Culte transmis du temple de Champéry

image
No video provider was found to handle the given URL. See the documentation for more information.

Dans ses récits imaginaires, Rabelais raconte les péripéties de Pantagruel et de son compagnon Panurge lors d’un voyage fantastique et fantaisiste au pays des Lanternes. Lors d’une traversée de la mer, alors qu’ils ont embarqué sur un navire, Panurge se dispute avec un marchand de bétail, un certain Dindenault. Pour se venger, Panurge commence par lui acheter un mouton et le jette à la mer. Les bêlements désespérés de celui-ci entrainent tous les autres moutons à se jeter à leur tour dans les flots, et le marchand lui-même qui s’accroche au dernier mouton en tentant de le retenir. Il se noie avec tout le troupeau.

Je ne sais pas si Rabelais s’est inspiré des récits bibliques, en tout cas, son récit prend le contrepied du Psaume et de la parabole que nous venons de lire. Imaginons la parabole de la brebis perdue vue par Rabelais. Ce pourrait donner quelque chose comme : chassée dans le désert par un malveillant, une brebis entraine à sa suite les 99 autres du troupeau, ainsi que le berger accroché à elle en tentant de la retenir. Tous meurent de soif dans le désert.

La mémoire collective gardera l’idée que les moutons de Panurge sont tous ceux qui suivent n’importe qui, ou suivent le mouvement collectif sans discernement, au risque d’y perdre la vie. La mémoire collective garde du Psaume 23 et de la parabole de la brebis perdue que celle-ci a besoin d’un berger attentif pour être conduite vers la vie, vers la fête !

On dira à juste titre que les femmes et les hommes ne sont pas des moutons et qu’ils ne sont pas si stupides. Ni pour se jeter à l’eau sans réfléchir, ni pour se perdre dans le désert. Pour le moment, le psalmiste comme Jésus ne nous invitent pas à analyser les compétences d’autonomie de la brebis, mais bien plutôt à s’intéresser aux préoccupations et aux intentions de celle-ci comme du berger.

Qu’en pensez-vous ? Quel berger souhaitez-vous suivre ? Ou plutôt quel berger aimez-vous suivre ? A moins que vous ne préfériez en suivre aucun, et faire vous-mêmes l’itinéraire de votre vie ?
Nous poser cette question est une démarche à la fois existentielle et théologique.
Suivre un berger, aller là où il décide, c’est s’en remettre à un leader, à un pouvoir, à l’État providence, ou à la Providence divine. C’est accepter une liberté qu’on dit aliénée ou relativement courte. Une attitude qui est aujourd’hui jugée infantile.
L’interprétation contemporaine de la réalité affirme plutôt que nous sommes maîtres de notre destinée, et qu’il nous appartient de décider et d’assumer nos décisions.
C’est en tout cas ce que nous lisons et entendons volontiers : être participatifs !
C’en est presque amusant, si ce n’était pas parfois tragique. Voyez-vous mêmes,
Si nous ne consultons plus les oracles – quoique… - nous ne cessons de consulter les analystes, les sondages, les spécialistes : nous faisons des projections, des prospectives, des audits. Tant de démarches de précaution qui révèlent la plupart du temps davantage nos craintes, nos peurs, nos angoisses et nos manques de confiance que notre liberté réelle à suivre une itinérance heureuse et sereine que nous aurions chacun choisie, en toute liberté.

Le côté pervers de ces démarches est que sous prétexte de précautions et d’attention, de maîtrise et de contrôle de la situation, de liberté individuelle, plus nous tenons compte de tous les paramètres d’analyse censés nous rassurer, plus nous nous comportons en moutons de Panurge, puisque nous suivons les grands mouvements collectifs. Quel paradoxe.

Ce n’est peut-être pas pour rien que nous constatons davantage d’angoisse et de stress que de confiance, en soi et en les autres, et de sérénité.
Depuis un siècle et davantage, nous prétendons ne plus suivre Dieu. On remet en cause les références à Dieu dans les constitutions, on cantonne la spiritualité à la sphère privée, on fonde toute une culture sur le socle de la liberté individuelle. C’est curieux, parce qu’en même temps, nous prenons conscience que les grands équilibres planétaires sont en train de basculer et que l’avenir est inquiétant. On en est même à entendre le monde scientifique proposer une intervention génétique sur le génome humain, dans le but que demain les hommes soient végétariens et de plus petite taille. Plus petit, moins de consommation, végétarien, moins de ruminants, moins de gaz à effet de serre. Je n’invente rien ; des généticiens ont publié tout récemment un rapport dans ce sens.

Qui a-t-on suivi pour en arriver à ce stade d’inquiétude ? Soyons justes ! Ce serait trop facile d’accuser les bergers. Pourtant, il faut le reconnaître, c’est ce que nous préférons : accuser les bergers, leur reprocher toutes leurs décisions et les rendre coupables de tous les problèmes qui surgissent. Il est bien connu que, lorsque nous sommes au café du Commerce, à quelques-uns nous remplaçons en deux minutes le Conseil fédéral et savons très bien en quelques phrases résoudre tous les problèmes helvétiques et internationaux.

Sans doute que le problème n’est pas tant chez les bergers qu’aujourd’hui nous élisons, mais chez les brebis que nous sommes tous. Des moutons de panurge.
Nous suivons. Nous suivons le mouvement, quand nous ne sommes pas poussés par les événements.

Le psalmiste nous invite à la confession de foi : l’Eternel est mon berger !
Ce n’est pas l’expression extasiée de la brebis soumise, prête à suivre le mouvement. C’est la confession de foi d’un homme ou d’une femme qui a choisi Dieu comme berger, parce qu’il ou elle a d’abord constaté où celui-ci conduisait. Ce croyant ne veut pas aller n’importe où. Il y a de l’exigence dans la confession de foi. « Je te fais confiance parce que je sais que tu es digne de confiance. Je l’ai vérifié ! »
La brebis perdue ne se laisse pas reconduire au troupeau parce qu’elle est sans défense. Elle reconnaît dans sa détresse qu’elle s’est mise en danger. Elle peut se réjouir parce que la démarche du berger lui dit sa valeur. A cause de sa détresse, elle vaut au moins 99 de ses congénères dans la préoccupation de celui qui l’a cherchée jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée. Se serait-elle laissée faire si elle n’était pas animée par cette exigence ? Bien entendu, les attitudes du berger sont admirables. Autant celles qu’affirment le Psaume 23 que celles que met en évidence la parabole de la brebis perdue. Mais l’attitude des brebis est également extraordinaire. Ne serait-ce que celle des 99 qui restent solidaires et confiantes, et auxquelles le berger peut faire confiance en les laissant seules.

Choisir Dieu comme berger n’est pas une soumission stupide à une Providence aveugle. Elle est une adhésion consentante et confiante d’une femme ou d’un homme qui a vérifié et constaté que choisir Dieu comme berger consiste à se mettre en chemin vers la fête. La fête qui invite à célébrer la Vie sans cesse renouvelée.





Jésus, lui, ne va pas par quatre chemins : il est la porte !
Avec autorité, Jésus affirme que personne ne peut entrer dans la vie si ce n’est par lui : « Je suis la Portes des brebis ! » Puis, dans les versets que nous avons choisis de ce chapitre de Jean, il ajoute en parlant de lui-même « je suis le bon berger ».
L’adjectif « bon » qu’il utilise – selon Jean - ne signifie pas que Jésus est celui qu’il s’agit de choisir parmi d’autres selon des critères comparatifs, mais qu’il est d’intentions bonnes, bienveillantes, attentives et positives. Il est question de ses intentions.

Cela nous renvoie à nous poser cette question :
Quelles étaient les intentions de ceux qui, dans l’histoire, se sont imposés ou proposés comme leaders, comme bergers ?
Je crois que si on voulait établir la liste de ces bergers de l’humanité, non seulement celle-ci serait interminable, mais elle nous contraindrait sans doute à les classer en catégories diverses, des pires despotes aux meilleurs conducteurs, certains conduisant à leur perte ceux qui leur ont fait confiance, ou au bonheur dans les meilleurs cas. Oui, nous pourrions facilement faire cette liste, même si elle est très longue, d’autant plus si elle classait les bergers de l’histoire. Il n’est cependant pas certain que nous y parviendrions aussi facilement avec ceux qui sont nos leaders contemporains.

Sans recul, nous avons des difficultés à évaluer si tel leader a de bonnes intentions ou non. Ce n’est que lorsqu’il a fait ses preuves que nous en sommes assurés. L’histoire récente montre que bien des bergers apparemment pleins de bonnes intentions étaient en réalité des bergers qui reculaient devant le moindre danger, devant les loups, pour reprendre l’image de la parabole, quand ce n’était pas des loups eux-mêmes ; des loups habillés en messie !

Comment faire pour discerner parmi les bergers possibles celui qui est vraiment bienveillant ?
S’il s’agit d’attendre que celui-ci fasse ses preuves, c’est probablement prendre le risque que le bilan intervienne bien après les pires catastrophes ou les plus scandaleux abus. Pour Jésus c’est clair. Le discernement des brebis ne consiste pas à analyser les résultats après bien des années, voire des générations, mais à savoir en préalable si le berger qui se présente a d’abord donné sa vie à ceux qu’il prétend vouloir guider et accueillir. Le discernement de la brebis que je suis ne consiste pas tant à estimer si je suis satisfait, mais à exiger, à avoir la garantie que je vais tout recevoir.

C’est incroyable ! Jésus nous invite à être non seulement exigeants, mais bien plus : à tout attendre ! Tout ! A commencer par la vie. Non seulement la mienne, mais celle de Dieu en personne pour me la garantir. Je crois que le christianisme, à force de confondre humilité avec timidité, voire avec poltronnerie, a fait de la bonté de Dieu une simple attitude de gentillesse, et de Jésus un gentil berger, sur arrière-plan bucolique. Mais c’est d’amour dont il s’agit de parler, d’un amour brûlant et passionné ! Le mystère de la Croix, c’est que Dieu, pour sauver sa brebis, pour lui éviter qu’il ne lui arrive quelque chose, est mort pour elle. C’est lui qui est mort pour éviter que ce ne soit la brebis qui meure. En cela il est la Porte. La porte que nous devons voir derrière celui ou celle qui se propose de nous guider, c’est celle-là : une porte qui ouvre sur la vie parce que celui ou celle qui se tient devant donne la vie, conduit à la vie. Oui ! Dieu nous invite à l’exigence.

Être brebis ne nous invite pas à suivre n’importe qui comme des moutons et à se contenter d’un minimum acceptable. Être brebis c’est exiger que celui en qui nous remettons notre confiance guide vers la Vie. Cela ferait-il du chrétien une personne infantile au point d’attendre tout des bergers ou de Dieu ? Sûrement pas. Parce que non seulement on serait à la limite de l’attitude capricieuse, mais l’humanité reculerait de plusieurs siècles, à faire reposer ses décisions, sa responsabilité et sa capacité à prendre en mains sa propre destinée, sur une Providence généreuse et maternelle.

L’exigence à laquelle nous invite le Christ ne concerne pas ce que nous attendons de Dieu, mais que nous ne suivions pas n’importe qui, n’importe quelle idée, n’importe quelle tendance pour faire comme tout le monde, comme des moutons. En affirmant : « Le Père m'aime parce que je me dessaisis de ma vie pour la reprendre ensuite », Jésus fonde son leadership, dirait-on aujourd’hui, sur deux notions essentielles : l’amour qui lie le Fils au Père, et leur maîtrise de la Vie. Il donne sa vie. Il reprend Vie.

En nous montrant exigeants, nous ne cédons pas aux caprices infantiles, bien au contraire. Nous fondons la valeur de chaque être humain sur l’Amour, un Amour inconditionnel, et sur une maîtrise absolue de la Vie. Qui d’autre que Dieu, par Jésus-Christ, peut nous offrir ce berger ? D’ailleurs, n’est-ce pas ce que cherchent les innombrables dirigeants politiques, chefs d’entreprise et autres leaders quand ils consultent les astrologues ? Ca c’est revenir en arrière. La question n’est pas de savoir si les astres influencent ou non notre histoire, mais de tenir compte de ces influences, sans chercher une relation avec du vivant. Dieu nous invite à une relation, non d’influence, mais de partenariat, de complicité : une communion.

Reconnaître Jésus comme seul berger, c’est faire reposer notre vie sur la double exigence de l’Amour et de la Vie qui triomphent des avenirs sombres et incertains.
En transmettant aux générations futures cette exigence à choisir le Christ comme berger, on ne les soumet pas à l’aliénation naïve que fustigent les antireligieux de tous poils, on leur dit qu’ils ont chacun une valeur inestimable et imprescriptible qui les ouvre à tout attendre de la vie, comme d’être passionnément aimés.

Les moutons ne sont pas ceux qu’on croit. Selon Rabelais, ils sont autant victimes d’eux-mêmes que de ceux qui les guident mal. La brebis, selon le Christ, désigne toute femme, tout homme, tout enfant qui a reçu de son berger l’assurance que sa valeur, comme celle des intentions du berger, sont équivalentes à la valeur de la Vie elle-même.

Comparer l’être humain à la brebis et le Christ au berger ce n’est ni de la poésie, ni de la rêverie ; c’est rassembler les hommes devant cette vision d’eux-mêmes que leur valeur est telle que Dieu est mort pour eux par amour. Beaucoup de leaders du passé et d’aujourd’hui considèrent l’homme comme un mouton qu’on tond et qu’on guide par le bout du nez. Eh bien, dire aux hommes qu’ils sont les brebis du bon berger, c’est les rassembler dans ce regard réciproque qui leur permet de considérer leur immense valeur et leur liberté à s’aimer les uns les autres.

Accepter le Christ comme bon berger, ce n’est pas se glisser dans la peau du mouton de Panurge, bien au contraire, c’est léguer à nos enfants notre exigence à faire de ce monde un lieu de Paix, de Justice et d’Amour.

Prédications dans le même lieu

Aucun résultat.

Prédications de la même personne

Aucun résultat.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Musique

En collaboration avec