Des brebis, une porte voici deux paroles peu modernes ni attrayantes. Cela dit, le passage de l’évangile de Jean est porteur d’une promesse : la promesse de la vie en abondance. Puissions-nous ce matin, nous mettre en route afin de découvrir que Dieu en Jésus-Christ nous invite à entendre une parole qui peut transformer nos vies et nous ouvrir de nouveaux horizons. Jésus dit : « Je suis la porte des brebis. » Une porte permettant d’entrer et de sortir, de découvrir la vie en abondance. Rêve ou cadeau à recevoir et à partager ?
Il est propre à l’évangéliste Jean de décrire Jésus à partir d’une série d’images. Ici le but n’est pas de fournir une illustration dans un récit agréable à entendre, mais de nous inviter à chercher une signification. Cette affirmation « Je suis la porte » s’inscrit dans une histoire entre un berger et ces brebis. Mais de quelle porte s’agit-il vraiment? En grec, il existe deux termes pour évoquer la porte, le terme utilisé dans notre passage signifie plutôt un portillon, un battant permettant un va-et-vient facile.
Cela me permet de dire que lorsque Jean décrit Jésus comme la porte, il ne pense pas à une porte rigide, comme on l’imagine aujourd’hui dans nos esprits. Mais à un lieu de passage protégé, un endroit offert, préparé pour que quelque chose s’y passe. La porte est l’endroit offert aux brebis pour qu’elles y entrent et puis ensuite qu’elles puissent entrer et sortir, le texte dit : « la porte, c’est moi. Celui qui entre en passant par moi sera sauvé. Il pourra entrer et sortir et il trouvera de la nourriture.»
Notre passage semble nous indiquer que les brebis reçoivent à l’intérieur l’assurance d’être en sécurité, mais c’est à l’extérieur qu’elles sont censées se nourrir et vivre. Jésus se trouve toujours là entre deux, dans cet entre-deux où une alliance est possible. En hébreu, pour parler d’alliance, on dit on coupe une alliance et un espace se fait. Jésus est plus qu’un gardien, mais un passeur dont le but est de faire vivre et faire circuler la vie.
Lorsque nous pensons à une porte, bon nombre d’expressions nous viennent à l’esprit : de porte en porte, frapper à la porte, mettre quelqu’un à la porte, claquer la porte, prendre la porte, porte ouverte… Pour chacune et chacun de nous, le Christ peut être une porte différente et nous pouvons avoir vécu avec lui ces différentes attitudes que nous indiquent ces expressions. En ce qui concerne votre foi, il vous est peut-être déjà arrivé d’avoir claquer la porte ou de ne plus savoir comment frapper à la porte !
Ce sont des réalités qui peuvent évoluer en nous au cours de notre vie. Car le propre de la foi, n’est-ce pas d’osciller sans cesse entre entrer et sortir ? Cette ambivalence est bien présente au cœur de la foi. C’est justement cette tension qui nous permet d’avancer encore et encore dans notre relation avec Dieu pour le découvrir comme un refuge et recevoir de lui la vie en abondance.
C’est pourquoi quels que soient nos convictions ou nos liens avec cette porte, il nous est proposé deux mouvements dans ce texte : tout d’abord entrer, puis ensuite entrer et sortir. Entrer c'est-à-dire entrer en matière : entrer dans un projet qui nous est offert, un lieu protégé mais pas fermé qui ouvre sur autre chose et qui nous permet de nous remettre en Dieu comme un cadeau offert. Cela veut dire simplement se confier, s’abandonner, se réfugier, s’arrêter. Ce n’est pas se sentir fragile ou d’avoir besoin d’être protégé ! D’ailleurs Jésus est la porte d’un Dieu qui s’est approché de nous dans la fragilité d’un homme. Devant ce Dieu nous n’avons rien à prouver, il nous aime pour rien, tels que nous sommes quelle que soit notre culture ou nos origines.
Dans le monde dans lequel nous vivons de telles paroles sont à contre courant. Il faut pouvoir prouver de sa force, de son efficacité, de ses diplômes, voire de son identité, aujourd’hui pour exister, pour être quelqu’un de reconnu. Ainsi nous pourrions comme chrétiens dire à ce monde, le Dieu qui nous donne la liberté et auquel nous croyons, nous aime sans retour, pour rien quelles que soient nos existences avec leurs parts d’ombres et de lumière.
N’est-ce pas un message fort à transmettre encore aujourd’hui à toutes ces personnes en recherche de spiritualité, où il faut faire toutes sortes d’efforts pour atteindre la divinité par des rites de pureté ou de sainteté. Faire l’effort d’escalader les murs, alors que nous est offerte une porte ouverte qui donne libre accès. Non, le Dieu de Jésus-Christ s’est abaissé et est venu nous rejoindre là où nous sommes, il nous aime tels que nous sommes, pour rien et nous invite à entrer. Conscients de cet amour que nous pouvons recevoir en acceptant d’entrer en matière, nous recevons la liberté d’entrer et de sortir.
Enter et sortir, deuxième mouvement qui nous est proposé. Nous sommes en effet, libres de décider de nos allées et venues. Jésus est la porte des brebis et non de la bergerie. Cette porte donne accès à la vie. Non pas une porte qui fait entrer dans une réserve. Jésus est un passage qui ne nous fait pas entrer dans un cadre ou une institution, mais dans une communauté faite d’individus avec lesquels se vivent des relations aussi à l’extérieur.
Il s’agit d’être en lien avec le Christ par une relation vivante et non idéologique. La relation à Jésus est donc faite d’un appétit de vie, de liberté et de relations sans cesse en mouvement. Toutefois, la liberté dont il est question dans la Bible ce n’est pas de pouvoir faire tout ce que l’on veut, d’avoir en possession tout le bien être matériel ou encore une quelconque maîtrise de soi. Bien au contraire, c’est se savoir accueilli, aimé, en étant libre du jugement d’autrui et de tous les esclavages que nous nous imposons ou que les autres nous imposent. Nous pouvons vivre en étant libre de l’image que l’on donne, en étant libre de tous ces enfermements qui nous empêchent d’être nous-mêmes tout simplement.
Et cela nous engage envers les autres. Dieu en Jésus-Christ ne rejoint-il pas les êtres humains par la rencontre que nous avons les uns avec les autres ? Vivre de la liberté qui nous est offerte, c’est trouver la bonne distance, l’espace nécessaire pour que chacun puisse être soi et pour que se crée un espace où puisse naître le désir de l’autre.
Le théologien Eugen Drewermann disait à ce propos, je cite : « Lorsque la porte du cœur s’ouvre sans contrainte, naturellement, comme d’elle-même, tels des pétales d’une fleur dans la lumière de l’aurore, on peut alors être certain que Dieu est ici à l’œuvre. » C’est ainsi je crois que nous pourrons recevoir la vie en abondance.
Il serait trop long de développer maintenant ce que signifie cette vie en abondance, c’est d’une certaine façon la liberté d’entrer et sortir que nous avons découvert ce matin ou plus simplement je dirai, c’est croire en la vie quoiqu’il arrive !
A notre interpellation de départ : cette porte est-elle un rêve ou cadeau, je laisserai à chacune et chacun le soin d’y répondre. Pour ma part, c’est un cadeau à l’image de cette porte embellie par les foulards colorés des enfants qui ouvre un passage.
Bien plus encore, ce cadeau vient nous dire qu’au cœur de nos projets et de nos craintes, il existe une porte qui ouvre et qui libère nos existences de tout ce que nous ne comprenons pas, de tout ce que nous n’acceptons pas. Ce cadeau-là de la vie en abondance, moi je ne peux pas le garder pour moi, j’ai besoin de le partager car cela procure de la joie.
Une joie fruit de l’Esprit, manifestation de notre communion avec celui qui nous dit : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je mangerai avec lui et lui avec moi. » Amen !