Écouter le culte :
Bertrand Quartier :
Dis-donc, Jésus, il n’y va pas avec le dos de la cuillère…
Brigitte Blanc :
Oui, ça m’étonne de lui, un discours pareil. Où sont ces paroles de douceur, d’accueil, de bonté, d’amour ? Il devait être passablement
énervé, pour dire ça
Bertrand Quartier :
C’est vrai. Mais c’est sûrement à cause des disciples et de leur envie de savoir qui est le plus grand dans le royaume des cieux. Ça a dû l’agacer, Jésus…
Brigitte Blanc :
Sûrement. Lui qui essayait de dire et de montrer que tout le monde a de la valeur aux yeux de Dieu, voilà que ses propres disciples se disputent pour être le plus grand.
Bertrand Quartier :
Bon, mais quand même : mettre une pierre au cou et noyer quelqu’un, c’est une punition barbare.
Brigitte Blanc :
Et se couper la main, le pied, ou s’arracher l’œil si on a fait faux, c’est aussi un retour à « œil pour œil, dent pour dent ». Moi je pensais que Jésus voulait dépasser cette vieille manière de rendre la justice.
Bertrand Quartier :
Peut-être que Jésus, avec ses mots, voulait secouer ses disciples. Il a exagéré pour qu’ils l’écoutent et qu’ils se rendent compte de leur vanité.
Moi aussi, parfois, quand je suis énervé avec mes enfants, mes propos dépassent un peu ma pensée. Quand on dit : « si tu ne m’obéis pas, la police va venir te gronder » ou « si tu ne finis pas ton assiette, l’ogre va venir te manger », ce sont des conséquences ou des punitions irréalistes, excessives.
Brigitte Blanc :
Attends ! Si on lit bien le texte, Jésus ne dit pas, « si tu fais chuter un plus petit, voilà ce qui va t’arriver ». Ce n’est pas une punition !
Il dit : « Si tu détournes de Dieu un plus petit, il vaudrait mieux qu’on te mette une pierre au cou et qu’on te noie. » En fait, il dit que c’est très grave de détourner un petit de Dieu.
Bertrand Quartier :
Oui, mais c’est qui, un petit ?
Brigitte Blanc :
Ta question me fait penser à une histoire :
On demanda un jour à une maman lequel de ses enfants elle préférait. Elle a répondu :
« Celui de mes enfants que je préfère…
C’est le plus petit… jusqu’à ce qu’il grandisse.
C’est celui qui est loin… jusqu’à ce qu’il revienne.
C’est celui qui est malade… jusqu’à ce qu’il guérisse.
C’est celui qui est prisonnier… jusqu’à ce qu’il soit libéré.
C’est celui qui est éprouvé… jusqu’à ce qu’il soit consolé. »
Alors un petit, c’est peut-être quelqu’un qui croit comme un enfant, et pas comme un disciple ? C’est quelqu’un qui ne cherche pas à savoir s’il est le plus grand, mais qui croit, dans sa fragilité, que Dieu l’aime comme il est, comme une maman.
Bertrand Quartier :
Ah oui, tu veux dire que c’est quelqu’un qui croit à l’histoire du bon berger, celle que raconte Jésus ensuite. Peu importe que le mouton perdu soit petit, le berger va le rechercher car il l’aime autant que tous les autres.
Brigitte Blanc :
Oui, ça c’est l’histoire qui finit bien. Mais les petits n’ont pas l’air de se perdre tout seul ; ils se perdent à cause des grands. Alors je comprends que Jésus veut mettre en garde ceux qui se croient grands.
Bertrand Quartier :
Ceux qui se croient grands ?
Brigitte Blanc :
Ben…
Peut-être qu’on se trouve grand chaque fois qu’on pense qu’on est dans le juste, dans la vérité.
Peut-être qu’on se trouve grand chaque fois qu’on use de force ou de pouvoir pour manipuler ou se servir de quelqu’un.
Peut-être qu’on se trouve grand chaque fois qu’on regarde de haut ou de travers quelqu’un qui ne pense ou ne croit pas comme nous.
Bertrand Quartier :
Nous… tu veux dire : nous ?
Brigitte Blanc :
Oui, toi, moi. Mais aussi notre communauté, la paroisse, l’église.
Est-ce que notre manière de croire, de célébrer, d’accueillir, permet à quelqu’un qui cherche Dieu de s’en approcher ?
Et puis, je dirais même plus, comme disent les Dupondt : est-ce qu’une personne qu’on croit petite ne serait pas plus proche de Dieu que nous ? Jésus le dit : « Ne méprisez pas les petits, leurs anges dans les cieux voient constamment le visage de Dieu. »
Bertrand Quartier :
Leurs anges ?
Brigitte Blanc :
Leurs anges, oui… On pourrait dire que leur ange, c’est cette partie d’eux qui est déjà en relation avec Dieu. Leur cœur, leur âme, leur spiritualité les met en contact avec Dieu. Ou, plus justement, que chacun, chacune a, auprès de Dieu, un ange qui le représente, qui le met en relation.
Les petits sont petits, mais leur ange est près de Dieu. Ce n’est pas rien, ça…
Bertrand Quartier :
Un ange même pour les petits… ça veut dire que nous devons être attentif aux petits parce que Dieu est particulièrement proche d’eux ?
Brigitte Blanc :
Oui, bien sûr. Pourtant, je pense que les grands aussi ont un ange près de Dieu. Peut-être que leur grandeur les empêche justement de le voir…
Bertrand Quartier :
Alors la responsabilité des grands, c’est d’accueillir et intégrer ces soi-disant plus petits?
Brigitte Blanc :
Oui. Et en tout cas de ne pas les rejeter et les perdre par des comportements jugeants, hautains, présomptueux, abusifs…
Je pense que les grands, ce sont par exemple ceux qui sont leaders, qui prennent des responsabilités dans la communauté : un ancien, une conseillère de paroisse, un pasteur, une diacre…
Ce sont ceux et celles qui paraissent avoir une foi tellement solide qu’ils découragent les autres d’y arriver. Ces personnes ont un certain pouvoir, et ce pouvoir amène des responsabilités.
Bertrand Quartier :
Ah, oui ! « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités », c’est Spiderman, le superhéros, qui rappelait ça…
La loi du plus fort, ce n’est pas écraser les autres : c’est être justement attentif à tous, aux plus petits, pour que chacun ait sa place, que personne ne soit rejeté. Quand on a un pouvoir, une responsabilité, c’est vite fait de mettre en œuvre des rapports de force. Parfois, c’est même parce qu’on a besoin d’être aimé qu’on prend le pouvoir.
Être responsable, c’est donner sa place à tout le monde. Et ce n’est pas facile dans une communauté de faire de la place – vraiment – pour tout le monde.
Il y a toujours quelqu’un avec qui j’ai plus de peine, quelqu’un qui dérange ce que je connais, quelqu’un qui pose toujours les mêmes questions, qui a toujours les mêmes doutes malgré mes explications, quelqu’un qui prend la Bible au pied de la lettre, quelqu’un qui n’est pas comme il faut sur lui…
Brigitte Blanc :
Mais justement, c’est aussi la responsabilité du berger, de ne pas laisser de côté les plus petits.
Attends-voir… En fait : est-ce qu’on pourrait tous et toutes être des bergers ?
Bertrand Quartier :
C’est intéressant, ça ! Oui, sans doute qu’en communauté, c’est le rôle de chacun, de chacune, de veiller aux plus petits. Déjà parce qu’on pourrait nous aussi être parfois la plus petite, le plus petit. Dans nos périodes de doute, de fragilité, ou de rejet de Dieu.
Les fois où on est remis en place ou déstabilisé par quelqu’un qui a l’air de savoir.
Les fois où on n’ose pas exprimer ses questions sur Dieu, sur la foi.
Les fois où la vie nous chahute.
Brigitte Blanc :
Et dans ces moments-là, il est bon de savoir qu’un berger ou une bergère va venir nous rechercher ! Quelqu’un qui tient à nous et qui est prêt à tout lâcher pour nous venir en aide.
Bertrand Quartier :
Mais on peut aussi se retrouver en position de force : par nos responsabilités, par notre assurance. Alors c’est à notre tour de faire attention à ne pas exclure, ne pas éloigner, ou même perdre quelqu’un par notre conviction.
Brigitte Blanc :
C’est vrai, on peut être parfois en position de force, et parfois en position de faiblesse. Les grands ne sont pas toujours grands, et les petits pas toujours petits ; ça peut être nous à différents moments.
Bertrand Quartier :
Oui, c’est pourquoi, quand on se sent fort, on a la responsabilité d’une vie communautaire qui intègre tout le monde. Et quand on se sent faible, on a l’assurance que quelqu’un va prendre soin de nous.
Brigitte Blanc :
C’est l’image d’une communauté idéale, ça !
Bertrand Quartier :
Oui, mais c’est la volonté de Dieu, dit Jésus : «Que pas un seul de ces petits se perde.»
Cela nous pousse à être absolument attentif aux autres, pour ne pas laisser quelqu’un en arrière, isolé.
Brigitte Blanc :
Et aussi, si on reprend le début du texte, cela nous pousse à nous débarrasser de ce qui nous empêche cette attention.
Couper nos mains qui peuvent faire du mal, nos pieds qui peuvent nous faire suivre un mauvais chemin, arracher nos yeux qui peuvent regarder de haut et blesser : c’est en fait changer de comportement, d’attitude, changer de manière d’être et de voir.
Bertrand Quartier :
Et si on reprend la fin du texte, c’est que, même si on n’y arrive pas, même si on se perd, le Berger est toujours là pour venir nous rechercher.
Brigitte Blanc :
Les paroles dures de Jésus au début de ce texte de Matthieu 18 sont difficiles à entendre. Elles sont exigeantes.
Bertrand Quartier :
Mais lui aussi, c’est un humain. Il sait bien que chacun de nous, petit ou grand, peut tomber dans les pièges de la vie.
Brigitte Blanc :
Alors il nous offre le modèle du berger : celui qui fait chaque fois l’effort de venir nous rechercher quand on ne sait plus où on est.
Plutôt que la punition, la pierre au cou ou la mutilation, c’est le pardon et la grâce d’être retrouvé qui nous sont offerts.
Ensemble :
Amen !