L'amour du Père de la Parabole

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Écouter le culte :

« Merci à toi, Père de la terre et du ciel, ton nom est vraiment grand, saint, précieux,
et ta grâce est solide, immense, plus infinie que les étoiles du ciel.
Par ton amour, t pardonnes mes péchés et mes fautes à cause du Christ.
Offre-moi de te servir avec foi et donne-moi le bonheur dans le repos du ciel.
Ensemble, la chrétienté sous le ciel du sud, du nord, de l’est et de l’ouest,
offre son merci à toi, ô Christ et à toi, Père, sa louange sans fin. »

Voilà les paroles de ce très beau cantique finlandais que vient de nous chanter notre cantatrice, Marjaana Miettinen. Ces paroles répondent magnifiquement à la joie des retrouvailles du fils cadet avec son père et au festin qui en est le fruit. Mais avant la joie des retrouvailles et du festin, quelle histoire nous est ici contée, mes sœurs et mes frères ! Cette parabole si fameuse, dont nous méditons aujourd’hui la première partie, elle a fait dire à un collègue genevois, que je cite de mémoire : « Si l’Evangile disparaissait et que ne soit conservée que cette parabole, rien ne serait perdu ! »
Entrons dans cette histoire de famille, mes sœurs et mes frères. Et voyons d’abord la démarche du fils cadet. J’ai longtemps ressenti la demande qu’il fait à son père comme un affront suprême, comme s’il disait : Je n’attends pas que tu meures ; donne-moi sur le champ ce qui doit m’appartenir un jour.
J’ai lu récemment que la demande était légale et qu’au plus, elle manquait un peu d’égard par rapport au père. Cependant, quand le père dit, lors des retrouvailles, que son fils « était mort et qu’il est revenu à la vie », je ne peux m’empêcher de voir que lui aussi, le père, a vu la démarche de son fils comme un voyage sans retour.
Le cadet prend la clé des champs, avec la somme qui lui revient, il va vivre (enfin ?) sa vie. Hélas, son expérience tourne court et le voilà réduit à choisir entre mourir de faim et mourir de honte en revenant chez son père, pour au moins manger comme un ouvrier. De ce fils cadet, reconnaissons au moins son engagement résolu. Tant dans ce qui apparaît comme une descente, un échec, que dans sa remontée, son retour, il ne tergiverse pas. Comme si de bout en bout de son histoire, il était mû par une volonté forte, un besoin impérieux.

En face de lui, son père me paraît de la même trempe. Quand son cadet s’en va et de cette façon !, qu’est-ce qui permet au père de ne pas protester, de ne pas juger, de ne pas maudire ? Car le père n’est pas de marbre ! Il sait bien ce qui se passe ; et à la lumière des retrouvailles, nous voyons qu’il est un être aux « entrailles de miséricorde », sensible comme peut l’être tout père et toute mère dignes de ce nom.
Et où est le père, pendant l’absence de son fils ? Où en est-il, pendant cette absence qui semble devoir être sans fin ? On pourrait le comprendre muré chez lui, dans sa colère et son chagrin. Les bras croisés sur son bon droit bafoué ou écrasé par la douleur et mort vivant, tué par ce départ qui lui déchire le cœur. Or, où est le père pendant que le fils « voit du pays » ? Un bout de phrase nous le fait voir, avec une pudeur qui me bouleverse : « Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de pitié… »
Dans cette histoire de hauts et de bas, de creux et de bosses, le pays ne doit pas être plat. Et le père, pour pouvoir apercevoir – en premier et de loin – son fils qui revient, ce père doit être sur le chemin, quelque part à distance de sa maison. Cela est essentiel pour nous : le père n’est plus chez lui depuis que son fils est parti. Le père est sur le chemin, en chemin, attendant contre toute logique un improbable retour. Le départ de son fils a vraiment été une mort, une perte pour lui.
Il est orphelin de son fils et contrairement au berger avec sa brebis, il ne peut aller le chercher et le ramener. Si loin va le respect qu’il a de sa liberté et de sa responsabilité. Attendre et espérer infiniment et pendant combien de jours ? Plus que les jours qui sépareront Vendredi-Saint de Pâques.
Mais, au fond, n’est-ce pas cette attente et cette espérance vécues, irradiées par le père, qui aideront le fils à se souvenir, au fond de son trou, qu’à la maison, il y a au moins de quoi manger pour vivre ? Et que son père acceptera peut-être sa demande de pardon ?

J’aime, infiniment, la réaction du père au retour du fils :
- Il court, alors que là-bas, en ce temps-là, seuls courent les esclaves. Dans ce pays de chaleur, plus on va lentement, moins on souffre du chaud. Les riches vont lentement, majestueusement. Et lui, le père, il court ! Comme si c’était lui, le plus pauvre des deux qui se retrouvent !
- Il se jette au cou de son fils et le couvre de baisers. Où est l’image d’un père jugeant, attendant de pied ferme et de sourcils froncés le retour du pécheur ? Toutes ses larmes sont de joie, tous ses gestes sont de tendresse éperdue.
- Il interrompt le début de la confession de son fils, en ordonnant à ses serviteurs de lui amener tout ce qu’il faut pour rétablir son fils dans sa dignité de fils. Et avec cela, que la fête commence sur le champ ! Car c’est le matin de Pâques, la victoire de la vie et de l’amour sur la mort !

Mes sœurs et mes frères, c’est ce Père que Jésus nous donne. C’est l’amour et l’espérance de ce Père que Jésus incarne, dans tous ses gestes, dans toutes ses paroles, dans toute sa personne rencontrant tant de gens, tant de situations et chaque fois un fils, une fille du même Père, chaque fois son frère ou sa sœur pareillement aimés, accueillis, pardonnés, compris, fêtés.
Mes sœurs et mes frères, nous avons en partage ce Père incroyable. Il est sur le chemin pour chacun de nous qui se sent parfois loin de lui, parfois en révolte contre lui, parfois en besoin de prendre le large de lui. Il continue d’attendre et d’espérer ces retrouvailles où nous pouvons lui dire où nous en sommes, ce que nous avons trimbalé et recevoir son envie de nous, sa tendresse pour nous.
Si Dieu aime pareillement chacun de ses enfants, il aime également avec la même intensité chacune de nos Eglises. Nous croyons qu’ensemble, en Eglise, nous formons un seul corps, dont Christ est la tête. Eh bien, quand ce corps que nous formons, quand notre Eglise semble plutôt vivre les creux et les bosses du chemin et que la joie du Père n’est pas le sentiment premier qui nous habite ensemble, rappelons-nous que Dieu est en chemin pour nous ensemble, pour nous précisément ; il est sur notre chemin à espérer nos retrouvailles.
Et quand on a vécu, goûté, expérimenté un tel accueil, une telle compréhension, un pardon et un amour semblables, comment ne pas se dire qu’on est arrivé à la source de la vie, à la Maison dans son sens le plus profond ? Et quand on a vécu tout cela et qu’on en a été comblé, comment ne pas vouloir le partager, l’irradier à notre tour ?
« Merci à toi, ò Christ ; et à toi, Père, notre louange sans fin. »
Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Jean Samuel Bucher
Musique
Marriana Miettinen, chant et flûte