La Cène

image

Le repas est un événement. Il se caractérise par :
1 ) L’hospitalité – (l’hôte est l’hôte)
2 ) Le service - (Jésus sert les commensaux)
3 ) Le fait d’ « assumer » son corps (anticiper l’avenir)

Plusieurs fois par jour, l’homme vient à table prendre son repas. Que ce soit dans l’intimité ou pour un banquet officiel. On y mange soit le pain de la disette, ou au contraire, on se livre parfois à des excès de table. Ce partage de la table crée entre convives, une communauté d’existence.
Dans le repas que Jésus préside, c’est avec Dieu que se réalise la « communauté d’existence à laquelle nous aspirons tous consciemment ou inconsciemment. L’hospitalité est en quelque sorte, la force de l’Eglise. Car il n’y a pas, en effet, de communauté sans rituel et sans institutions.
Il y a toujours des formules et des gestes qui sont chargés de véhiculer la signification. L’hospitalité, dans le repas est un signe externe dont on ne peut se passer si l’on veut « protester » c'est-à-dire témoigner de notre foi. Il n’y a pas de vie commune et moins encore de communauté de vie qui ne se déroule au rythme d’un ordre symbolique plus que naturel. C’est la raison pour laquelle nous pensons que le repas est un « événement » au cours duquel nous faisons « mémoire », un repas braqué sur le salut du monde, braqué sur la Terre promise, c'est-à-dire un monde nouveau ; sur la nouvelle Jérusalem, enfin, sur le corps du Christ.

L’Eglise dans laquelle nous sommes en 2006 est bien malgré sa faiblesse et ses limites, l’anticipation de la nouvelle création. Ainsi pouvons-nous dire que ce repas sert de « portée » à la grâce de Dieu. Il rapporte l’homme à Dieu. Vivre la Cène n’est pas un temps de négation du monde, ce n’est pas non plus un repas exclusivement axé sur l’au-delà. C’est plutôt une hospitalité, un accueil et un partage du pain de vie donné pour le monde que Dieu aime tant qu’il lui fait don de son Fils !
L’hospitalité au repas de la mémoire de la libération et de la grâce comporte un double engagement de la part des convives. Un engagement devant Dieu et devant le monde.
Vivre cette hospitalité est aussi reconnaître que ce repas est l’emblème d’un peuple sans racine, composé d’étrangers et de voyageurs en route vers de nouveaux cieux et une nouvelle terre. Il s’agit de l’hospitalité d’un peuple en attente, tendu, tourné, bandé par l’espoir.
Un peuple moins penché sur son passé que tendu vers son avenir. L’hospitalité à cette table de communion est comme l’anticipation d’un avenir promis sans qu’il soit demandé aux participants de brader leur héritage. Dans le Nouveau Testament, la Cène du Seigneur, c’est une performance ! Car on en célèbre pas le simple souvenir, mais, on la pratique cette cène sainte, en mémoire du Christ, jusqu’à ce qu’il vienne !

Mais le repas est aussi un service. Nous lisons dans le livre des Actes des Apôtres qu’il y a le renouvellement de la fraction du pain dans la joie et la communion fraternelle. Se réunir pour un banquet, c’est aussi communiquer la joie que procure le festin de la sagesse. Dans le livre d’Esaïe, nous lisons qu’à la fin des temps, le Seigneur préparera pour tous les peuples un festin extraordinaire. Un festin auquel participeront tous ceux qui ont faim, même s’ils n’ont pas d’argent.
Or, voilà que dans le cours du repas, Jésus se lève pour accomplir le geste du lavement des pieds. Nous savons la réticence de Pierre à recevoir cette purification de la part de son Maître et Seigneur.
L’insistance de Jésus est dirimante. Si tu n’acceptes pas cela, si tu ne veux pas que j’accomplisse ce geste pour toi, tu n’auras pas de part avec moi. Refuser ce soin d’un service naturel en Orient ; service qui purifie des souillures et des blessures de la journée, c’est symboliquement se priver de la grâce. Jésus en fait même un idéal, un modèle à suivre, une pratique à réaliser par tous ceux qui se réclament de lui.
Ce geste est parole sans paroles, geste éminemment personnel. Ce geste est aussi rencontre individuelle. Alors que les convives sont autour de la table, lors du lavement des pieds, paradoxalement, chacun est en tête à tête avec le Seigneur. Voilà la base du service. Un abaissement qui favorise la rencontre personnelle, intime, dans un face à face qui s’inscrit dans l’éternité puisque Jésus nous demande de l’accomplir les uns envers les autres.

Le repas, c’est aussi assumer son corps. Accepter ce geste d’abaissement, comprendre que résulte de son accomplissement la purification, c’est assumer son corps. Assumer que tous les humains sont eux aussi dans un corps et que l’Eglise est appelée corps du Christ.
C’est un fait accompli. Si tout est grâce, les gestes accomplis dans ce temps de la Passion nous rappellent que c’est le Christ qui est la mesure de ce qui est. Tout est grâce dès lors qu’en Christ, nous avons toute la mesure, la pleine mesure de ce qui est une fois pour toutes. Nous pouvons donc être nous mêmes et accomplir le même service à notre tour.
Ainsi, nous confessons Jésus lors de la cène avec les mots de notre appartenance religieuse, mais en ouvrant la table largement à l’affamé pour le nourrir, à l’assoiffé, pour l’abreuver. Nous faisons cela jusqu’à ce que le Seigneur vienne.
Assumer son corps, c’est reconnaître que ce repas transgresse les frontières, décloisonne et ouvre à l’interprétation nouvelle de l’Ecriture, cette Ecriture qui a toujours circulé entre les siècles et les cultures.
Cette hospitalité qui appelle au service et qui conduit à assumer son corps lors d’un repas qui accueille et nourrit jusqu’à l’abaissement de l’hôte dans un face à face permet de dire la joie ou la révolte, le refus ou l’accueil, mais toujours d’hôte à hôte ! L’hôte, en français a une définition ambiguë ; il est à la fois celui que j’accueille et celui qui m’accueille, mais aussi celui qui, parfois, dans son intrusion me menace.
L’hospitalité semble contenue entre le rejet et l’absorption, entre l’exclusion et l’assimilation. L’hospitalité met en relation l’intime et l’étranger, le dedans et le dehors en vue du franchissement de la maison qui accueille.
En franchissant le seuil du Temple, en formant cette assemblée qui va se dissoudre dans quelques instants, nous avons pris un repas en faisant éclater les limites spatiales, et nous l’avons fait en lien avec ceux qui nous écoutent sur les ondes.
Ce repas est une construction, une véritable architecture pour la foi. La foi qui nous fait hôte du Seigneur, hôte à nouveau de l’hôte éternel, et bien sûr hôte les uns des autres. C’est le repas du réveil de l’espoir, c’est un événement qui s’inscrit dans une attente et une promesse et à ce titre, il a une puissance d’orientation. Il est l’expression de l’assurance que l’espoir est toujours vainqueur. Alors, que nous soyons à table, isolé dans une maison, ou nombreux dans le brouhaha de la fête, nous constituons, chacun, le corps du Christ, sans perdre le tête à tête avec lui. Alors, pourquoi ne pas vivre tous nos repas à la lumière de l’amitié qui aime jusqu’à mourir ?

Alexandre Vinet écrivait : Il ne tient qu’à nous, chaque fois que nous nous asseyons à la table que la bonté de Dieu veut bien nous couvrir, d’y célébrer tacitement ou expressément la Cène ; et au vrai, quel est le chrétien qui bénissant de cœur les mets dont sa table est couverte, ne bénisse le pain de vie dont il lui présentent l’emblème, et ne s’unisse à son Sauveur crucifié, aussi bien que dans ce festin solennel dressé sous la voûte des temples ?

C’est alors que résonne avec une force extraordinaire le verset du dernier livre de la Bible : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe, si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi. » Amen !

Prédications dans le même lieu

Prédications de la même personne

Aucun résultat.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Marie-Louise Girod
Musique
Sylvie Jouniot, soprano; le Choeur du Marais, sous la dir. d'Yves Müller