L'Ascension: un «entre deux» habité

image

Écouter le culte :

NB : Ce culte était télévisé et la prédication accompagnée de supports visuels, dont une grande pierre (en sagex) couchée devant (1.80m de haut, 40cm de large, 50cm de profondeur). Cette pierre est dressée en cours de prédication, puis devient table de communion, un des côtés se baissant à l’horizontale.
-----------------------------------------------------------------------------------------------

Jacob est en fuite. Seul. Au moment où la nuit le surprend, il s’arrête dans un lieu indistinct qui n’a que des pierres à offrir. Elles se ressemblent toutes. Jacob en choisit une : ce sera son oreiller. Inconfort de l’entre deux… Jacob est seul comme nous sommes seuls lorsque nos relations avec les autres, avec Dieu, avec nous-mêmes sont brouillées. Une solitude où peut germer le sentiment d’abandon. Les disciples ont peut-être ressenti cela lorsque le Christ les a quittés.

Le silence qui enveloppe Jacob est favorable au ressassement des angoisses, des remords, des questions. Le silence qui habite Jacob est celui qui s’impose lorsqu’on ne trouve pas les mots pour dire son désarroi et que, de toute façon, il n’y a personne pour écouter et pour réagir. On connaît cela aussi!

Jacob se couche. Il est au bord du sommeil qui lui permet, pour un moment, de s’évader de cette vie où il a perdu tous ses points d’ancrage. Il est entre deux familles, celle de ses parents et celle de son oncle Laban. Il est entre deux lieux, Beer-Shéva et Harân. Il est entre deux identités : fils d’Isaac et père d’une nombreuse descendance. Jacob est flottant. Où trouver l’ancrage qui lui évitera de dériver, de rester fugitif, de devenir errant?

Le ciel s’ouvre. Une échelle est dressée. Des anges – ceux de Dieu – y circulent. Quelque chose s’anime dans la vie de Jacob. L’entre deux n’est pas un espace-temps seulement horizontal, un électrocardiogramme plat. Mystérieusement, dans l’entre deux, il y a des choses qui peuvent se passer : comme ces anges qui, nous dit le texte, « montent et descendent. » Ils ne partent pas du ciel, mais d’un homme couché dans un lieu anonyme. C’est le lieu où s’est arrêté Jacob. Ce peut être n’importe quel lieu : nos lieux de vie, nos lieux d’Église. À partir de là, les anges de Dieu tissent des liens avec le ciel.

Ce va-et-vient des anges me fait penser à des racines qui s’entremêlent. Comme si Dieu s’enracinait en l’homme pour l’inviter à s’enraciner en Lui. Des racines contre le flottement, des racines pour éviter la dérive.

Les anges passent… et Dieu parle : « Je suis le Dieu d’Abraham et d’Isaac. Ta descendance sera pareille à la poussière de la terre. Je lui donnerai cette terre où tu couches. » La Parole de Dieu relie le passé et l’avenir. Il y a un fil rouge dans l’histoire de Jacob. Son « entre deux » est relié à ce qui a été et à ce qui sera.

Les anges passent… et Dieu parle : « Je suis avec toi. » Encore mieux, et plus littéralement : « Moi avec toi. » Voilà une Parole-racine où puiser tout le nécessaire pour vivre : « Moi avec toi. »

Les anges passent… et Dieu parle : « En toi et en ta descendance seront bénies toutes les familles de la terre. » La Parole de Dieu renouvelle l’identité de Jacob et l’enracine dans une mission. Il est un faux frère, un rusé en fuite. Dieu voit en lui un passeur de bénédiction pour toutes les familles de la terre. Pour les autres, Jacob et sa descendance sont porteurs de la Vie de Dieu.

Juste avant de les quitter, le Christ aussi a renouvelé l’identité des disciples : maintenant, ils sont témoins de la Bonne Nouvelle auprès de toutes les nations. Il les a enracinés dans cette mission-là qui est aussi la nôtre.

Les anges ont passé. Dieu a parlé. L’ « entre deux » de Jacob est habité d’une Présence qui l’enracine et lui fait retrouver sa stabilité.

Jacob se lève et témoigne de son équilibre retrouvé: « Le Seigneur est ici, et je ne le savais pas ! » Celui qui dit « Moi avec toi » ne conditionne pas sa Présence à nos ressentis ou à notre connaissance. Mystère d’une Présence contre toutes apparences…

La parole de reconnaissance de Jacob s’accompagne d’actes concrets. Il nomme le lieu indistinct où il s’est arrêté : ce sera Maison de Dieu, lieu de la rencontre, de l’accueil mutuel et de l’engagement réciproque. Une Maison-racine!

Jacob s’était couché, la tête sur une pierre, dans la nuit, comme s’il n’en pouvait plus, comme si trop de poids le tirait vers le bas et empêchait ses pas. Nous sommes les soeurs et les frères de Jacob lorsque nous sommes mis à terre par :

L’échec et la honte,
le mépris des autres et de soi-même,
l’aveuglement et le jugement,
la peur et l’obstination,
le désintérêt et le fanatisme,
la culpabilité et l’arrogance.

------------------------------------------------------------------------------------------------
Au fur et à mesure que Marie-Claude Baatard prononce les mots, trois intervenants avancent et punaisent plusieurs billets sur la pierre, reprenant les expressions ci-dessus (échec et honte, mépris des autres…)
-------------------------------------------------------------------------------------------------

Voici, Seigneur, ce qui peut arrêter nos vies. Voici ce qui nous suspend et nous empêche de prendre pied dans ta Vie. D’une manière ou d’une autre, dis-nous la Parole-racine qui nous aidera à retrouver une relation apaisée, renouvelée et équilibrée avec Toi, avec les autres, avec nous-mêmes.

Dis-nous : « Moi avec toi ! Moi avec vous ! » et nous nous redresserons.

------------------------------------------------------------------------------------------------
Les intervenants dressent la pierre.
-------------------------------------------------------------------------------------------------

La verticalité de Dieu a croisé l’horizontalité de Jacob. Sa vie n’est plus réduite à une seule dimension. Il redresse la pierre sur laquelle il a dormi. Elle devient une pierre-signe-de-Présence, une pierre-rendez-vous-avec Dieu, une pierre-mémoire du passage ouvert entre ciel et terre.

La pierre ordinaire, choisie par Jacob pour en faire son oreiller, est devenue pierre de mémoire.
Le lieu indéfini et anonyme où Jacob s’arrête pour la nuit est devenu « Maison de Dieu. »

Nous sommes des croyants ordinaires. Nos lieux d’Église ne sont pas toujours bien repérables pour nos contemporains. On aimerait tellement faire mieux et plus. On aimerait tellement être plus spectaculaires aux yeux du monde, aux yeux de Dieu. Je nous rappelle que Jacob était un faux frère en fuite, que les disciples n’avaient pas tout perçu de Jésus leur Maître et qu’ils ont été un peu dépassés par ce qui leur arrivait.

Nous sommes donc « dans la ligne » ! Et pourtant, nous sommes témoins d’un Seigneur appelé « pierre vivante » par un de ses disciples qui n’a pas brillé par sa stabilité, c’est justement Pierre. Dans sa première lettre, au chapitre deux, il dit : « Approchez-vous du Seigneur, la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et jugée précieuse par Dieu. Prenez place vous aussi, comme des pierres vivantes, dans la construction du temple spirituel. »

Chers amis, nous nous trouvons ordinaires, indiscernables et peu glorieux… mais nous avons une place à prendre. Notre compagnonnage quotidien avec Jésus Christ, la pierre vivante, fait de nous, pierres ordinaires, des pierres vivantes destinées à être rassemblées pour constituer des communautés vivantes : des lieux d’accueil, ouverts et bienveillants, des lieux de rencontre avec Dieu et avec les autres, des lieux d’écoute et de réconfort, des lieux-passages entre terre et ciel, des lieux vivants où se partagera de mille manières différentes et sans modération, la Parole-racine de Dieu donnée à Jacob et renouvelée aux disciples par le Christ qui nous dit à nous aussi :

Moi avec toi. Moi avec vous.
Moi pour toi. Moi pour vous.
Moi en toi. Moi en vous.
Et vous, ensemble, faites ceci en mémoire de moi.

------------------------------------------------------------------------------------------------
Les trois intervenants ouvrent la pierre pour qu’elle devienne table de communion.

L'Ascension, ce n'est pas seulement un envol là-haut, mais aussi un envoi là-bas. Le ciel s'ouvre pour permettre aux anges de monter et de descendre; le ciel s'ouvre pour permettre au Christ de rejoindre son père. Mais l'être humain reste les deux pieds sur terre, debout pour continuer son chemin avec Dieu.
Et si l’Ascension se passait d’abord dans le fait de nous lever chaque matin... après une nuit de cauchemar ou de rêves délicieux? Et si c'était simplement commencer l’ascension de sa vie et de ses soucis en mettant sa confiance dans ce Dieu qui nous ouvre «la porte du ciel»?

Détails

Avec la participation de
François Baatard, Yann Wolff, Emmanuel Schmied, Marie-Claude Ischer, Lionel Schmied, Eden Delacrétaz et Eline André
Orgue
Mina Balissat
Musique
L'ensemble vocal féminin Callirhoé, sous la direction de Joséphine Maillefer.
Avec Lino Perdrix aux percussions, marimba et vibraphone, Jocelin Lipp à la basse, Pilar Benavides Campini au piano, Muriel Guignard et Julie Schafer au chant