Aujourd’hui encore, nous avons des mendiants dans nos rues, et des fois cela nous pose problème : sont-ils vraiment dans le dénuement ou mendier est-il pour eux un travail presque comme un autre ? Et puis il y a ce soupçon : quelle est la mafia qui les téléguide ? Et cette gêne qu’ils provoquent en nous : on se sent un peu coupable quand on ne donne pas. Surtout à l’approche de Noël, la fête des bons sentiments par excellence.
On est un peu en colère contre eux parce qu’ils viennent nous déranger ; on se sent un peu impuissant parce qu’on ne sait pas ce qu’il faut faire pour bien faire. Petit à petit, dans plusieurs villes de Suisse, cela devient une question politique difficile.
Le récit du livre des Actes des apôtres nous apprend que ce problème ne date pas d’aujourd’hui. Un mendiant à l’entrée du Temple de Jérusalem, amené là tous les matins par on ne sait pas bien qui : un réseau organisé ? une famille qui le force à mendier ? des amis bienveillants ?
Un mendiant dont on ne connaît pas le nom : à la fois dérangeant et anonyme. Cela me fait un peu penser à ce « petit Jésus » qui fait sa réapparition à tous les Noëls : toujours présent, comme cet homme infirme tendant la main, mais y fait-on encore vraiment attention ? Et pourtant, dans la crèche, c’est le Sauveur du monde et le Roi des Rois. Presque personne à l’époque n’a remarqué cette naissance, à part quelques bergers et des étrangers un peu mages sur les bords. Nous pouvons facilement vivre non seulement Noël, mais même nos existences entières sans faire attention à cet homme, Jésus de Nazareth. Et pourtant, il est Celui que Dieu nous envoie, ce signe tant attendu, cette réponse à nos prières.
Revenons à notre histoire de mendiant : Pierre et Jean ont résolu le problème posé par ce mendiant de manière originale: ils sont aussi pauvres que l’infirme ! donc aucune mauvaise conscience à ne pas lui donner d’argent.
Que peuvent-ils lui offrir ?
Pierre et Jean sont comme tous les chrétiens; en eux-mêmes, ils n’ont rien de spécial : pas plus riches ou plus intelligents. Ils n’ont pas plus de capacités que la moyenne de la population. En réalité, ils se reconnaissent comme pauvres et ils sont en eux-mêmes impuissants pour aider cet infirme.
De même, parmi nous, il n’y a (à moins que je ne me trompe) personne d’absolument génial ou de tellement doué qu’il pourrait apporter la solution aux pauvres qui l’entourent. Ce que Pierre et Jean ont en plus, c’est ce que Jésus-Christ leur donne : « Je n'ai ni argent ni or, mais ce que j'ai, je te le donne : au nom de Jésus-Christ de Nazareth, lève-toi et marche !» Ils peuvent prier pour cet homme : ils le font et le Seigneur répond !
Nous pouvons prier : la Bible dit que « la prière fervente d'une personne juste a une grande efficacité. » Jacques 5, 16. Quelle joie de pouvoir se reconnaître comme Pierre et Jean : pauvres, mais amis d’un Dieu si riche ! Nous n’avons rien de plus que les autres, mais en Jésus nous avons tout et nous pouvons le donner. Pierre et Jean osent offrir Jésus à cet homme et cela va tout changer pour lui.
Dans la prédication improvisée qui va suivre, l’apôtre Pierre va détourner l’attention des auditeurs de lui ou du miracle qu’ils viennent de voir. Il va leur parler de Jésus-Christ, de sa vie et de sa mort. Il va leur dire la puissance de Dieu qui se manifeste en Jésus et de son amour qui guérit et délivre. «C'est la puissance du nom de Jésus qui, grâce à la foi en lui, a rendu la force à cet homme que vous voyez et connaissez. C'est la foi en Jésus qui lui a donné d'être complètement guéri comme vous pouvez tous le constater. » Actes 3, 16.
Sortir de son rôle tout prêt
Ce qui me touche particulièrement, c’est ce qui va se passer pour cet homme : on le voyait comme un infirme ; il se voyait comme un infirme, même les gens bien intentionnés le traitaient comme tel. Je ne crois pas que le Seigneur, lorsqu’il posait son regard sur lui, voyait un infirme, mais plutôt un homme. Jésus va permettre à cet homme de devenir qui il est vraiment : un homme tout simplement, quelqu'un qui peut se tenir debout dans sa vie, qui peut regarder les autres en face (et pas seulement voir leurs mollets filer sous ses yeux). Il peut enfin marcher, plus besoin d’être porté par la pitié des autres !
Je sais ce que le Seigneur veut pour nos vies avant tout : que nous redevenions nous-mêmes, que nous puissions quitter les faux-semblants, les mensonges dans lesquels nous nous cachons, que nous cessions d’être engloutis dans nos blessures pour pouvoir simplement être devant Lui.
Alors, debout et en dansant, cet infirme entre dans le Temple : il fait partie des enfants de Dieu, comme les autres, il peut chanter et danser devant son Sauveur, comme les autres. Le désir de Dieu est d’avoir des hommes et des femmes debout devant lui. Et tout ce qui en nous a été tordu ou blessé, le Seigneur l’affermit pour nous permettre de nous tenir debout dans nos vies.
On nous dit que celui qui avait été infirme entra avec les apôtres dans le temple en marchant, sautant et louant Dieu. On ne saute pas dans les églises ! Il aurait dû le savoir ! Si avant personne ne faisait attention à lui, maintenant on ne voit que lui ! Il n’est pas entré dans le Temple dans un grand silence, avec un visage compassé et d’une démarche lente qui respecte la sainteté de ces lieux. Il gambade et saute à travers le Temple. Devant Dieu, il exprime qui il est vraiment et il montre ses sentiments : aujourd’hui c’est un jour de joie, alors il saute de joie. Demain sera peut-être un jour de tristesse : il sait qu’il peut être devant Dieu tel qu’il est vraiment. Alors, ce jour-là, il pleurera peut-être dans le Temple. Tout cela a changé pour cet homme à cause du regard porté sur lui !
Le regard de Dieu sur nous
Pierre et Jean ont regardé cet homme dans les yeux ! Et ils ont vu la gloire de Dieu dans cet homme. Et Jésus à travers eux a posé son regard sur cet homme. Dans un autre récit de l’Evangile, un homme s’approcha de Jésus pour lui poser une question. La Bible nous dit alors ceci : Jésus le regarda et l’aima. Mc 10, 21. Voici ce que Jean-Paul 2 a écrit à ce sujet : « Je vous souhaite de connaître l'expérience de ce que dit l'Évangile : Jésus le regarda et l'aima. (Mc 10, 21). Je vous souhaite de connaître un tel regard ! Je vous souhaite de faire l'expérience qu'en vérité, lui, le Christ, vous regarde avec amour ! II est nécessaire à l'homme, ce regard aimant : il lui est nécessaire de se savoir aimé, aimé éternellement et choisi de toute éternité.» (Lettre apostolique du pape à tous les jeunes du monde à l’occasion de l’année internationale de la jeunesse.)
Le regard de Dieu sur Marie
Ecoutez cette histoire d’un autre regard, posé cette fois-ci sur une femme, un des textes que nous lisons à l’Avent : Luc 1, 46 – 54. Marie a senti, compris le regard de Dieu qui s’est posé sur elle : ça l’a bouleversé de joie ! Elle savait n’avoir rien de spécial : elle le dit « il a posé son regard sur moi pauvre servante !» Mais ce regard d’amour posé sur elle a changé sa vie : son destin en a été transformé et celui des humains aussi, puisqu’elle a donné naissance à Jésus notre Sauveur.
Le regard de Dieu sur nous
Le regard du Seigneur sur votre vie peut changer votre destin : il peut bouleverser l’image que vous avez de vous-mêmes. Il peut vous ouvrir des horizons que vous n’espérez plus. Ce regard de Jésus-Christ sur vous, il peut enfin vous permettre de baisser votre garde, de laisser la tendresse du Seigneur enfin vous rejoindre et guérir.
Les semaines de l’Avent nous servent à prendre le temps d’accueillir Jésus un peu plus près de nous, le laisser s’approcher doucement de nous. N’ayez pas peur du regard de Dieu sur vous ; laissez-le vous regarder et vous aimer. En Jésus, Dieu est venu tout humblement pour ne pas nous effrayer. « Le Seigneur pose son regard sur moi. Alors mon cœur est dans la joie parce qu’Il me sauve. »
Prière
Je vous invite à prier avec moi. Où que vous soyez, si vous le désirez, priez avec moi :
Seigneur Jésus,
Tu me vois tel que je suis et pas tel que je voudrais être.
Tu m'aimes tel que je suis et non tel que je me rêve,
Donne-moi de m'accueillir comme Tu m'accueilles, de m'aimer comme Tu m'aimes.
Seigneur, réconcilie-moi avec moi-même.
Je reçois la lumière et la chaleur de ton regard sur moi.
Je reçois ton amour et j’accepte de me laisser envahir par ta tendresse.
Je veux vivre dans la lumière de ton regard et de ta Parole.
Amen !