Le culte radio au coeur du F-festival

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Il faut le dire pour nos amis qui suivent ce culte à la radio. Ici nous croulons sous l’or. Nous sommes sous une averse d’écus – d’écus immenses, des écus confectionnés par des groupes paroissiaux du canton, en particulier des groupes du culte de l’enfance ou des groupes de jeunes ou même d’un conseil paroissial. Il en vient de nombreuses localités et paroisse du canton
Des écus, mais si dans notre monde rutilent des pièces d’or gravées de chiffres impressionnants et d’effigies triomphantes, ici nos écus, en échos à la parabole des trois serviteurs auxquels leur maître confie une fortune en talents, ici, nos écus représentent, cotés pile et côté face, les richesses que Dieu nous confie.
Et regardez : ici la Bible, entourées de visages heureux de l’avoir, ou de ces mots de la Bible qui portent nos vies. Ici le Christ, son message, la clarté forte et douce qui se dégage de sa présence. Ici l’amitié d’un groupe, on chante ensemble, on prie ensemble, on porte les soucis les uns des autres, on partage, chacun a sa place au milieu des autres différents. Là les beautés qui décorent la vie. Ici des événements porteurs : la teinte des oeufs pour un projet du tiers monde, ou un camp.
Et des noms : des noms de personnes, amis reçus sur le chemin de la foi, des noms de lieux : espaces (portions de notre monde) reçus pour y vivre notre service. Et à ces richesses-là, il faut ajouter – parce que c’est de l’or aussi – ce qui s’est dit ici dans les divers groupes, ateliers, tables rondes et conférences, offices ou spectacles et en particulier les questions soulevées, les remises en question salutaires suscitées, que les participants à ces moments pourront garder à l’esprit pour la qualité de leur vie et pour leur service dans notre société.
En voici quelques-unes :
§ Comment honorer la présence, la mémoire et la sagesse des anciens ?
§ Comment créer des liens qui procurent force et joie ?
§ Comment rester fermes dans la foi lorsqu’on nous dit que certaines histoires bibliques se fragilisent ? Est-ce que dans le domaine de la science et de la recherche la foi nous aide à savoir comment faire pour bien faire ? Qu’est-ce qui m’empêche de prendre le droit de vieillir ? A propos d’Exit : quels effets sur l’entourage, avant, après et pendant ? Quels dangers représentent ceux qui sont différents face à notre difficulté à affirmer notre identité ?

Et à la richesse de ces questions, ajoutons encore la somme d’amitiés, de compagnonnages encourageants, d’engagements exemplaires que représentent tant de personnes rencontrées lors des ateliers des repas et sur les sentiers de Crêt Bérard, tant de retrouvailles qui évoquent une fidélité, ou de visages nouveaux qui disent l’ouverture curieuse. C’est aussi de l’or.
Nous pourrions continuer, mais déjà nous réalisons que nous ne sommes pas loin de l’abondance illustrée dans la parabole par les sommes faramineuses confiées par le maître à ses serviteurs : l’équivalent de plus de 80 ans de salaire au premier, de plus de 30 ans de salaire au second, de plus de 17 années de salaire au 3ème. Pour toutes ces richesses confiées, nous laissons Mme Savoyant et son groupe de Negro spirituel, qui s’est préparé hier ici, exprimer notre reconnaissance.
Mais notre parabole ne s’arrête pas à cette fête des richesses accordées : le maître s’en va. « Il partit ». Et vient le temps de l’absence, de l’absence longue. Il ne reviendra , dit la parabole , que « longtemps après ». C’est le temps du silence du maître. « Je crie, Seigneur, et tu ne réponds pas », disait déjà le psalmiste. Et ici aussi , ces derniers jours, on entend au détour d’une conversation ou des nouvelles qu’on prend les uns des autres, des expressions qui disent comme une absence ressentie en déception, en lassitude, en manque d’inspiration, en solitude. « Ça va ? », « on attend les résultats », « c’est décourageant », « c’est difficile », « on espère »,« on ne sait pas que faire pour bien faire. » Ah si le maître était manifestement présent, spectaculairement à l’œuvre parmi nous.

Ce temps marqué, et comme blessé par une certaine absence du maître, ce temps de « la vie comme elle est » – difficile – ce temps n’est pas un temps mort et perdu. C’est le temps de la responsabilité. C’est le temps de mettre pleinement à profit ce qui nous est confié : chaque richesse confiée, chaque parole reçue et chaque réflexion partagée, chaque moment de vie, chaque rencontre et chaque situation, mises à profit pour que quelque chose de ce qui se vivait autour du Christ présent se vive encore aujourd’hui, en son absence relative.
C’est le temps d’utiliser les richesses que le maître nous confie de telle sorte que la qualité des gestes ou des paroles ou des relations que le Christ suscitait autour de lui se prolonge et que la communion avec Dieu qu’il instaurait se vive encore et toujours parmi nous et autour de nous par la foi et dans le respect de la discrétion de Dieu.
C’est un temps pour « semer et répandre », comme dit notre parabole, comme semait et répandait le Semeur de l’Evangile. C’est le temps de faire fructifier tout ce que nous avons entre les mains et dans la tête et dans le cœur. Dans la parabole, les deux premiers serviteurs s’y mettent « avec empressement », pour qu’un jour le maître récolte une abondance de moments et de gestes d’Evangile.

Mais maintenant, si cette responsabilité nous rebute, avec tout ce qu’elle exige d’attention à porter aux uns et aux autres, de choix à faire, d’engagement personnel, d’enthousiasme à garder, de solitude à affronter. Si cette responsabilité nous écrase comme une tâche trop difficile venant d’un maître trop exigeant (parole du 3ème serviteur) ou si m’écrase la vision des performances de ces serviteurs extraordinaires, en or, en comparaison desquels j’ai le sentiment de n’être qu’un terne minable spirituel et humain (parole d’une paroissienne de Vich)… Si m’effleure la tentation de me délester de cette responsabilité embarrassante pour voler librement pour mon compte et si j’enterre loin de mon attention ma vocation de serviteur, considérant que c’est l’affaire du maître et non la mienne. (« prends ce qui est à toi » dira le 3ème serviteur !)
Ou si – ce qui est une autre façon de l’enterrer – j’enveloppe ce qui m’est confié dans mon bagage d’ambitieux et je le détourne au service de mes prétentions personnelles. Si, oubliant l’attente du maître, je ne garde de mon rapport avec lui qu’une foi qui est devenue un hobby dominical, si je renonce à semer et à répandre ce qui était destiné à devenir moisson d’Evangile...
Alors c’est qu’avec le 3ème serviteur, j’ai perdu de vue la confiance que Dieu me fait. C’est que j’ai perdu de vue, derrière l’inventaire infini des richesses confiées, derrière l’intérêt des questions soulevées évoquées tout à l’heure, derrière le plaisir d’aujourd’hui, la grandeur de la confiance que le maître me porte et tout ce qu’elle représente de dignité, de sens, de beauté pour chacune de nos vies
Ou alors, c’est peut-être que la confiance que le maître me fait, m’a été transmise au travers de tant de filtres moralisants, culpabilisants, inhibants, menaçants que tout enthousiasme dans la fidélité et toute liberté de servir sont restés diablement rachitiques (parole d’aînés de Gland).

S’il en est ainsi… il nous faut repenser à tous ceux qui avant nous et avec nous ont été serviteurs ou servent. Cela, ce n’est pas dans la parabole, c’est dans l’Evangile selon le groupe « passage » de la paroisse de Cheseaux Romanel, qui, avant la pièce qu’elle jouera tout à l’heure, nous propose un défilé encourageant de serviteurs d’autrefois et de maintenant.

Les voici :
§ Pierre Valdo, l’homme de l’Evangile qui au 12ème siècle fut à l’origine des Vaudois du Piémont et son juge.
§ Deux bûcherons du 16ème siècle accueillants au message de Luther.
§ Une ménagère sensible à l’Evangile portée par la musique de Bach.
§ Des camisards, amis de Marie Durand, attachés à l’Ecriture, malgré les persécutions du 18ème siècle.
§ Un chercheur de figures d’Evangile sur internet.
§ Un proche des combats de Martin Luther King.
§ Et deux serviteurs d’aujourd’hui qui nous accompagnent et qui sont même probablement sous cette tente ce matin.

Mais retour à notre parabole. Qui, elle, nous incite plutôt à revenir au maître par L’Esprit et par la mémoire de l’Ecriture. Revenir au maître jusqu’à ce que devant lui, dans l’émotion de la confiance reçue, renaisse en nous le goût et la confiance de servir, le goût de la responsabilité à assumer qui force toute retenue.
Revenir à lui, jusqu’à ce qu’aux côtés du maître nous apparaissent tous les visages de ceux auxquels, en Jésus-Christ, il s’est identifié : des femmes, des hommes, des enfants, pour qui les dons qui nous ont été confiés peuvent devenir constructeurs, bienfaisants, essentiels, clartés.
Revenir au maître jusqu’à ce que le risque qu’il court lui-même, en partant, d’être trahi et déçu par ses serviteurs, devienne en nous encouragement à courir aussi le risque d’un choix de vie dont un jour le maître puisse récolter les fruits en accueil offert, en accompagnement généreux, en amour partagé, en espoir redonné, en foi fortifiée.
Revenir au maître jusqu’à ce que nous vivions nos journées, non pas obscurcies par la masse grise des devoirs à assumer, mais lumineuse d’une clarté qui nous vient de l’horizon de la foi où rayonne un promesse : « viens dans la joie de ton maître ».
Revenir au maître jusqu’à ce que… toujours.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Musique
Fanfare de Gland, direction Vincent Dubois