Un ciel nouveau – une terre nouvelle

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Ce dimanche, quelques bancs de brouillard au début sur le Plateau et le bassin lémanique, sinon temps en partie ensoleillé voire nuageux en matinée. Ciel se couvrant dans l'après-midi à partir de l'ouest. Neige au-dessus de 2100 à 2300 mètres. Vent du sud-ouest fort en montagne. 7 degrés à l'aube à basse altitude, 12 degrés cet après-midi. Températures douces.
Non, chers auditeurs, vous ne vous êtes pas trompés de programme ! C’est bien le culte du dimanche matin, mais accompagné en prime du bulletin météo. Quelle chance ! Mais peut-être que vous n’avez pas attendu de l’entendre pour mettre un nez dehors, jeter un coup d’œil à votre fenêtre, pour regarder le ciel de ce matin de novembre, comme les paroissiens ont certainement dû le faire pour venir jusqu’ici.
Et il est vrai que si aujourd’hui le ciel est couvert, dans la Broye – contrairement à ce que l’on pense souvent – ce n’est pas tous les jours le brouillard, mais parfois vue bien dégagée qui nous donne d’embrasser toute la chaîne majestueuse des Alpes, en particulier depuis cette église, comme aussi le flamboiement d’un coucher de soleil sur le Jura tout proche. Quel temps fait-il chez vous, vous qui nous écoutez ? Il est parfois étonnant de constater que dans un même pays, sur des distances somme toute assez courtes, il peut y avoir tant de différences dans la luminosité, la couleur du jour. Soleil éclatant ou brumes d’arrière saison à quelques kilomètres de là, et pourtant sous un même ciel…
Oui, la météo, c’est souvent la première entrée en matière lorsqu’on se rencontre. On parle du temps si important pour ceux qui travaillent la terre comme ici. C’est peut-être anodin, le temps, mais ça dit aussi de manière voilée peut-être, notre humeur, notre état d’esprit, notre être intérieur, si tant est que tant de choses nous influencent au quotidien. Et l’on sait qu’en ce mois de novembre, l’obscurité gagnant chaque jour du terrain, beaucoup ont plus de peine à trouver ressource et énergies nouvelles.

Attente de la lumière, regard porté vers le ciel : tant de choses, à commencer par le monde visible, ont une portée bien réelle sur notre vie. Bien plus que le bulletin météo, il y a ce qui nous tombe dessus, ce qui surgit et nous bouscule, ce qui trouble notre vie et nous fait perdre parfois une tranquillité, une quiétude intérieure que l’on croyait bien acquise, ce qui nous indispose ou nous presse, ce qui nous fait perdre notre patience, notre sourire, et parfois même notre joie de vivre, notre émerveillement devant la beauté et la promesse d’un jour nouveau. Regard qui reste à terre, plutôt que de s’élever. On s’assombrit, on se replie sur soi, on fait ciel bas, sans arriver à trouver un élan, une force qui nous relève.
Quel temps fait-il dans votre vie aujourd’hui, à vous qui m’écoutez ? Feriez-vous comme mon fils qui a confectionné à la garderie une cercle au centre duquel il y a une flèche que l’on peut pointer sur des dessins qui sont soit orageux ou nuageux ou encore grand soleil à l’opposé de la neige ou de la tempête ? Quel est votre baromètre de ce jour ? Parfois, nos propres bulletins sont tellement imprévisibles, tellement changeants qu’ils n’ont rien à envier aux prévisions de la météo qui ne se vérifient pas toujours ! Heureusement d’ailleurs !

Mais aujourd’hui, pour notre dimanche, j’aimerais vous inviter à découvrir un coin de ciel, à lever quelque peu les yeux pour regarder ce qui s’offre à notre regard en cette fin d’année avant de recommencer à neuf avec le temps de l’Avent. Oui, nous voilà au bout d’une Histoire parcourue depuis une année, l’Histoire de Dieu avec les hommes, l’Histoire du salut, qui recommence chaque année avec l’Avent et qui se termine aujourd’hui et dimanche prochain par une annonce, une prévision céleste : un jour viendra la fin des Temps. Un jour, nous sera donné de contempler un ciel ouvert comme dans la parabole : "Quand le Fils de l’homme viendra comme roi avec tous les anges, il s’assiéra sur son trône glorieux. Tous les peuples de la terre seront assemblés devant lui".
Devant cette vision grandiose, peut-être faudrait-il respecter un temps de silence (…), même sur les ondes, comme lorsque l’on regarde un paysage étalé devant nos yeux grands ouverts. Et qu’il n’y a pas besoin de mots. A moins qu’au contraire, l’image du Juge, de celui qui accueille les uns, réprouve les autres, sépare, divise nous heurte et nous incommode.
Ainsi la fin des Temps serait le passage devant celui qui fera justice, tel un Maître exigeant, sans avocat ni plaidoirie ? Serais-je alors chèvre ou mouton ? Il semblerait que ce serait mieux alors d’être mouton qui bêle plutôt que chèvre qui chevrote ou béguète. Trop d’indépendance chez ces bêtes-là ! Comme dans un conte bien connu et qui finit mal.

Mais au-delà de l’image, je peux comprendre que, pour certains, cette vision n’a rien d’extraordinaire. Au contraire, c’est comme si le ciel leur tombait sur la tête, comme si cela renforçait encore cette idée que la religion demande de suivre en troupeau un berger qui nous mène à la baguette. Comme s’il fallait suivre bêtement sans s’écarter du chemin pour satisfaire ce Roi dont on ne veut plus d’un jugement en l’air qui séparerait les bons des méchants. Un Roi qui fait la pluie et le beau temps. Qui souffle le chaud et le froid. Voilà ce que l’on peut avoir parfois à l’esprit lorsque l’on dit : « Qu’ai-je donc fait au bon Dieu pour mériter cela ? Pour que ça me tombe dessus ?» Oui, peut-être un ciel un peu couvert à l’écoute de cette parabole.
Et pourtant, quelle clarté dans ces paroles ! Quelle apocalypse (qui veut dire non pas catastrophe mais révélation – dévoilement comme si des écailles nous tombaient des yeux) – vision lumineuse et si surprenante, pour ceux qui sont à la droite du Christ : « Venez, vous qui êtes bénis par mon Père, et recevez le Royaume qui a été préparé pour vous depuis la création du monde. Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais étranger, nu, malade, en prison, et vous avez été là pour moi… » « Seigneur, quand t’avons-nous vu ainsi, quand t’avons-nous fait cela ? », répondent les justes, tout étonnés. «Toutes les fois que vous l’avez fait à l’un de des plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » leur répond-il.

Parfois, on peut avoir l’impression que Dieu reste dans son Ciel inaccessible, lointain et distant, tant le temps local nous paraît perturbé. Mais voilà que, par ces paroles, il se fait proche. Voilà qu’à travers le Christ, il se met à portée de main, à portée de cœur aujourd’hui, à l’instant présent, en cette minute peut-être, non pas comme le juge élevé, mais le petit visité, non pas comme le Tout-Puissant, le Très-Haut, mais le Tout-bas, le Tout-proche. Au travers de celui qui est démuni, en attente, celui qui n’a rien ou si peu. Celui qui a faim et soif. Celui qui dépend de l’autre, d’un regard, d’une parole amicale, d’un encouragement bienvenu, d’un geste spontané, d’un soutien fidèle, d’un téléphone pour rien, simplement parce que l’autre compte, non pas pour sa richesse ou son statut, mais parce qu’il est une personne qui reste digne, estimable, aimable, rencontrable. Un être humain. Tout un chacun.

«C’est à moi que vous l’avez fait », dit Jésus au travers de la parabole. Dieu au cœur de nos relations ! Voilà le Ciel à l’envers, ou plutôt sur la terre, comme un éclair de Dieu, comme une éclaircie soudaine. Il était là, caché, et je ne le voyais pas. Il habitait mon quotidien et je m’attendais à l’extraordinaire. Je le voyais dans sa force, et il se révèle dans le besoin de l’autre. Je le croyais juge, mais il ne fait que mettre en lumière ce que je suis à chaque instant.

Du coup, ce n’est pas seulement le regard qui doit monter jusqu’au ciel et s’extasier, dans l’attente de ce grand Jour où les cieux nous seront définitivement ouverts. C’est ma vie, aujourd’hui, qui prend une dimension insoupçonnée. Dans ce qui paraît anodin, sans importance, invisible peut-être pour beaucoup, il y a un enjeu et une promesse infinie. Chaque fois que nous nous ouvrons à l’autre, quel qu’il soit, il y a un peu de l’Eternité qui se glisse dans le temps. Un peu de ce ciel qui vient illuminer ce qui est sombre et incertain. Dans nos gestes, nos décisions et nos choix, il y a comme une lumière qui est celle de Dieu pour nous inviter à porter un autre regard où tout peut prendre sens, tout a une profondeur, à donner parfois le vertige quand on y pense. Et l’on peut tomber de haut : Quand Seigneur t’avons-nous visité, nourri, vêtu ? Ma vie, si peu de choses, et tellement à la fois. Tellement de possibles, tellement de richesses qui peuvent être déjà maintenant signes de terre nouvelle à cause d’un ciel nouveau.
Ce qui m’attire encore dans la parabole, c’est l’étonnement des justes. Preuve qu’ils ont été sincères jusqu’au bout dans tout ce qu’ils ont vécu. Nous ne pouvons pas tout savoir de notre vie, de ce que nous sommes, ni des autres pour les enfermer dans nos jugements hâtifs. On ne peut pas se dire : là j’ai fait le bien, là j’ai échoué. Seul Dieu viendra un jour, faire lumière sur ma vie. J’en serai peut-être surpris, mais aussi un peu dépité, certainement aussi. Moutons et chèvres nous le sommes tour à tour.
L ‘essentiel, ainsi, ce n’est pas de tout savoir, de tout connaître. Ni de soi, ni des autres. Ce n’est pas nécessaire. Gardons un peu de surprise pour la fin ! L’essentiel c’est de laisser Dieu circuler entre nous. Dans toute relation, il y a plus que ce que nous voyons. C’est Mère Teresa qui disait : l’important n’est pas ce que nous disons, mais ce que Dieu dit à travers nous. Seul compte l’aujourd’hui dans lequel je peux vivre pleinement, aimer largement, partager librement, pour déjà découvrir qu’il y a un Soleil qui nous éclaire sur cette terre. Un ciel ouvert qui rend le présent si lumineux. Aujourd’hui, demain, et pour tous les jours à venir.
Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Isabelle Pasche Jean-Mairet
Musique