Pour vous, pour moi, Dieu est prêt à se défaire de ses privilèges. Il est d’accord de venir nous rejoindre dans notre humanité. Dans notre monde où le bonheur s’achète, cette façon de voir va peut-être nous demander quelques efforts de réflexion. Dans notre monde où le bonheur se mesure en millions gagnés à la loterie ou en grosses voitures parquées dans son garage, nous voilà invités à envisager les choses sous un autre angle. Vous êtes le bonheur de Dieu. Pour vous, pour moi, Dieu est prêt à se défaire de ses privilèges. Il est d’accord de venir nous rejoindre dans notre humanité.
Les paraboles que nous venons d’entendre parlent du Royaume des cieux. Nager dans le bonheur, c’est bel et bien une façon de se royaumer. Cela vous arrive peut-être dans vos loisirs. Vous le recherchez dans vos activités professionnelles. Le bonheur et la recherche du bonheur forment un fonds de commerce qui n’est pas en voie d’être épuisé dans notre société.
Comment suis-je à la recherche du bonheur ? Comme pour l’Israël du prophète Esaïe, le bonheur peut être le fait d’être délivré de ce qui nous a pesé ou de ce qui nous a enfermés. Le peuple libéré de la servitude et de l’Exil peut, selon Esaïe, profiter de son bonheur. Ce peuple sauvé est appelé à se réjouir de son salut et à célébrer le Seigneur par ses chants. Ce qui domine ici, c’est le sentiment paisible de la sécurité, de la peur disparue, d’être rempli de la force du Seigneur.
Cette vision d’Esaïe est très compatible avec le bonheur qu’on nous vend dans notre monde occidental plutôt riche. Le bonheur, c’est la sécurité, la confiance et la force, ou être sûr de soi.
Si c’est cela, le bonheur, le nôtre n’est jamais total. Bien entendu, nous sommes souvent plus proches de ce bonheur-là chez nous que dans beaucoup de régions du monde. Nous sommes pourtant bien plus souvent en recherche de ce bonheur qu’installés dedans. Nous voyons souvent ce qui nous en sépare encore, plutôt que ce qui nous en rapproche. Ce matin, j’aimerais m’arrêter un peu à la perspective de trois paraboles spécifiques à l’évangile de Matthieu : elles ne nous parlent pas de bonheur, elles nous parlent de Royaume des cieux, de trésor caché, de perle, de marchand, de filet.
A chaque fois, il s’agit de trouver ou d’obtenir quelque chose de précieux qui manque encore et qui vaut largement la perte des biens accumulés jusqu’ici. L’homme qui trouve le trésor dans le champ, aussi bien que le marchand découvrant une perle unique, accepte de se défaire de tous ses biens pour acheter le champ ou la perle.
C’est un peu comme nous qui cherchons le bonheur. Nous sentons que ce que nous cherchons, c’est quelque chose de précieux qui va nous faire faire des choix. Est-ce que le trésor est hors de prix ?Juste pas, puisque l’homme et le marchand trouvent les moyens de l’acheter.
Ces paraboles nous montrent que le trésor du Royaume des cieux vaut la peine. Il vaut la vente de ses biens pour se l’offrir. L’Évangile marque ici la valeur du trésor et non le dépouillement qu’il impose. C’est un trésor tel que cela va de soi que je vais vendre mes biens pour l’obtenir. Le fait que l’homme achète le champ et son trésor ou la perle précieuse ne signifie pas que le royaume peut être acheté à prix d’or, de bonnes œuvres ou de piété, mais qu’il vaut la peine de se dépouiller de tout pour ce royaume.
C’est la compréhension habituelle de ces paraboles : le Royaume des cieux est caché, il est pourtant accessible à tous, à portée de main. Le trésor représente une richesse si grande qu’elle est impossible à mesurer. Le trésor vaut plus que tout ce dont on dispose. Ce qui nous est dit ici dans le langage imagé des paraboles, c’est que le « Royaume » ne peut pas se quantifier. Ce que nous pouvons dire, c’est que la joie et le dépouillement découlent de sa découverte. La joie de le trouver est telle qu’elle empêche tout regret concernant ce dont on se sépare.
L’interprétation la plus courante est de voir dans le trésor caché la personne du Christ et son enseignement. Et le croyant qui engage toute son existence dans sa relation au Christ est alors à l’image de l’homme ou du marchand qui vend tous ses biens pour acheter le champ et son trésor ou la perle de grand prix.
Il y a pourtant une autre façon de lire ces textes. On peut reconnaître dans celui qui trouve le trésor le Christ. Le trésor enfoui est alors l’être humain lui-même, l’homme, la femme, rencontré par le Christ, trouvé par Dieu.
Cela me plaît bien, d’être trouvé par Dieu. Par rapport à la quête du bonheur dont je parlais au début, je vois les choses par l’autre bout. Si la parabole montre comment je suis trouvé par Dieu, c’est que je suis le bonheur de Dieu. Pour moi, Dieu ne se pose pas de question. Pour Dieu, cela vaut la peine de se défaire de ses biens, de se dépouiller. Oui, pour moi, pour toi, pour vous, Dieu se dépouille parce qu’en moi, en toi, en vous, il trouve son bonheur.
Dieu se dépouille, qu’est-ce que cela veut dire ? Restons simples et sobres. Pas besoin de la complexité de longues interprétations ni de sang de sacrifice. Se dépouiller pour Dieu, c’est quitter son Royaume inaccessible et inabordable pour venir au cœur de notre vie humaine. Il le fait en Jésus, le Christ incarné dans notre humanité. Il le fait dans notre quotidien, parce que dans la valeur des relations que nous avons les uns avec les autres, nous rendons visible la présence de Dieu. Vous êtes le bonheur de Dieu.
Pour vous, pour moi, Dieu est prêt à se défaire de ses privilèges. Il est d’accord de venir nous rejoindre dans notre humanité. Vous êtes le bonheur de Dieu.
Amen !