A place to be, un lieu pour être

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Écouter le culte :

« Que les paroles de ma bouche et le murmure de mon cœur soient agréés en ta présence, Seigneur, mon roc et mon défenseur. » Ps 20, 2

Il est entré dans l’église après le début du culte très discrètement. Il n’était ni très propre, ni très beau. Inconnu du pasteur, inconnu des fidèles, il s'est mis tout au fond de l'église. Après le service, le pasteur prend le temps de parler avec l'homme et pendant leur brève conversation, le pasteur comprend l'intensité de la souffrance de l'inconnu. Sans abri, sans domicile fixe, l'homme avait l'impression d'être rejeté, aliéné, il était marginal, en dehors de tout. Il n'est pas venu pour mendier, il n'a rien demandé, il ne s'est pas plaint, mais plusieurs fois, la même expression est revenue: Tout ce que je veux, c’est un endroit pour exister, pour être, un lieu où je suis accepté, aimé, où je me sens bien.
Voilà un des cris pressants de l’humanité. Nous cherchons tous un endroit où nous nous sentons bien, un chez soi. Tous nos souvenirs et émotions sont intimement liés à des lieux précis. Nous ne pouvons pas nous séparer d'eux. Notre maison d'enfance, la classe de l'école, l'arbre que l'on grimpé pour être en paix, le couloir où nous nous sommes embrassés pour la première fois (oh je me souviens, je me souviens !) Il y a deux endroits qui ont marqué et changé l’existence de notre couple.
Le premier se trouve à Chardonne, c’est une pouponnière, Les Clarines. C’était le 3 janvier 1994, nous sommes allés pour voir le garçon de trois mois qui deviendra mon fils. Alistair a bientôt 18 ans.
Le deuxième se trouve à Syracuse dans l'état de New York aux Etats-Unis. Dans une agence d'adoption, New Hope Family Services, le 31 mai de cette même année, nous avons accueilli la fille de deux mois qui depuis ce jour-là est notre fille, Lindsay. Elle a eu ses 17 ans en mars. Ces lieux ont changé notre vie de couple et je n'oublierai jamais ces deux lieux. En quatre mois, nous sommes devenus parents de deux petits. Ces deux lieux qui ont changé non bouleversé notre vie.

Ces lieux de nos souvenirs, c’est souvent avec joie que nous y retournons, ces lieux qui nous sont chers pour une raison ou une autre. Quand nous sommes loin de chez nous, nous soupirons après nos montagnes, le panorama des Dents du Midi, les Dents de Morcles, le Grand et Petit Muveran, le Rhône ou le bord du lac pour les gens de là-bas. Il y a des lieux marqués par la joie et d'autres marqués par la tristesse, des lieux de danger et des lieux de réconfort, des lieux de souffrance et des lieux de guérison. Nous les gardons tous en nous.
Nous, les pasteurs nous sommes particulièrement sensibles à ceci car nous savons que nous sommes de passage. Un jour ou l'autre il faut quitter notre paroisse, notre fonction. Ce n'est pas toujours facile.
« Jacob sortit de Beer-Shev’a et parti pour Harrân. Il fut surpris par le coucher de soleil en un lieu où il passa la nuit. » Il n'oubliera jamais ce lieu. A ce lieu, il a même donné un nouveau nom : Bethel, la maison de Dieu. Il y avait une échelle où les anges montaient et descendaient. C'était le lieu d'un rêve, d'une vision, tellement réelle et formidable qu'il dit: « Vraiment, c'est le Seigneur qui est ici et je ne le savais pas ! » Le cri de l'humain, c'est un lieu pour être, pour exister.

La Bible est un livre de lieux – un jardin, un désert, le Mont Sinaï, un pays promis, une grotte, un petit village, une colline pour un sermon, Jérusalem. Ces lieux fixés dans le souvenir nous aident à voir que malgré le fait que Dieu soit partout, il se révèle dans des lieux précis. La vie de la foi est enracinée dans les lieux concrets. C'est vraiment l'incarnation de la foi.
C'est le cas avec Jacob. Il arrive en un certain endroit. Il est voyageur, fugitif, mais ici en ce lieu il découvre quelque chose de signification universel : « Vraiment, c'est le Seigneur qui est ici et je ne le savais pas ! » C'est le cœur du message biblique. L'humain est un voyageur, nous sommes tous des voyageurs : Tout ce qu'il veut est un endroit pour être » et l'endroit de l'homme se trouve là où Dieu se trouve, « Vraiment, c'est le Seigneur qui est ici... »
Pensez à Jésus et ses paroles : « Les renards ont des terriers et les oiseaux du ciel des nids; le Fils de l'homme, lui, n'a pas où poser la tête. » Aucun endroit, pas de chez lui. Néanmoins nous savons maintenant qu'Il est chez lui dans le monde. Et Il nous offre un lieu pour être.
Il donne à Simon et André un lieu : « Je ferai de vous des pécheurs d'hommes. » A Zachée, il donne un lieu : « Vite, descends : il me faut aujourd'hui demeurer dans ta maison. » A une femme samaritaine, il dit : « Donne-moi à boire » et avant qu'elle réalise, elle possède une place dans le cœur de Dieu. A Matthieu, le collecteur d'impôts détesté, un lieu est donné au sein de son équipe.
Cet homme qui n'avait pas de lieu où poser sa tête offre un endroit à tous, en particulier, ceux qui sont rejetés de la société, les « petits » entre guillemets. Il est l'ami des « collecteurs d'impôts et des pécheurs. » Et après ceci, une salle pour un repas, un autre jardin, un baiser, un tribunal, des accusations et une condamnation et suit une autre colline, mais même là où le rejet semble être définitif, il offre à un brigand un lieu d'être : « Aujourd'hui, tu seras avec moi au paradis. » Même la mort n'était pas la fin. Le miracle de Pâques, c'est qu'il continue à offrir à tous, un sens d'appartenir, la confiance que tous ont un endroit pour être.

L'Eglise du Christ doit être, nos paroisses doivent être cet endroit où les gens, où tous trouvent leur place. « Vraiment, c'est le Seigneur qui est ici... » L'Eglise est le lieu, l'endroit où il y a de la place pour tous, un lieu où tous peuvent avoir le sentiment d'appartenir. L'Eglise doit être assez grande pour permettre de la place pour ceux qui posent des questions, pour ceux qui doutent, pour ceux qui cherchent du changement, pour tous.
Quand l'Eglise est un tel endroit, elle répond à l'appel d'être le lieu où le Christ est présent. Dans son livre L'Eglise ouverte, le Professeur Jürgen Moltmann explore ce thème. Il décrit la communauté et je cite: comme « une nouvelle manière de vivre ensemble. » Dans cette nouvelle manière de vivre ensemble, personne ne doit être seul pour confronter ses problèmes et personne n’a besoin de cacher ses faiblesses. Il n'existe pas de chefs qui dirigent tout et les autres sont sans voix.
Les âgés et les jeunes sont pris en charge. Les membres acceptent les uns des autres même quand ils ne sont pas d'accord les uns avec les autres. Et finalement, « l'un peut laisser en paix l'autre quand l'autre en a besoin.» (Fin de citation !)
Ceux qui trouvent le chemin de nos églises en cherchant un lieu pour être le trouveront s’il trouvent l'accueil plus chaud que nos bancs en hiver. J'aimerais dire avec vous tous : « Vraiment, c'est le Seigneur qui est ici et je ne le savais pas ! » Certes, nous ne sommes que des humains, nous avons nos problèmes, soucis, faiblesses, mais nous pouvons être le lieu de Christ et nous pouvons faire de la place pour les uns et les autres.
Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Pierre Pilloud
Musique
Choeur paroissial