Écouter le culte :
Nous vivons ce matin une très belle célébration grâce au chœur constitué pour chanter la Cantate de la Parole, et c’est un jour de fête pour nous ici à Echallens de partager notre culte avec vous, chers auditeurs, car cela n’était plus arrivé depuis quelques années.
Mais les lectures de ce dimanche viennent nous chatouiller en des endroits sensibles. Elles évoquent nos difficultés dans les contacts humains, elles évoquent une part d’ombre de nos personnes, de nos réactions dans nos relations.
Il y a la convoitise si bien décrite par Jacques : l’envie, le désir, l’herbe toujours plus verte dans le champ d’à côté. Cela fait écho à l’un des 10 commandements, donc, on peut dire sans trop risquer de se tromper que cet élan de la convoitise ne date pas d’aujourd’hui.
Paul, lui, répond à des problèmes d’exclusion, de ragot, de médisance, de colère à l’intérieur même du groupe des chrétiens. Je n’ai pas autrement besoin d’expliciter ces attitudes tant nous les expérimentons au quotidien dans différents groupes et tant nous savons que l’une ou l’autre fait partie de notre personne, de nos propres réactions.
Enfin, les disciples de Jésus se chamaillent pour savoir qui est le plus important parmi eux. Cette recherche de réussite n’est que plus présente aujourd’hui dans notre société de compétition hyper concurrentielle qui n’est pas loin d’affirmer : « Réussis ou crève ! »
Comme les disciples, nous préférons souvent nous taire et ne pas trop évoquer ce qui bouillonne en nous, nos parts d’ombres, nos réactions pas toujours idéales face à un collègue de travail, un voisin, un compagnon de chambre, un étranger, un autre conducteur, ou même au sein de ma propre famille et avec mes proches.
En ce jour de jeûne fédéral, je pourrais vous exhorter à pratiquer le jeûne de ces attitudes qui mettent à mal nos relations, qui nous séparent, nous éloignent les uns des autres. C’est ce qu’on pourrait avoir l’impression d’entendre dans les propos de Paul : allez, un petit effort, quelques bonnes résolutions et ça ira mieux. Mais, comme au réveillon, l’échec est alors programmé. Ce n’est pas par moi-même, par mes seuls efforts, mes bonnes résolutions que je vais éteindre le feu de la colère, de la convoitise, de la dictature de mon égo, du désir de dominer. Il faut une action qui vienne de Dieu.
Il ne suffit pas de dire, « y’a qu’à », y a qu’à vivre des sentiments de compassion, de bienveillance, d’humilité, de douceur, de patience. Le message pour ce jeûne fédéral du Conseil d’Etat vaudois met le doigt sur ce délicat passage à l’acte. Je cite : « Si énoncer ces valeurs est un acte fondamental, les vivre et les partager sont indispensables pour combattre l’intolérance et le fanatisme. L’harmonie de notre société repose en effet sur notre capacité d’écoute et de dialogue, mais aussi de partage pour que notre prospérité profite à toutes et tous. »
Et ce message de se référer au préambule de notre constitution vaudoise qui souhaite « une société mesurant sa force au soin qu’elle prend du plus faible de ses membres. »
Pour passer à l’acte, pour que notre critère premier soit le bien du plus faible, nous avons besoin de Dieu, besoin de ne pas nous en remettre juste à nos capacités et notre volonté. Cette action de Dieu, elle passe notamment par sa Parole. Ainsi Paul, face aux dysfonctionnements dans les relations, lance cet appel aux chrétiens de Colosse : « Que la Parole du Christ habite parmi vous dans toute sa richesse ».
Première question : comment réagiriez-vous si quelqu’un sonne maintenant à votre porte et demande s’il peut dormir chez vous ce soir ? Ceux qui se trouvent sur le chemin de St-Jacques de Compostelle connaissent parfois cette situation notamment du côté de la Broye, du Jorat, ou au bord du Léman.
Plus simplement, que ressentez-vous quand une personne demande à s’installer à votre table au restaurant, ou vient s’asseoir à l’église sur le même banc ou vient partager dans le LEB la courte banquette ?
Une parole qui habite, c’est une parole qui prend de la place, avec laquelle il faut compter, qui va influencer ma manière de vivre. Quand quelqu’un vient s’asseoir à côté de moi dans le train ou le bus, cela ne sera plus la même chose : est-ce que je me replie sur moi, est-ce que je me fais tout petit pour créer le maximum de distance avec l’autre ? Ou au contraire est-ce que s’établit un échange, un regard, une interaction, une proximité, voire même une parole.
Comment réagissons-nous quand la parole de Jésus, paroles des Evangiles, s’invite chez nous ? Quand elle vient habiter en nous ? Sommes-nous dans le retrait, l’indifférence ou au contraire le dialogue, l’ouverture, l’échange, la curiosité ? Quel était notre état d’esprit, tout à l’heure quand nous avons écouté les lectures de ce jour ?
Peut-être faut-il encore transformer le slogan de notre commune : « Echallens : un accueil, un art de vivre ». Au début de ce culte, nous en avons fait une confession de foi : « Dieu : un accueil, un art de vivre ». On peut ajouter le mot d’ordre suivant : « La vie chrétienne : un accueil, un art de vivre ».
La vie chrétienne, c’est un accueil de la Parole de Jésus, un accueil le plus large possible, le plus profond possible, le plus régulier possible.
Un accueil et un art de vivre, car la Parole du Christ, nous dit Paul, est pleine de richesses, de richesses pour notre vie, pour expérimenter l’art de vivre chrétien.
J’aimerais ce matin évoquer cette richesse avec les 5 titres que M. Claude Dubuis a donnés aux 5 parties de sa cantate, en lien avec notre manière d’établir des contacts.
Tout d’abord, il y a la Parole CREATRICE
Elle n’est pas castratrice, mais créatrice. La Parole n’est pas là pour interdire mais pour permettre. Ce n’est pas une parole d’abord du « ne-pas » mais d’abord du « tu peux ».
Cette dynamique créatrice, je l’entends dans ces premiers mots de Paul : « Puisque vous êtes élus, sanctifiés, aimés par Dieu, … » alors il y un rêve possible, un monde humain à vivre : la compassion, la bienveillance, l’humilité, la douceur, la patience - et on n’est pas du tout obligé de s’arrêter là en si bon chemin, la liste n’étant pas close !
Tu es élu, sanctifié, aimé par Dieu : tu as reçu de Dieu les ressources pour être créateur de vie, pour être créateur d’humanité, de l’humanité à l’image de Dieu en toi et autour de toi.
Tu es aimé, alors aime !
Tu es élu alors élis, élève, donne de l’importance à l’autre.
Tu es sanctifié, alors sanctifie, rends précieuse toute relation, toute personne que tu rencontres.
Ensuite, il y a la Parole INCARNEE
« Au nom de Jésus » dit Paul, « à cause de moi » dit Jésus. La Parole me relie à Jésus, c’est là que tout change, c’est en Jésus que surgit une vie nouvelle, nouvelle manière d’être, de vivre avec les autres : un art de vivre.
C’est ce qui se passe pour les disciples dans le récit entendu tout à l’heure. Les disciples discutent pour savoir qui est le plus important entre eux. Pas très brillant !
Jésus prend alors un enfant. Le mot « enfant » signifie à cette époque celui qui ne parle pas, donc celui qui n’existe pas (tout le contraire d’aujourd’hui). Il l’embrasse, signe très fort d’accueil et de reconnaissance, il le place au centre du cercle et il ajoute : « celui qui accueille cet enfant à cause de moi, c’est Dieu qu’il accueille. »
Pas besoin de grands discours : je vous laisse choisir qui vous placeriez aujourd’hui au milieu du cercle, celui qui est « sans », sans voix, sans papier, sans formation, sans réussite, etc. Celui qui l’accueille à cause de moi, dit Jésus, c’est Dieu qu’il accueille.
Remballés nos petits égos personnels. Remballées nos mesquineries, nos chinoiseries, dépassée cette focalisation sur moi qui oublie qu’aux yeux de Dieu chacun a la même importance.
Jésus est parole incarnée, concrétisée, accessible, parole faite chair. C’est au contact de Jésus, des évangiles, du Christ vivant, que mes réactions, ma manière d’entrer en relation peuvent vraiment évoluer et devenir nouvelles.
Passer du moi au nous, du tu au je. Du moi d’abord au nous ensemble ; du tu devrais, tu dois, au je m’implique, je m’engage.
Jésus est la Parole incarnée, engagée jusqu’au bout de l’amour, jusqu’à l’accomplissement de l’amour pour nous.
Suit la Parole ATTENDUE
Cela vous arrive peut-être d’attendre le repas de midi, de guetter une visite qui a promis de venir. Attendre, c’est être sur le qui-vive. Cette attitude, je la relie à tout ce que Paul évoque autour de la reconnaissance, très présente dans ces propos.
Vous avez peut-être entendu que les couples qui vivent heureux sont ceux qui expriment 10 fois, 20 fois par jour leur reconnaissance à leur conjoint. Est-ce que vous avez déjà essayé ? Pas évident du tout. Cela exige une grande attention à l’autre, à ce qu’il est, à ce qu’il fait, à ce qui a toujours été là comme aux nouveautés de chaque jour.
Cette étude scientifique devrait d’abord nous parler pour Dieu. Suis-je attentif à ce que Dieu m’a donné et me donne ? Ce qui est là depuis toujours comme ce qui est nouveau ? Suis-je admiratif devant ce qu’il est ? Est-ce que j’exprime qu’il compte pour moi ?
Etre reconnaissant, c’est s’attendre à l’autre et s’attendre à du bien de la part de l’autre.
La reconnaissance nous ouvre à accueillir la Parole, une parole de bien, une Bonne Nouvelle.
Le 4e titre est la Parole REVELEE
La Parole incarnée, c’est accueillir Jésus comme parole déterminante, transformatrice de la part de Dieu. Mais elle n’est pas donnée pour se cacher en moi, juste pour mon bien-être, mon usage personnel. Elle est donnée pour se révéler, se montrer aux autres.
C’est le but répété par Jésus dans les évangiles : que la parole incarnée en lui devienne révélée en nous. « Je dis cela pour que vous, vous … fassiez, alliez, agissiez ».
De l’espace de ce temple, de l’espace de cette heure de culte, comment la Parole de Jésus va se révéler dans l’espace public par ma vie ? Comment fera-t-elle partie de mes conversations, de mes idées, de mes avis, de mes réactions et de mes actes ?
Je rêve d’une progression virale… de l’un à l’autre, pas juste la parole du pasteur en chaire, mais la parole partagée, racontée, tweetée, peu importe, mais surtout transmise parce que cette Parole compte beaucoup pour moi. Parce que j’ai envie de la partager suite à son action dans ma vie.
M. Dubuis termine par la Parole VIVANTE
La Parole de Dieu, ce n’est pas une langue morte, stationnée dans la Bible, mais une langue vivante dans la dynamique de la résurrection de Jésus.
Ma vie chrétienne se fonde sur une parole écrite, mais elle vit du Souffle de l’Esprit qui m’associe aujourd’hui à la vie du ressuscité. La Parole, c’est une langue qui demande à être parlée, conjuguée dans le maintenant de mon existence.
Si je ne fais qu’étudier avec sagesse les mots de la Bible, elle risque de rester parole morte et muette. C’est dans le mystère de la résurrection que cette Parole devient vivante en moi, parlante et agissante en moi.
La Parole au matin de Pâques sort du tombeau, la pierre est roulée, la Parole n’est pas que des mots dans un livre, coincée entre des reliures, limitée par une page, mais elle est une force en action dans nos vies. Elle sauve, elle libère, elle unifie, elle relie, elle ouvre le possible de Dieu dans nos impossibles.
« Que la Parole du Christ habite parmi vous dans toute sa richesse. »
Que la Parole du Christ habite parmi nous comme parole créatrice, incarnée, attendue, révélée et vivante.
Voilà le mot d’ordre de cette cantate et je crois le mot d’ordre qui traverse les siècles pour le jour du Jeûne fédéral. Jeûner, c’est laisser la Parole de Dieu habiter en nous, oser compter sur sa richesse sans lui mettre de limites ou de freins.
Ce chemin pour que la Parole habite en moi passe par le fait de servir, nous dit Jésus, servir et non se servir. Il s’agit bien d’un chemin de jeûne, de simplicité, de conversion et d’accueil.
« La vie chrétienne, un accueil, un art de vivre » : qu’il en soit ainsi pour nous en laissant la Parole de Jésus habiter en nous avec toutes sa richesse.
Amen.
CANTATE DE LA PAROLE
1. La parole créatrice
Au commencement, la terre était informe et vide,
L’obscurité couvrait l’abîme.
Au commencement, l’Esprit de Dieu planait sur les eaux.
Dieu dit : « Que la lumière soit ! »
Et la lumière fut.
D’un mot, le Seigneur a créé le ciel,
D’un ordre, il a créé toute la troupe des étoiles,
D’un mot, il rassemble les eaux de la mer,
D’un mot, il retient prisonnier l’océan.
Il dit et la chose existe !
Il dit : elle apparaît !
Il dit : et tout est bien !
2. La parole incarnée
Au commencement existait déjà la Parole de Dieu,
Et la Parole était avec Dieu !
Et la Parole était Dieu !
La Parole a été faite chair : c’est le Christ le Seigneur,
Le Seigneur de la vie, le Seigneur de la lumière !
3. La parole attendue
Je devance l’aurore pour crier vers le ciel ;
Que mon cri te parvienne, ô mon Dieu, seul espoir ;
Ne laissant pas mon âme s’égarer loin de toi.
Sans se lasser, mon âme aspire à ton salut ;
Viens ouvrir mes paupières, viens éclairer mes yeux ;
Et qu’enfin, je contemple les merveilles de ta loi.
Tes paroles sont douces, si douces à mon palais ;
Mieux vaut ta Loi sacrée que mille objets d’argent ;
Je ferai mes délices de tes commandements.
4. La parole révélée
Qui me fera voir le bonheur ?
La Parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur,
Heureux ceux qui écoutent, heureux les yeux qui voient, heureux les vigilants.
Si tu veux aimer la vie et voir des jours heureux, préserve ta langue du mal !
Heureux ceux qui pardonnent, heureux ceux qui sont droits.
Prends soin des misérables, de celui qui est faible et qui souffre.
Heureux qui a soif de justice, qui a pitié des affligés.
Que toujours, tu recherches la paix. Heureux les doux.
5. Parole vivante
Dans ta Parole ô Dieu, je puise force et vie :
Elle est sur mon chemin le guide et le flambeau.
Elle est comme un soleil, dont la clarté bénie,
Dans l’ombre de la mort, fait luire un jour nouveau.
Ta Parole toujours me soutient dans mes luttes.
Quand le péché sur moi retrouve son pouvoir,
Par elle je suis fort, et même après les chutes,
Tu m’offres ton pardon et tu me rends l’espoir.
C’est un rempart que notre Dieu,
Une invincible armure,
Un défenseur victorieux, une aide prompte et sûre.
L’ennemi contre nous redouble de courroux ;
Vaine colère, que pourrait l’adversaire ?
L’Eternel détourne ses coups.
Que les démons forgeant des fers, menacent ton Eglise
Ta Sion brave les enfers, sur le rocher assise.
Constant dans son effort, en vain avec la mort,
Satan conspire pour briser son empire,
Il suffit d’un mot du Dieu fort.
Amen ! Alléluia !