Noël sucré… Noël poivré !

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Écouter le culte :

1ère lecture : Luc 2, 1-7
Dès les premiers mots de ce texte, cela sent la mandarine, le petit Jésus en massepain sur le gâteau. Tout se met à scintiller, on sent la chaleur de la bûche qui craque dans le feu, on entend les clochettes des moutons. Douceur, paix, sérénité. Pourtant, rien de cela n’est vrai ! La réalité c’est que cela pue, qu’il fait sombre, qu’il fait froid et qu’à la place de la sérénité c’est la nuit de l’angoisse. Noël douceur ? Non, Noël amer ! Noël sucré ? Non, Noël poivré ou même acide !
Noël, Quel terrible paradoxe ! Comble de ce paradoxe : il y a 2000 ans, il n’y avait pas de place pour Jésus. Aujourd’hui, il est partout et dans toutes les vitrines des commerces ! Chantez un cantique dans la rue durant l’année, on vous prendra pour un doux illuminé. Chantez «Il est né le divin enfant» un jour de Noël et tout va bien ! Pendant quelques jours tout le monde est prêt à jouer aux chrétiens. Comble toujours : chaque année la ville de Bethléem fait fortune grâce à celui qu’elle n’a pas voulu accueillir !
«Il n’y avait pas de place…» Joseph et Marie sont-ils arrivés trop tard ? Les hôtels sont pleins. «Trop plein», c’est tout un symbole. Plus de place pour Jésus ! Première grande leçon : si on ne commence pas par lui donner la première place, d’autres la prennent et il ne peut être que relégué dans la cave ou dans les greniers de nos vies, ces lieux où l’on accumule tout ce qui nous sert à rien !

Mais la crèche c’est aussi un formidable message d’espoir. Christ est né au cœur des ténèbres froides et glauques d’une étable, au milieu du bétail. C’est donc qu’il n’y a pas de lieux trop hostiles pour qu’il ne puisse y faire sa demeure.
Paul n’écrit-il pas : «Le Dieu qui a dit : «Du sein des ténèbres brillera la lumière» a brillé dans notre cœur, pour que resplendisse la connaissance de la gloire de Dieu sur le visage du Christ…» (2 Cor. 4, 6) C’est dire qu’il n’y a pas de ténèbres trop grandes que Dieu ne puisse éclairer. Parfois ces ténèbres sont en nous. Le message de la crèche, c’est Dieu qui nous visite et qui cherche à habiter même nos zones d’ombre les plus profondes.

Revenons un instant à cette naissance au cœur de la nuit de Noël. Je reste quand même intrigué par ce «…il n’y avait pas de place pour eux à l’hôtellerie…» C’est quand même fort qu’il n’y ait pas de place pour une jeune femme sur le point d’accoucher. De plus, Joseph retourne avec sa fiancée dans son village d’origine. «Tiens voilà le petit Joseph qui revient… avec sa jolie jeune femme qui a le ventre gros comme ça, enceinte jusqu’aux yeux !» On est en Orient, où l’hospitalité est légendaire. Sûr qu’on se serait serré pour laisser son lit. Surtout pour accoucher. Eh bien non ! Qu’elle accouche au milieu du bétail ! Qu’elle aille sur la paille, avec son bâtard de bébé !
« Marie… la fiancée enceinte… » Tout à coup, en lisant le texte, on réalise que jamais les mots ne se sont autant heurtés et ont heurté la morale : « fiancée… enceinte ». Marie est une fille mère ! Dieu aurait quand même pu avoir la délicatesse de choisir meilleure situation. Pourquoi s’incarner dans la situation d’un enfant de scandale, marginal, hors normes sociales et éthiques ? Du coup le petit Jésus sucré prend un goût acide ! Avant même sa naissance il bouscule ! Ce n’est pas pour rien que Joseph a même proposé de rompre secrètement avec Marie. Car, le coup du Saint Esprit, il faut quand même l’avaler !

Là, dans cette mangeoire puante et froide, c’est le Très Haut qui devient le Très Bas. Même le Très Très Bas ! Il dérange, il bouscule, il fait irruption dans nos vies, dans les recoins les plus sombres, et il nous pousse à nous démasquer, à nous révéler à notre propre vérité. Noël, c’est tout sauf du moralisme bon marché. C’est même une invitation à descendre de notre piédestal de sainteté «bien comme il faut», pour accueillir inconditionnellement l’autre, parce que Jésus c’est le plus petit qui est à nos côtés, que nous sommes invités à accueillir sans juger des apparences.

2ème lecture : Luc 2, 8-20
Deuxième histoire de Noël qui nous fait penser à une scène de Santons de Provence. Des bergers, quoi d’apparemment plus doux et plus paisible qu’un berger ? Cela sent la bonhomie et la sagesse du bon sens. On sent une douce chaleur, comme une tendre et moelleuse peau de mouton. Et nous reviennent à l’esprit les accents paisibles et réconfortants du fameux Psaume 23 : «L’Eternel est mon berger» ou l’histoire du «bon berger».
Alors, désolé de briser ce rêve paisible qui a peut-être bercé votre enfance. Un berger à l’époque, c’était tout sauf cela ! Un berger c’est d’abord un homme rude, habitué à vivre à la dure. C’est un homme brutal, aguerri au combat contre les prédateurs qui menacent le troupeau. C’est un homme asocial qui partage sa vie avec des brebis à la conversation plus que limitée ! On en avait peur, des bergers. Il valait mieux ne pas en croiser un sur son chemin la nuit ! Berger ou brigand, on pouvait aisément faire la confusion.
Et voilà que le texte de l’évangile raconte que ce sont les premiers à rendre gloire à Jésus. Les premiers à être visités par les anges qui les honorent de la plus extraordinaire chorale jamais entendue dans ce monde. Les premiers, selon l’évangile de Luc, à le reconnaître comme le Sauveur de l’humanité et à l’adorer.
Mes bien chers frères et sœurs, accueillir ce message de Noël et se laisser bousculer par lui, c’est reconnaître qu’il ne faut juger personne. Trop facile de catégoriser les gens entre les bons et les mauvais ! Voulons-nous vivre et actualiser dans nos vies le message de Noël ? Commençons donc à ne pas juger l’autre et surtout à ne pas l’enfermer dans les apparences. Vivre et actualiser le message de Noël, c’est croire que le meilleur peut se manifester là où l’on s’y attend le moins.

Avez-vous d’ailleurs remarqué que les plus beaux exemples de foi mis en évidence par Jésus proviennent des personnes auxquelles on s’attend le moins : des Samaritains, des Romains, des Païens comme la Syro-Phénicienne. Lorsqu’on demanda à Jésus d’épater la foule par ses miracles, il ne donna comme autre signe miraculeux que le mystérieux signe de Jonas. Or, rappelez-vous : Jonas, prophète en Israël, fut appelé par Dieu à prophétiser hors frontières, en territoire Assyrien, chez les ennemis diabolisés : les Ninivites. Il souhaitait leur mort et, bien malgré lui, il a été l’instrument de Dieu pour porter la vie. Ces ennemis sanguinaires et fondamentalement mauvais ont accueilli Dieu dans leur vie et se sont laissés transformer par lui. Ironie du sort : ils étaient finalement sans doute bien plus proches de Dieu que ne l’était le prophète lui-même ! Aux yeux de Jésus, voilà le plus grand des miracles, le fameux signe de Jonas. Le plus grand des miracles, c’est de voir la vie surgir là où on s’y attend le moins.
Voilà ce que l’on est invité à reconnaître au pied de la mangeoire où Jésus est né, lorsque l’on contemple ces bergers qui osent pousser la porte de l’étable pour adorer Jésus. Nous voulons retrouver l’esprit de Noël ? Alors quittons l’esprit du jugement. Renonçons à nous fier aux apparences. Noël, c’est croire que le meilleur peut se manifester là où l’on s’y attend le moins !

3ème lecture : Matthieu 2, 1; 2, 7-20
Troisième tableau cher à nos souvenirs d’enfance : les rois mages. Et dans le sillage de leur noble marche vers l’étoile, il y a tout le cortège délicieux des contes et légendes liés à leurs personnes. Au fait : c’est quoi un mage ? Je lis dans la note en bas de page de ma Bible : «Prêtres chez les Mèdes et les Perses qui se livrent à l’observation des astres.» Ce sont des astrologues !
C’était déjà dur à avaler l’histoire de la fiancée enceinte qui heurte la morale. Puis l’histoire des bergers qui heurte la sainteté. Voilà à présent le cortège des prêtres-astrologues païens qui heurtent la saine théologie ! Qu’on soit bien au clair : s’il est une chose qui semble évidente dans la Bible et particulièrement dans l’Ancien Testament, c’est que Dieu condamne fermement une certaine astrologie qui enferme les gens dans un déterminisme implacable et qui devient un lieu de manipulation des crédulités fragiles. Loin de moi donc l’idée de justifier une approche qui me semble douteuse, qui ouvre une voie dangereuse à la prédestination et qui prive l’être du libre arbitre.
Mais de là à cataloguer, au nom de la bonne théologie, astrologues et païens de tous poils de diaboliques, de mécréants pervers et de mauvais, c’est trop rapide et non conforme à la vision du Christ. Encore une fois, et dès sa naissance, Jésus provoque et bouleverse nos stigmatisations confortables. Plus tard, il racontera une histoire de mauvaise herbe mélangée au bon grain. Il a refusé catégoriquement l’usage de désherbant pour éliminer l’intrus non désirable. Dans la volonté d’éliminer le mauvais stigmatisé, le risque est bien trop grand de perdre le bon, dit-il.

Il raconte aussi l’histoire d’invités au festin organisé par un roi à l’occasion des noces de son fils. Les invités ont tous refusé l’invitation. Moralité, le roi déclare que les invités n’étaient pas dignes. Puis, sur la lancée, il demande à ses serviteurs d’aller par les grands chemins pour faire venir toutes les personnes rencontrées au hasard. Avec provocation, Jésus ajoute que le roi propose de faire venir les gens, qu’ils soient bons ou même méchants ! Donc, aux yeux de Jésus, il y a des méchants qu’il considère comme dignes. Car pour lui, le critère de la dignité n’est pas d’abord la pensée juste mais la juste relation. C’est trop facile de dire : nous avons la vérité, les autres sont dans l’erreur !
Alors Jésus renverse cette logique sécurisante et simpliste. Pour lui, les premiers sont les derniers et les derniers sont les premiers, les méchants sont dignes et les soi-disant purs ne le sont pas tout à fait, et même les prostituées et les voleurs devancent dans son Royaume les disciples «bien comme il faut». Saint Augustin a écrit avec une sagesse digne de Jésus-Christ : «Que l’amour de la Vérité ne soit pas au détriment de la Vérité de l’amour !»
A Noël, de rudes et inquiétants bergers se sont agenouillés devant l’enfant Jésus. A Noël, des païens, astrologues et magiciens de surcroît, ont cru découvrir la naissance du Sauveur de l’humanité dans les étoiles. Et ce sont ces mécréants qui ont adoré l’enfant Jésus.

Voilà, nous voulons vraiment vivre l’esprit de Noël et non une mascarade doucereuse ? Alors rappelons-nous que Noël, c’est l’expérience de l’accueil de l’autre et surtout de l’autre qui est différent.
C’est aussi un appel à descendre de notre piédestal de sainteté. C’est renoncer avec fermeté tout esprit de jugement. C’est renoncer à nous fier aux apparences. C’est croire fermement que, grâce à Dieu, le meilleur peut encore se manifester là où on s’y attend le moins. C’est renoncer à stigmatiser et à réduire de manière simpliste le bon et le mauvais. C’est proclamer la vérité de l’Amour avant l’amour de la Vérité.
Alors, «du sein des ténèbres brillera la lumière…» car, Noël, c’est proclamer haut et fort qu’il n’y a pas de ténèbres trop grandes que Dieu ne puisse éclairer de la lumière de sa présence.
Amen !

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Détails

Avec la participation de
Pasteurs Pierrick Avelin, Patrick Maeder, Françoise Pastoris
Orgue
Jean-Jacques Jacquenod
Musique
Chorale Accroche coeur (env 15 p.), direction Nathalie Van Bignoot; Chantal Thiébaud, harpe; Elodie Meuwly, piano; Livia Merckx, violon

En collaboration avec