Écouter le culte :
Chers amis, chers auditeurs par les ondes radio, nous venons d'entendre dans l'évangile de Matthieu l'exhortation que Jésus adresse à ses disciples Pierre Jacques et Jean, après sa transfiguration : Relevez-vous ! Soyez sans crainte ! Cette parole qui invite à la confiance et à passer la peur - que nous soyons en bonne santé ou cloué au lit d'un hôpital, que nous soyons à la maison ou au travail, en voyage ou encore ici présents dans ce temple - cette parole nous rejoint au creux de nos existences, aujourd'hui encore, aujourd'hui peut-être plus que jamais !
En effet ne sommes-nous pas effrayés et parfois comme terrassés par ce qui peut nous arriver ou par ce qui se passe dans le monde, en particulier ces temps-ci ? Comment ne pas être peiné pour toutes les victimes du terrible tremblement de terre qui a eu lieu dernièrement au Japon et qui a occasionné tant de dégâts ? Et en particulier aux centrales nucléaires qui mettent en danger une multitude d'êtres humains ? Comment rester indifférent à ce qui arrive dans les pays du Moyen Orient, du Nord de l'Afrique et spécialement en Lybie ?
Et en ce temps de Carême, par le thème proposé : extraction minière, « un business indigeste », nous nous sentons aussi proches et révoltés avec les peuples africains et particulièrement celui de la République Démocratique du Congo touchés par les conditions inacceptables dont la plupart des entreprises minières transnationales exploitent leurs mines.
Plus près de nous, nous sommes peut-être effrayés, désorientés par la maladie, la séparation, la marginalisation, le chômage, le manque de logements. Où trouver alors les ressources nécessaires pour sortir de la crainte, de la peur qui nous paralyse, pour nous relever et construire avec courage et sérénité un avenir juste et paisible ? La Parole de Dieu que cette célébration nous offre, nous invite à tourner nos regards craintifs, comme ceux des apôtres, vers le Fils bien-aimé du Père et à l'écouter.
Nous l'avons entendu dans l'évangile, les disciples de Jésus craignent pour leur avenir, d'autant plus que Jésus, un peu avant sa transfiguration avait annoncé de façon ambiguë qu'il se rendait à Jérusalem pour y souffrir beaucoup, être mis à mort et ressusciter le 3e jour ! Les disciples ne comprenaient pas bien, étaient désorientés et avaient besoin de lumière. Et le Maître en choisit trois pour les entraîner sur une haute montagne et leur montrer qui il est et ce qu'il fait en réalité. Il se transfigure, se métamorphose, se manifeste dans toute sa lumière de Fils de Dieu. Et la présence à ses côtés de Moïse et d'Elie atteste qu'en Lui s'accomplit bien toutes les lois anciennes et les prophéties.
L'instant est saisissant, Dieu se manifeste dans sa grandeur, dans sa puissance, mais on ne peut en rester là, « construire trois tentes », comme le propose Pierre - car Dieu ne fait pas à la place des hommes, ne les contraint pas par sa gloire - Il les accompagne plutôt, les soutient dans leur marche. Pour trouver la Vie il faut accepter la réalité humaine telle qu'elle est, faire face, lutter avec courage, la traverser avec la grâce et la force invisibles mais efficaces de Dieu. Si Jésus n'allait pas à Jérusalem pour y être crucifié et ressusciter il abandonnerait l'homme à son destin terrestre. Non, l'homme n'est pas fait pour se coucher devant les puissances du mensonge, de l'injustice et de la mort, mais pour se relever avec courage et bâtir un avenir acceptable.
Saint Paul disait à Timothée - première lecture - « Prends ta part de souffrance pour l'annonce de l'Evangile, la Bonne Nouvelle, comptant sur la puissance de Dieu qui nous a sauvés… » Et plus loin : « C'est lui qui a détruit la mort et fait briller la vie et l'immortalité par l'Evangile. »
Avant d'annoncer cette bonne nouvelle les apôtres ont encore à être témoins de l'accomplissement de ces promesses et à recevoir d'en haut la force de l'Esprit de Dieu. Ce qu'ils auront vu, entendu, compris sera alors pour eux toujours un point de repère pour vivre leur vocation.
C'est un peu ce qui nous arrive aussi : si nous sommes ici ou participons à cette célébration par la radio, c'est que nous aussi avons été touchés par la grâce de Dieu, que nous avons reçu une vocation qui nous dépasse. A l'origine nous avons été touchés par un témoignage, une rencontre, une révélation, une transfiguration.
Beaucoup parmi nous ont vu le film « Des hommes et des dieux ». Le prieur de la communauté monastique de Tibhirine, Christian de Chergé, assassiné avec 6 confrères en 1996 racontait comment il avait reçu l'appel à consacrer sa vie à « Dieu et à l'Algérie ». Séminariste, affronté à la dure réalité du conflit de l'époque, il m'a été donné, écrit-il, « de rencontrer un homme mûr qui a libéré ma foi en lui apprenant à s'exprimer dans un climat de simplicité, d'ouverture et d'abandon à Dieu englobant tout naturellement les relations, les événements et les menus faits du quotidien. Notre dialogue était celui d'une amitié paisible et confiante qui avait Dieu pour horizon, par dessus la mêlée… ». Ce musulman, père de dix enfants, perd la vie en cherchant à protéger un ami plus exposé que lui. Alors, poursuit le frère Christian, « dans le sang de cet ami, j'ai su que mon appel à suivre le Christ devait trouver à se vivre dans le pays même où m'avait été donné le gage de l'amour le plus grand ».
Le gage de l'amour le plus grand lui a été donné. N'est-ce pas ce qui a été donné, d'une tout autre manière aux trois disciples sur la montagne ? N'est-ce pas ce don qui les a relevés pour offrir avec courage et confiance leur vie, comme leur maître ? Comme le paysan algérien, comme les moines de Tibhirine ? Comme tant d'autres à travers le monde, amoureux de Dieu et des hommes ?
Où pouvons-nous, chacun, chacune, dire que nous a été donné le gage de l'amour le plus grand ? Et comment ce don de l'amour est-il relié à la personne de Jésus et ses paroles « Relevez-vous et soyez sans crainte ? » Il est alors bon de nous remémorer ces moments de grâce où Jésus est devenu, tout à coup ou petit à petit, un ami. Nous rappeler les circonstances où il nous a séduits. Nous pourrons alors avancer avec Lui sans peur et dans une confiance renouvelée.
Amen !