet anéantissement des puissances de division. La victoire du Christ sur la mort est ainsi d'abord victoire sur la haine. Son amour infini répond aux tortures qu'il a subies. Mais plus encore, ce même amour jaillit désormais comme une source offerte à tous. Et l'eau de cette source guérit et vivifie aujourd'hui encore les meurtrissures subies par ceux qui viennent s'y désaltérer.
Ce n'est pas très facile à expliquer, et c'est certainement encore plus difficile à vivre. Pourtant j'aimerais vous donner un exemple de ce que cette source peut susciter aujourd'hui.
Personne n'a oublié le terrible régime politique de l'apartheid qui a lacéré l'Afrique du Sud pendant des décennies. Lorsque ce régime de ségrégation raciale a pris fin dans les années 90, une question s'est posée : comment réconcilier les noirs et les blancs après tant d'années de haine réciproque ? L'archevêque anglican Desmond Tutu a été appelé à la rescousse par le président Nelson Mandela pour présider une commission gouvernementale chargée de résoudre ce problème explosif. Le travail de cette commission consistait à recueillir les aveux complets des personnes ayant violé les droits de l'homme sous le régime de l'apartheid, et à leur offrir en contrepartie l'amnistie au nom du peuple sud-africain. Arrivé au terme de ce travail long et difficile, Desmond Tutu a écrit un livre où il décrit les scènes émouvantes de réconciliation dont il a été témoin au cours de cette activité.
Il écrit notamment ceci :
" Nous avons été émus aux larmes. Nous avons ri : nous avons gardé le silence et nous avons regardé droit dans les yeux la bête immonde de notre sombre passé. Ayant surmonté cette terrible épreuve et prenant conscience de notre commune humanité, nous commençons à réaliser que nous sommes capables de surmonter les affrontements d'hier et de nous tendre la main. "
En Christ, nous sommes membres, nous aussi, d'une humanité toujours renouvelable. Si nous savons d'expérience que les ruptures et les blessures entre les humains sont inévitables, nous croyons au plus profond de nous-mêmes qu'il n'est aucune division que la vie jaillissante du Christ ne saurait cicatriser.
Vivons donc en sorte qu'à l'image du peuple sud-africain et de ses responsables religieux, notre foi soit elle aussi de plus en plus créatrice de paix.
Casser le vase
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