Josué, le plus farouche des guerriers, le plus brave des commandants militaires de l’histoire juive ; son nom est gravé sur le mur de l’école militaire américaine de West Point. Pour les archéologues et les historiens, son livre offre des renseignements inestimables. Des généraux israéliens admettent que s’ils n’avaient pas étudié la stratégie de Josué, la leur aurait rencontré des difficultés insurmontables pendant la guerre des 6 jours. Les premiers versets de son livre nous disent : « Après la mort de Moïse, le serviteur de Dieu, Dieu s’adressa au serviteur de Moïse, Josué fils de Noun, en ces termes : « Moïse est mort et tu es son successeur. Va traverse le Jourdain, occupe le pays que j’avais choisi pour le peuple d’Israël… Tant que tu vivras, personne ne pourra te résister. Comme j’étais avec Moïse, je serais avec toi. Je ne t’abandonnerais pas. »
Dieu, Moïse, Josué, Israël : quatre personnages d’un drame qui n’en finit pas de s’achever. Il leur arrive d’unir leurs forces, mais pas toujours. Dieu est toujours Dieu, et il règne sur ses créatures, mais celles-ci cherchent parfois à se dominer les unes les autres.
Moi il me fait un peu peur Josué ; personnage ténébreux, homme de sang et de gloire, impliqué dans trop de batailles ; c’est à lui que l’on fait appel chaque fois qu’il faut se lancer la tête en avant, attaquer l’ennemi et le vaincre. Lire son livre c’est marcher dans la cendre et parmi des cadavres. Si on lit en surface en tous cas, mais si l’on creuse un peu, alors creusons ce premier acte de la conquête de la terre promise. Le peuple est encore de l’autre côté du Jourdain, Josué, en secret, pour assurer ses arrières, envoie 2 espions.
Quand on raconte l’épopée de deux espions sur une terre à conquérir, on s’attend à un système d’investigation pour avoir les détails des forces de l’ennemi, le nombre de soldats et de machines de guerre, les lieux stratégiques à éviter, et là on nous raconte l’histoire d’une femme : Rahab ; et quelle femme ! Prostituée à Jéricho, ancêtre du Christ, citée comme témoin de la foi dans l’Epître aux Hébreux, louée pour ses œuvres dans la lettre de Jacques ; oui un sacré bout de femme cette Rahab !
Moi je la trouve gonflée Rahab, bien sûre d’elle dans ses affirmations et sa manière d’agir ; mais c’est peut-être justement une des clés de son succès : son audace, sa confiance, sa détermination. Elle sait lire les signes de son temps et elle en tire les conséquences.
« Je sais… » dit-elle, et de faire la liste des évènements qui lui donnent l’assurance que « le Seigneur votre Dieu est Dieu là-haut dans le ciel et ici-bas sur la terre. » Elle sait, elle a su lire les signes et en nourrir sa foi. Elle a su discerner dans les signes de son temps : la traversée de la mer des roseaux par le peuple hébreu, la mort des deux rois Amorrites, les succès guerriers d’Israël, la peur panique des gens et leur découragement ; tous ces signes lui ont permis de s’enraciner dans une conviction forte et de croire que l’Eternel est Dieu, que le Dieu des Israélites est le seul vrai Dieu.
Elle a confiance en elle, en son regard, en son jugement, et c’est cette confiance qui lui permet de faire confiance à Dieu puis à d’autres ; la confiance en soi conduit à la confiance en l’autre, que ce soit le Tout Autre ou simplement nos compagnons de route, ou même des étrangers voire des ennemis.
Rahab accueille les espions de Josué, elle accorde aide et assistance à cet ennemi qui prépare l’assaut, elle fait le pari de la foi ; elle est folle cette femme ! On comprend pourquoi l’auteur de la lettre aux Hébreux l’a introduite dans sa galerie de portraits, car sa foi correspond à la définition qu’il en donne : la foi pour lui c’est la certitudes des choses qu’on espère, la démonstration de celles qu’on ne voit pas, or Rahab a enraciné ses espérances dans la réalité de sa vie et elle a cru à ce qu’elle ne voyait pas encore. Et elle va plus loin, elle veut que sa foi conduise au salut, et pas seulement au sien, mais elle veut sauver aussi sa famille.
Elle va négocier son aide et obtiendra non pas une certitude, mais une promesse de salut. L’aventure des signes et de la foi continue : un fil cramoisi, un vulgaire cordon rouge accroché à la fenêtre ; un signe dérisoire, un bout de ficelle, mais pour Rahab c’est tout, c’est le salut pour elle et les siens. C’est son unique assurance. Il faut le voir pour y croire !
En prévision de l’assaut final, dans l’éventualité de ce jugement dernier, les sages de Jéricho fortifient leurs maisons ; ils multiplient les barres, les cadenas et les verrous. Ils se creusent des abris, ils se ménagent des retraites ; comme si toutes les portes du monde, si bien fermées soient-elles pouvaient empêcher d’entrer celui qui est le Dieu du ciel et de la terre ; comme si quelque part sur terre on pouvait échapper à son regard et à sa présence. Rahab elle, sait ; elle croit que face à Dieu il n’y a pas d’autre salut qu’en Dieu lui-même. Elle compte sur sa Parole, sur sa promesse ; elle se confie à un fil rouge, signe de cette promesse. Sa vie qui ne tient qu’à un fil.
Rien ne lui dit que ça marchera, mais elle y croit ; elle y croit tellement qu’elle n’attend pas l’assaut de l’armée de Josué. Le texte nous dit : « Aussitôt »… Aujourd’hui, si vous entendez sa voix n’endurcissez pas vos cœurs. Il y a urgence, la confiance n’attend pas elle fonce et elle se donne. On comprend ainsi pourquoi Jacques loue les actions de Rahab dans son Epître car la foi sans les actes est morte.
Rahab a accueilli les espions, les a cachés et sauvés. Elle a cru à leur parole et a immédiatement attaché le cordon à sa fenêtre. Elle l’a enroulé autour d’une promesse, d’une parole, comme celui que vous avez reçu en entrant est enroulé autour d’une parole.
Ce cordon rouge c’est le signe d’une alliance ; alliance qui assure la vie, le salut de toute la maisonnée. Quelle folie de faire confiance à la promesse de deux espions ennemis ! Quelle folie de faire confiance à un charpentier mort sur une croix ! Quelle folie de faire confiance à une Parole ! C’est quoi une parole ? Du vent, rien, chiffon de papier !
Seigneur souviens-toi de nous dans ton Règne. Se souviendra-t-il vraiment de son alliance, de sa Parole ? Fera-t-il comme il a dit ? La maison de Rahab répond aujourd’hui à notre question. Regardez cette masure collée à la muraille, habitée par une femme, confiante et audacieuse; de toutes les maisons de Jéricho c’est la seule qui tienne encore. La ville fortifiée est devenue tombeau, mais la chaumière de Rahab, hier maison de perdition, est devenue la maison du salut, la maison du Royaume de la vie et de la promesse tenue. Les prostituées vous précèderont dans le Royaume. Jésus le confirmera.
Merveilleux scandale que la fragilité de la grâce ! Formidable message qui nous dit que hors de la promesse, pas de salut, hors de la foi pas de salut, hors de la confiance naïve et un peu folle d’une promesse garantie par un fil rouge, par le sang d’un innocent, par la résurrection d’un seul homme il n’y a pas de salut.
Regardons-les tous les gens de l’entourage de Rahab, bénis et sauvés par sa foi ; bizarre cette foi personnelle qui en sauve d’autres autour de soi. A croire que nul ne se confie en la bénédiction de Dieu sans être à son tour bénédiction pour d’autres. Le goût du salut pour soi, tout seul, ce n’est pas le salut ; on ne peut pas être sauvé sans que cela déborde et féconde ceux qui vivent avec nous.
Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé toi et les tiens, dira Paul au gardien de la prison de Philippes. Oui, ils sont tous là eux aussi dans la prison de Philippes, ce mini Jéricho ; ils sont là Paul, Silas les autres prisonniers, le geôlier et les siens ; les murs tombent, les portes s’ouvrent les chaînes se brisent ; et il est là celui qui a cru et qui a été baptisé lui et sa maisonnée.
Rahab nous rend le service de la foi et des signes ; elle nous ouvre à celui dont elle est l’aïeule : Jésus de Nazareth, fils de David ; mais oui Rahab, aïeule du Fils de Dieu. Avec d’autres que personne ne s’attendait à trouver là, elle est dans le cortège qui, avec Abraham, le croyant, marche vers la crèche et la croix. Cette femme, avec beaucoup d’autres, nous a devancés dans le Royaume de Dieu.
Elle nous invite à demeurer là dans cet inconfort de la foi, de la confiance dérisoire en un fil rouge, sous la garde unique d’une Parole donnée et reçue : crois au Seigneur, mets ta confiance en lui, et tu seras sauvé, toi et les tiens.
Jésus dit : « Il en viendra du Nord et du Midi et ils seront à table dans le Royaume des cieux. » Rahab est de ceux-là. Elle vient de loin, du fin fond de la nuit des temps ; du fin fond de ses origines païennes et peu honorables ; elle est là en Dieu, loin des ruines de Jéricho ; sa vie son salut, son avenir, sont en Jésus-Christ, fil rouge de la grâce divine.
Maintenant j’ai assez parlé de Rahab. Il fallait bien parler d’elle, mais je vous invite à l’écouter, elle qui, aujourd’hui nous interroge et nous dit : « Quel est ton fil rouge ? As-tu confiance en toi ? Quelle est ta confiance en Dieu ? Crois-tu aux autres ? Quels sont les signes de ton temps ? Sais-tu les lire et puis agir ? Elle nous dit aussi ce que nous avons toujours à nouveau besoin de nous entendre dire : « Je sais en qui j’ai cru, car le Seigneur votre Dieu est le Dieu du ciel là-haut et de la terre ici-bas. »
Amen !
Quel est ton fil rouge ?
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