Culte du Vendredi Saint transmis d'Egg (ZH)

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Chers amis,

Nous ne célébrons pas le Vendredi Saint avec des croissants. Aussi savoureux soient-ils et autant nous les aimons, mais ils ne cadrent pas avec cette journée. Le Vendredi Saint, un morceau de pain complet plein de goût est plus approprié. On le prend, on s’assied et on se prend le temps de le mâcher et de le travailler (mastiquer), bouchée après bouchée. Un croissant est savoureux, mais le blé complet nourrit et « tient au ventre »
Il en va de même pour Vendredi Saint : nous ne fêtons pas cette journée, nous la commémorons. Il s’agit d’une mort sur la croix.

A l’époque, les Romains évitaient le sujet. Ils avaient certes torturé des milliers d’insurgés jusqu’à la mort – mais dans les cercles romains rien que d’en parler était tout à fait inadmissible. Ce qui se passait sur la croix, était tout simplement tabou, intolérable pour un homme censé. De nobles femmes romaines faisaient cependant preuve d’un peu d’empathie et envoyaient du vin aux candidats à la mort. Du vin pour qu’ils puissent s’enivrer.

Même dans la littérature de l’époque, on parlait certes de formidables héros, qui étaient menacés de mort par crucifixion – mais comme dans les histoires d’héros d’aujourd’hui, le héros arrivait toujours à échapper à la mort par torture. Aucun héros ne meurt sur la croix – y meure uniquement un raté, un traitre ou un méprisé. Jésus mourut sur la croix.
Cela signifie-t-il que Jésus fut un de ces ratés, de ces maudits ? Si c’est le cas, on aurait pu oublier son histoire.
Mais justement, ce n’est pas ce qui est arrivé. Il avait appelé les hommes à se convertir - et ceci pas toujours sur un ton très doux.
Il s’adressait aux personnes simples préoccupées par leur quotidien : Tu dois aimer Dieu et ton prochain comme toi-même. Ils arrivaient à comprendre cela. Ils comprenaient ses paroles, ses actes, ses guérisons. Il mettait en pratique ce qu’il prêchait. Ce Jésus ne pouvait pas se faire oublier.
… même pas au travers de la croix.
Au contraire ! Pour les auteurs bibliques – au vu de sa résurrection le matin de Pâques – c’est précisément sur la croix, par les dernières paroles du Christ, qu’il est révélé qui il était vraiment.

Nous prenons une première bouchée du pain complet du Vendredi-Saint et lisons chez Marc, dans l’Evangile :
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » — Quelques-uns de ceux qui étaient là l'entendirent et s'écrièrent : « Écoutez, il appelle Élie ! » L'un d'eux courut remplir une éponge de vinaigre et la fixa au bout d'un roseau, puis il la tendit à Jésus pour qu'il boive et dit : « Attendez, nous allons voir si Élie vient le descendre de la croix ! » Mais Jésus poussa un grand cri et expira. »
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? », ainsi commence le Psaume 22, que nous avons entendu – un ancien champ de lamentation, qui finit en chant de reconnaissance … car le règne appartient au Seigneur » Mais Jésus ne parvient plus jusque là.
C’est avec la lamentation sur les lèvres qu’il meurt. Dieu où es-tu ? C’est ce que crie Jésus au nom de tous ceux qui se sentent abandonnés de Dieu. C’est justement LUI qui en arrive à ce point, lui, qui a assuré aux hommes que le Royaume des Cieux était déjà là au milieu d’eux. Dieu n’était-il pas d’une manière très particulière avec lui, auprès de lui et en lui ? Et maintenant ça ! Mais, c’est là que se trouve exactement ce qui est particulier, là où il ne reste que la lamentation (la plainte) : Dieu où est-tu ? Vendredi Saint signifie là : en cet homme « Jésus de Nazareth » Dieu a vécu toute l’amplitude de la vie humaine. De la naissance jusqu’à la mort, de la crèche jusqu’à la croix, rien ne lui est étranger. Ni la joie la plus intense de la vie, ni l’offense la plus profonde et la moquerie la plus cinglante.


Là où le dernier morceau d’espoir qui te reste te glisse des mains, même cela n’est pas étranger à Dieu.
Il connait cela, il partage le désespoir avec les désespérés.
Cela me touche dans cette histoire. Sur la croix, nous ne rencontrons pas un Dieu supérieur et souriant, qui règne au-dessus de tous les problèmes du monde et qui dit : « ça va aller, ce n’est pas si grave, tu vois ? ça a déjà à nouveau passé. C’est l’inverse : à travers la mort de Jésus, Dieu se place de manière délibérée du côté des humiliés et des désespérés et prend leur parti. Il est du côté des perdants et des impuissants.
Aucune détresse ne lui est étranger et il n’est indifférent à aucune souffrance. En mastiquant cette bouchée, j’apprends à comprendre que Dieu connaît également mon impuissance, mes échecs, mes fautes, mes hypocrisies, mes dérapages, mes humiliations – ceux qui ont été partagés et ceux qui restent enfouis. Il sait où je n’y crois plus et où j’ai le sentiment que tout est sans espoir et absurde. Dieu, pourquoi m’as-tu … - ce cri n’est justement pas un cri dans le vide. L’appel sous entend : Dieu, si quelqu’un entend, qui d’autre le pourrait sinon toi ?

Alors Jésus poussa un grand cri et expira.“ Dans l’évangile de Luc, le cri est accompagné de paroles. Nous prenons une deuxième bouchée du pain complet et lisons les dernières paroles de Jésus chez Luc : „Père, entre tes mains, je remets mon esprit“
Ces paroles du Psaume 31 sont dans la tradition juive une partie d’une courte prière de nuit. Celui qui finit sa journée de cette manière, remets sa vie avec reconnaissance et rempli de confiance entre les mains de son créateur.
L’interprétation a été déplacée : Jésus ne meurt pas dans la plainte et le désespoir. Il meurt dans un geste de confiance: Voici Dieu est ton serviteur, qui se confie à toi, qui – en tant que juste - offre sa vie à cause et au bénéfice de tous les injustes. Ainsi il prend sur lui l’injustice, et la supporte. Il se laisse désigner comme bouc émissaire, lui qui est sans péché: est-ce le monde à l’envers ?
Oui, peut-être que notre point de vue est parfois aussi faux ou à côté de la plaque : nous nous lavons les mains dans l’innocence et sommes préoccupés à sauvegarder la face. Jésus prend un autre chemin. Il a dit une fois :“Beaucoup des premiers seront parmi les derniers et les derniers seront les premiers“
A la croix, il se laisse mettre à la dernière place, alors qu’il devrait être le premier. Et il meurt comme un maudit, afin que les autres aient la vie.

Chaque mort, et celle-ci tout particulièrement m’interroge : est-ce que je me suis peut-être fourvoyé et que j’ai condamné des personnes au nom de mon propre ordre, dont je crois être le gardien ? Là où des personnes s’abandonnent les unes les autres, qu’elles en ont fini les unes avec les autres, quelque chose de ce qui finit par être la mort se produit déjà : c’est à dire la fin de toute relation. Et c’est comme si le Christ avec la croix se plaçait exactement à cet endroit. Il semble dire : Je prends ton malheur sur moi, je le fais à ta place, pour que tu arrives à sortir du malheur et des ordres qui ne relèvent pas de la vie, mais de la mort.

„Père, entre tes mains, je remets mon esprit.“ La pensée de l’évangéliste Luc s’inscrit dans une perspetive historique : le crucifié meurt, mais son existence, son oeuvre va au-delà de la mort.

L’esprit d’amour, l’esprit de la réconciliation, l’esprit de Jésus... même la mort sur la croix n’a pas pu mettre un terme à son existence, à son oeuvre. Son esprit continue de vivre. Peu importe où son esprit se manifeste parmi nous, que ce soit au travers d’un geste affectueux, d’une parole réconciliatrice, du fait qu’on me donne une nouvelle chance ou que je la donne moi-même, d’une attitude qui génère la confiance et suscite l’espoir – là agit l’esprit de Jésus.

En mastiquant cette bouchée, j’apprends à comprendre : plein de confiance Jésus remets sa vie entre les mains de Dieu.
Moi aussi je peux lâcher prise sur ce qui ne sert pas à la vie et faire confiance dans le fait que son esprit continue à vivre en moi, en chaque petit pas...
Chez l’évangéliste Jean, se trouve la troisième bouchée de pain complet. Lorsque Jésus eut bu le vinaigre, il dit : „Tout est accompli“ et il inclina la tête et rendit l’esprit“

Ici on ajoute un autre aspect. Ce ne sont pas l’impuissance, ni le lâcher prise (l’abandon) en toute confiance qui sont au premier plan. „Tout est accompli“ est la parole finale au bout d’un mandat, d’une mission. Jésus – en tant que messager divin – a rempli sa tâche : il a rendu d’une nouvelle manière Dieu proche des hommes, en tant que Dieu d’amour, à qui on peut faire confiance sans réserve jusque dans la mort. Cet amour, il l’a lui même incarné. Et maintenant, à la croix, il devient clair, ce que signifie en dernière conséquence / en dernier lieu : „Tout est accompli“ : ici sa vie s’accomplit – dans l’amour qui se charge de la croix, qui se donne et qui se laisse blesser et c’est précisément ainsi et pas autrement, qu’il surmonte la mort.

En mastiquant cette bouchée : je prends conscience que l’achèvement n’est pas mon affaire. Mon existence est trop humaine et en beaucoup de points inachevée. Je reste très profondément dépendant de celui qui accepte ma vie avec amour. Quelque soit l’accusation qu’on pourrait porter contre moi, l’amour de Dieu me défend. Il a le pouvoir d’éveiller (de ramener) ce qui est mort à la vie – et il a le pouvoir de contrecarrer (déjouer) ma propre dureté de coeur.
L’histoire de la croix est nourrissante (édifiante). C’est pour cela que cette mort sur la croix vaut la peine qu’on s’y intéresse.

Parce qu’ici le Christ meurt pour que nous vivions avec lui. Parce qu’il comprend mon désarroi et m’aide à le porter.
Parce qu’il dit : „Aie confiance, je t’accompagne sur le chemin“, parce qu’il montre : à travers l’amour avec lequel je vais à la rencontre de l’autre et avec lequel les autres viennent à ma rencontre, surgit déjà quelque chose de la nouvelle vie que Dieu promet.

Cela est la nourriture dont nous avons besoin pour vivre et nos proches également.

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