Louer Dieu avec Marie

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Écouter le culte :

J’ai participé au début de l’été au camp biblique de Vaumarcus, qui rassemble chaque année des hommes, des femmes, des jeunes, des enfants d’origine catholique et protestante autour d’un thème biblique. Cette année, le sujet était Marie. Se réunir autour d’une telle figure, si importante pour la majorité des catholiques, si inexistante pour la majorité des protestants, c’était un défi, me semble-t-il réussi !
Pour ma part, j’ai eu envie de mieux connaître la figure de Marie dans les textes bibliques et de mieux comprendre toute la piété mariale. Mais qui donc est Marie ? Tout le monde s’accorde pour dire qu’elle est la mère de Jésus ! Mais que peut-on dire de plus ? Dans les Evangiles, on ne dit pas grand-chose sur Marie, on constate une grande discrétion autour de sa personne.
D’après l’Evangile de Luc, il s’agit d’une jeune fille juive, originaire de Nazareth, une bourgade inconnue, mal située, mal famée de Galilée, qui n’est pas une seule fois citée dans l’Ancien Testament ! Marie est une jeune fille à peine sortie de l’enfance et qui se prépare à entrer en vie commune avec Joseph, qui est de la descendance de David. On apprend aussi qu’elle est parente d’Elisabeth, l’épouse de Zacharie, qui est prêtre et donc rattaché au Temple de Jérusalem.
Pas une seule fois, Marie n’est mise en rapport avec les femmes des patriarches, des juges, des rois ou des prophètes : une descendance elle aussi pas connue, mal située. Par ailleurs, Marie, c’est le nom le plus usité de l’époque ! Il y a dans le Nouveau Testament plus de sept Marie et parfois on ne sait pas toujours de laquelle il s’agit !

Marie, une femme ordinaire, comme les autres, il n’y a aucune mention de sa beauté, ni de sa vertu dans les textes bibliques ! C’est cette femme-là, humaine parmi les humains, fille de la Promesse, Marie de Nazareth qui a été choisie entre toutes pour concevoir et enfanter le Christ. Son honneur est d’être tout cela et rien que cela. Elle est unique et sans analogie dans l’histoire du salut, dira Luther à son sujet.
Pour Martin Luther, Marie est l’attestation suprême du cadeau de la grâce, car selon les Evangiles, elle ne sort pas de sa condition humaine graciée et sauvée. Comme nous tous, elle bénéficie de la grâce de Dieu : une grâce qui se donne et qui n’a rien à voir avec des mérites à accumuler, à comptabiliser. Une grâce qui vient briser toute prévision, une grâce qui bouleverse la loi des hommes et qui inaugure un temps nouveau.
Devant cette grâce de Dieu, Marie se fait gracieuse. Elle acquiesce au projet fou de Dieu et elle lui offre un poème, un chant, le chant du Magnificat, un hymne à la gloire de Dieu seul, du Dieu de l’alliance, du Dieu d’Abraham, du Dieu de la promesse. Citons encore Luther, qui dans son commentaire sur le Magnificat, écrit ceci : « La vierge n’a pas seulement chanté pour elle, elle a chanté pour nous tous, afin de nous entraîner à chanter à sa suite, elle ne s’est glorifiée ni de sa virginité, ni de son humilité, mais du seul regard de la grâce divine ».

Une fois n’est pas coutume, osons un « Je te salue Marie » écrit par Louis Février, pasteur réformé français qui a beaucoup œuvré pour l’œcuménisme.
Je te salue Marie
Permets qu’un protestant le fasse : une fois n’est pas coutume.
D’ordinaire les Ave Maria nous restent en travers de la gorge !
Il faut dire qu’on t’a donné tant de visages et habillée avec tant de diversité, que nous avons du mal à te reconnaître.
Je te salue Marie (…)
Toi, ma sœur, tu marches selon la foi,
Toi qui avoues ne pas savoir : Comment est-ce possible ?
Toi qui fais confiance : qu’il m’arrive selon ta parole !
Toi dont la prière est émerveillement et louange.

Je te salue Marie,
Comme l’ange je te nomme : graciée, gracieuse.
C’est là ton secret et ta vérité.
Sur ton visage, tu sais recevoir cette lumière
Et ce mystère que nous appelons : amour de Dieu.
Pour toi, pour moi, pour nous tous, tu as reçu ce don :
Jésus, Emmanuel.

Le Magnificat suit la rencontre étonnante de Marie avec sa parente Elisabeth, qui était stérile, mais qui maintenant porte un enfant. Voici deux femmes aux deux extrêmes de la vie et qui ont cru en la parole de l’ange qui annonce leur future grossesse. L’une sera la mère du dernier prophète Jean-Baptiste, l’autre la mère du Messie, Jésus. Cette rencontre se situe donc à la charnière entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance ! Cette rencontre « au sommet » unit deux femmes habitées de l’Esprit Saint, qui reconnaissent les signes et voient au-delà des apparences ce qui est en train de s’accomplir dans leur histoire et dans l’histoire du salut.
Voici qu’à l’écoute des paroles de Elisabeth, une joie sans pareille s’empare de Marie. De ses lèvres jaillit une louange qui serait l’apothéose de toutes les louanges qui l’ont précédée : celles des femmes stériles, de Sara à Elisabeth, en passant par Rachel et Anne, qui ont vu leur désespoir se transformer en espérance.
Le chant de Marie jaillit de la foi – portée par tant de générations – en un Dieu qui transforme, qui relève l'histoire d’hommes, de femmes paralysés dans l'impasse de la stérilité, de la vieillesse, de la maladie et de la mort, de la misère, ou encore de la guerre.
Les mots que Marie utilise sont inspirés de la piété juive, qui traverse l’Ancien Testament; ce sont les mots du peuple des Anawim, des pauvres de Yahvé, auquel elle appartient. Comme ce peuple des Anawim avant elle, Marie célèbre la grandeur de Dieu ; elle s’émerveille devant le Très Haut qui l’a choisie elle, qui est tout en bas de l’échelle sociale. Marie n’est pas fille de roi, elle ne fait pas partie de l’élite. C’est elle que Dieu a regardée, elle son humble servante.
Marie s’émerveille devant l’action de Dieu dans sa propre vie, qui vient déjouer toutes ses attentes, sa vie déjà programmée, elle s’émerveille du destin qui l’attend en faisant une absolue confiance ! Voici en effet que l’impossible devient possible. Voici qu’une puissance de renouveau vient remodeler le monde, que l’amour de Dieu vient s’unir à la tendresse humaine… Comment ne pas exulter ?

La deuxième partie du Magnificat (versets 51 – 58) nous la connaissons tous, mais quand nous la prions ou la chantons, en mesurons nous toute la portée ? Dans les premiers versets, Marie s’émerveille devant ce que Dieu a fait pour elle, maintenant elle s’extasie devant ce que Dieu accomplit dans l’histoire pour son peuple. Elle loue ce Dieu qui opère un vrai renversement : ceux qui sont en haut sont bas, ceux qui sont pleins deviennent vides, ceux qui n’ont rien reçoivent en abondance.
Marie affirme avec une force incroyable que Dieu est du côté des gens sans importance, des pauvres, des exclus, des assoiffés de justice, de paix, de présence, d’espérance. On retrouve ici une fois de plus la piété des Anawim, si souvent exprimée dans l’AT. Les pauvres de Yahvé ont une confiance humble et sans limites en la toute-puissance de Dieu, une toute-puissance qui n’écrase pas, mais au contraire qui les relève, qui leur rend dignité, force et courage.
Car ce Dieu dont la gloire est au-dessus des cieux est aussi le Dieu juste et bon, le Dieu miséricordieux, proche des cœurs brisés, de tous les laissés pour compte, des sans espoir et des sans avenir. Marie chante ce Dieu qui est déjà en train d’accomplir la libération de son peuple, ici, maintenant et non pas dans un futur improbable.
D’aucuns diront que le cantique de Marie est révolutionnaire, il éclaire en tous les cas la sphère politique, sans pour autant inviter à la révolution. Il ne s’agit pas de mettre les pauvres à la place des riches, d’abattre tous les puissants ou que sais-je. Il s’agit d’un renversement de l’échelle des valeurs, d’où sortira, par la lutte contre toute forme d’injustice, une société plus fraternelle.
Le chant du Magnificat n’est pas un chant d’hier, dépassé, c’est un chant d’aujourd’hui, qui devrait faire partie de notre louange quotidienne. Surtout, c’est un chant à vivre, à la suite du Christ, pour la seule gloire de Dieu et le salut du monde. Amen !

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Détails

Avec la participation de
Orgue
Heidi Landry
Musique
Alice Tschannen, soprano