Culte du dimanche de l'Unité, Lausanne

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Lecture : Marc, 8, 27-30 ; 34-38

Jésus part, avec ses disciples dans les villages de Césarée de Philippe, et en chemin, il leur demande : Les gens, qui disent-ils que je suis ? Ils lui répondent : Les uns disent que tu es Jean-Baptiste ; d'autres, Élie ; d'autres, l'un des prophètes. Mais vous, qu’est-ce que vous dites ? Pierre lui répond : Tu es le Christ. Alors Jésus leur recommande sévèrement de ne n’en parler à personne.
Puis il appelle la foule avec ses disciples et leur dit : Si quelqu'un veut venir avec moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive. En effet celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de la Bonne Nouvelle, la sauvera. Et que sert-il à un homme de gagner le monde entier, s'il perd son âme ? En effet celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de la Bonne Nouvelle, la sauvera.

Prédication d’Albert Schweitzer, prononcée le 4 avril 1909,à Strasbourg.

« Que servirait-il à un homme de gagner le monde s’il perdait son âme ? » (Marc 8, 36)

Aujourd’hui, j’aimerais bien m’adresser aux jeunes qui sont parmi nous. Aux apprentis, aux étudiants. A vous qui avez 18 ans, 20 ans ou un peu plus et qui avez soif de vivre.

A votre âge, une porte s’ouvre sur l’horizon, une porte qui permet d’embrasser du regard tout ce que la vie nous réserve. Et vous allez franchir cette porte avec courage, avec énergie parce que vous êtes certains qu’une part du bonheur du monde est pour vous. Et vous avez raison. Cette sensation merveilleuse, je l’ai éprouvée moi aussi et je me garderai bien de jouer les rabat- joie. Au contraire : je souhaite que votre intelligence, vos connaissances, votre santé fassent que la vie réponde au mieux aux espérances que vous placez en elle. Mais dans votre soif de vivre, je voudrais que vous intégriez cette question : « Que servirait-il à un homme de gagner le monde s’il perdait son âme ? »

Grande question. Qu’est-ce que l’âme ? Personne ne le sait. Vous connaissez certainement des hommes et des femmes qui considèrent qu’elle n’existe pas et qui sont capables d’en faire la démonstration avec beaucoup d’ironie et d’érudition.

De quoi l’âme est faite ? Il se peut que personne ne le sache véritablement, mais ce dont nous sommes certains, c’est qu’il existe en chacun de nous un petit quelque chose qui nous permet de pressentir ce qui nous dépasse. Un petit quelque chose qui nous fait penser, espérer, aspirer à un monde meilleur.

Et vous les jeunes, si vous êtes attentifs à ce qui se passe en vous lorsque vous êtes émus, enthousiasmés, passionnés, indignés, écœurés, vous devrez bien admettre que ce petit quelque chose existe et qu’il existe vraiment.
Et c’est pour cela que j’aimerais vous dire : « Faites attention à ne pas le perdre ».
Vous, vous ne voyez pas ce que peut signifier « perdre son âme » ? C’est normal. Un homme bien portant a toujours de la peine à imaginer la situation de celui qui a perdu la santé.
Il n’y a que celui qui a véritablement eu peur de perdre son âme - ou qui en a été le témoin chez d’autres - qui peut saisir tout ce que cela implique. Tant de gens ont l’air heureux et ne le sont pas en réalité parce qu’ils ont claqué derrière eux la porte de leur idéal.

Ces derniers jours, j’ai rendu visite à une dame qui m’a conduit à son grenier. Au moment de sortir, elle s’est ravisée, elle a cherché la clé dans sa poche, et elle m’a dit : « Ma porte n’a pas de poignée qui ouvre de l’extérieur et si je ne fais pas attention, je me mets moi-même à la porte de chez moi. »
C’est exactement ce qui se passe chez les hommes. Ils se mettent à la porte de chez eux. Ils se coupent de ce qu’il y a de meilleur en eux par inattention et ce n’est que bien plus tard qu’ils s’en rendent compte. Je ne veux pas peindre le diable sur la muraille et vous faire peur en énumérant tous les pièges que la vie mettra sur votre route. Mais je vous en supplie : faites attention.

Certains perdent leur âme sans même avoir connu de grandes difficultés. Ils la laissent s’étioler, peu à peu, occupés qu’ils sont par les plaisirs, les soucis ou les distractions de la vie. Et ils ne réalisent pas que les choses et les idées auxquelles ils attachaient tant d’importance autrefois, ne sont plus aujourd’hui que des coquilles vides.

Aujourd’hui, vous pensez peut-être que cela ne vous arrivera jamais. Comment en effet tout ce qui vous anime, tout ce qui vous passionne, tout ce qui vous fait vivre aujourd’hui pourrait-il mourir ? Je crois qu’il vaut mieux ne jurer de rien, comme dit le poète parce que cette maladie-là est particulièrement insidieuse.

Vous avez certainement entendu parler de la maladie du sommeil qui règne dans le continent africain. Les hommes et les femmes qui en souffrent commencent par se sentir un peu las, puis la fatigue augmente, lentement mais sûrement, puis elle les submerge puis ils tombent sur le sol et meurent d’inanition.

Le célèbre professeur Koch, de Berlin, a séjourné en Afrique il y a dix-huit mois pour étudier cette maladie et il a détecté les signes avant-coureurs de ce mal chez beaucoup d’individus qui lui riaient au nez, en déclarant qu’ils se portaient fort bien, mais lui, il savait qu’ils étaient déjà atteints et bien évidemment, il regrettait leur refus de se faire soigner.
De même que, sous certaines latitudes, il y a une maladie du sommeil qui s’attaque à notre corps, de même il y a une maladie du sommeil qui s’attaque à notre âme et dont le principal danger est qu’on ne la sent pas venir. C’est pourquoi je vous dis : soyez attentifs. Dès que vous remarquerez les petits signes d’indifférence, dès que vous percevrez le plus petit relâchement de votre enthousiasme, la plus petite baisse de niveau de votre idéal, méfiez-vous : c’est que votre âme sera en train de déraper.
Ce dérapage insidieux affecte plus facilement l’homme qui navigue dans l’existence sans faire le point, sans établir de bilan. Même si la démarche est parfois désagréable, il faut à l’homme des heures de tête-à-tête avec lui-même pour ne pas perdre le cap. Pour ne pas refermer la porte qui s’ouvrait si largement devant lui quand il avait vingt ans ! Pour ne pas démissionner devant l’ampleur de la tâche. Comment réagir ? Demandez ici ou là si on a besoin de vous. Et lorsque vous rencontrerez des états de misère, regardez ce que vous pouvez faire et ne vous laissez pas endormir par des raisonnements qui justifient l’indifférence.
Tantôt c’est Dieu qui parle aux hommes et tantôt, c’est le diable. Lorsque la raison vous dit de rester tranquille, c’est le diable. Lorsqu’elle vous dit de vous lever et d’agir, c’est sûrement le bon Dieu.
Mais attention : le chemin qui est le vôtre, vous devrez peut-être le chercher longtemps. Vous devrez peut-être l’attendre longtemps. Ne vous laissez pas rebuter. Tenez bon et continuez à chercher. La porte s’ouvrira devant vous, c’est sûr. Et un jour vous L’entendrez vous dire « toutes les fois que tu as accueilli l’étranger, revêtu ceux qui étaient nus, visité les malades et les prisonniers, donné à manger aux affamés, c’est à moi que tu l’as fait » (Mt 25, 40).

« Toutes les fois que tu as accueilli l’étranger, revêtu ceux qui étaient nus, visité les malades et les prisonniers, donné à manger aux affamés, c’est à moi que tu l’as fait ».

Sur le chemin qui est le tien, mille fois, en retour de ce que tu as accompli, tu recevras la paix, la force et la joie du cœur.

Amen.

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