Écouter le culte :
C’est probablement une bonne chose que le lectionnaire nous invite, en cette année si particulière, à célébrer Noël avec les mots de Jean. Car c’est peut-être en ces temps, plus que d’autres années, que nous pouvons mettre des images concrètes sur ce que veut dire « cette ténèbre ». Après avoir vécu le confinement, les deuils, l’incertitude quant à l’économie, la peur de ce qui vient, cette sensation de ne plus rien contrôler, nous voyons à peu près ce que peut être l’obscurité.
Mais alors, comment comprendre cette lumière qui nous rejoint au cœur de cette obscurité ? Pour vous parler de Noël, du commencement de cette grande histoire, de ce qu’elle représente pour l’humanité, on pourrait aussi mettre des mots sur ce qu’on peut comprendre de l’œuvre de Dieu – et on reste bien humain – mais aussi sur qui est Dieu, profondément.
Cet évangile nous parle de lumière et de ténèbres. Et j’aimerais insister sur le fait qu’il ne parle pas d’une lumière. S’il disait : « une lumière vient », on pourrait dire qu’il y a plusieurs lumières et que ce qui compte, c’est de trouver finalement celle qui nous convient. Au passage, ça simplifierait pas mal de choses par rapport au pluralisme de nos sociétés.
La Bible pourrait simplement être considérée comme un livre de bien-être, qu’on pourrait trouver au rayon des sagesses. Mais non ! Si on se place dans ce point de vue, alors qu’est-ce que ça dirait de Dieu ? Ça voudrait dire qu’il n’a jamais vraiment donné à l’humain une façon sûre et pleine de le connaître, de l’accueillir et de vivre avec lui. Ça voudrait dire qu’il n’a pas cherché vraiment à construire quelque chose avec nous. Ça voudrait dire qu’il n’est qu’un principe créateur qui se fiche un peu de ce que l’on vit au fond.
Eh bien, ce que nous célébrons à Noël, c’est exactement l’inverse. C’est l’annonce que Dieu a un espoir pour ce monde ; un projet pour l’humanité. Je dirais même, un projet pour chaque humain : pour toi, pour moi, pour lui, pour elle. Et parce qu’il a un espoir, il nous donne sa lumière, la vraie lumière, celle qui éclaire tout humain. Voici ce que nous dit ce texte, voilà comment il nous raconte Noël.
Mais de façon très juste, il nous dit, et d’ailleurs il insiste à trois reprises, et nous dit que la lumière brille dans les ténèbres et que les ténèbres ne l’ont pas reçue. Il nous dit que cette lumière était dans le monde et le monde a été fait par elle, mais le monde ne l’a pas connue. Il nous dit que cette lumière est venue chez les siens et les siens ne l’ont pas reçue.
Pourquoi tellement insister là-dessus ? Effectivement, je le crois, de bien des façons, le projet de Dieu pour cette terre, sa volonté n’est pas toute faite. Il nous offre quelque chose d’incroyable, mais, souvent, nous passons à côté. Et je dirais, en particulier, partout, on cherche à vivre comme si gagner de l’argent et assouvir ses désirs était le seul bien que l’on puisse attendre de cette vie – la seule mission qui vaille la peine d’être suivie comme s’il n’y avait pas d’autre sens à nos existences. Mais justement, Noël, c’est exactement l’inverse.
A tous ceux qui l’ont reçu, à ceux qui croient en son nom, cette véritable lumière a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Elle nous annonce qu’ils ne sont pas nés de sang. Alors bien sûr, chacun est descendant d’une lignée humaine qui remonte jusqu’au premier homo sapiens, mais nous sommes infiniment plus.
Elle nous annonce qu’ils ne sont pas nés de la volonté de la chair. Alors bien sûr, un homme et une femme qui se désirent, parfois, ça crée la vie. Mais notre raison d’être sur terre est autrement plus grande.
Elle nous annonce qu’ils ne sont pas nés d’une volonté humine. Bien sûr, il y a le désir d’avoir des enfants, celui de fonder une famille, de prendre soin de la vie. Mais la volonté qui nous a vraiment désirée est encore bien plus grande. Elle nous annonce que ceux-là sont nés de Dieu.
Donc oui, ce qui en découle, c’est que nos vies ont un sacré sens, un sens particulièrement sacré qui dépasse autrement celui de simplement gagner de l’argent et assouvir ses désirs. Oui, notre vie a ce sens : être filles et fils du Dieu vivant.
Alors la question, c’est : comment faire pour recevoir cette lumière ? Comment faire pour ne pas être de ces ténèbres qui ont vu la lumière passer, mais qui n’ont pas su la recevoir, qui n’ont pas su la garder, qui n’ont pas su l’attraper ?
Ces ténèbres, on peut les nommer : la peur de la nouvelle souche du coronavirus, la peur des effets secondaires encore inconnus du vaccin qu’on nous propose, la peur de l’effondrement de notre économie, la peur de l’effondrement de notre modèle de société, la peur du changement climatique et de tout ce qu’il implique.
La peur d’une dérive autoritaire du pouvoir comme ce qu’on voit aujourd’hui avec les Ouïghours en Chine, la peur d’un clivage croissant des sociétés comme ce que les élections américaines nous ont montrées, toujours excité par les médias sociaux. Ces clivages qui pourraient aboutir à des conflits sanglants, comme ce qui se vit actuellement en Éthiopie. L’accueil du mal que peut faire l’orgueil des hommes et des femmes de pouvoir qui veulent s’affirmer en écrasant les autres, comme ce qui a créé la guerre au Karabakh.
Ou plus simplement, la peur de perdre quelqu’un de cher, la peur de manquer, la souffrance d’une maladie, d’une séparation, d’un conflit dans une famille. La souffrance de voir un être cher qui va mal.
Toutes ces peurs, toutes ces souffrances sont nos ténèbres. Alors comment recevoir la vraie lumière pour qu’elle les éclaire ?
Il fallait donner un titre pour la radio au mot qu’on allait dire, et j’ai dit : « Tuto do-it-yourself (DIY) », donc, « Un tutoriel ‘faites-le vous-même’ : comment devenir un attrapeur de lumière. » Et ça se compose en deux points.
Le premier point pour devenir un attrapeur de lumière, eh bien, tout simplement, il faut arrêter de la fuir. Plus loin dans l’évangile selon Jean, au chapitre 3, on apprend que la lumière est venue dans le monde – à nouveau, on le répète – et que les humains ont préféré les ténèbres à la lumière parce que leurs œuvres étaient mauvaises.
Je crois que ça nous parle de bien des façons. On voudrait tous être des bénédictions de Dieu, on voudrait tous sa lumière sur nos vies, on voudrait tous, finalement, vivre de cette plénitude qu’on lui associe, cette plénitude qu’il peut donner. Oui, mais, est-ce qu’on est aussi prêt à ce que cette lumière, elle éclaire aussi cette partie-là de notre vie ? Là, je fais le pari que chaque auditeur peut très bien voir de quelle partie on parle.
On a tous une part de nos vies pour laquelle notre conscience nous accuse : quelque chose faite de compromis dont on n’est pas forcément fier et qu’on ne voudrait pas trop exposer à la lumière de Dieu. Du coup, parfois, on en vient à souhaiter un Dieu aussi plein de compromis pour donner sa lumière au bon endroit, sans toucher à nos ténèbres. Peut-être c’est seulement moi, mais je pense que ce sentiment, il est partagé par plusieurs.
Alors, ne pas fuir cette lumière, c’est accepter de s’exposer, et bien même si ça fait mal. Et quand on s’expose, on se découvre pécheur. Et là, je voudrais dire combien j’aime ce mot « pécheur » ou « péché ». Oui, je trouve que c’est un mot absolument important, et au-delà de toute provocation, c’est pour moi une très bonne nouvelle qu’annonce la Bible. Le fait que Dieu se soucie de nos péchés, ça veut dire qu’il se soucie de notre justice. Ça veut dire qu’il attend quelque chose de nous. Ça veut dire qu’il est un Dieu de justice. Parce que si Dieu s’intéresse à nos péchés, oui, ça veut dire qu’on est capable de ne pas pécher. Ça veut dire qu’on est capable de pratiquer la justice. Il aurait pu être comme les dieux grecs ou plein d’autres religions qui se soucient seulement du culte qu’on lui rend et qui nous laisse faire ce qu’on veut et qui ne se soucie pas de la justice qu’on vit entre nous sur cette terre. Mais non ! Ce n’est pas là le Dieu dont nous parle la Bible.
La Bible nous parle de A à Z d’un Dieu qui aime la justice, d’un Dieu qui est justice et d’un Dieu qui nous conduit sur le chemin de la justice. Alors forcément, la Bible nous parle d’un Dieu qui nous sait pécheurs, qui dénonce le péché et nous invite à le voir en face, ce péché, pour le dépasser.
C’est parce que nos actes et nos pensées ont de la valeur pour Dieu qu’il ne s’en fiche pas et qui, du coup, nous invite à la repentance. Dieu espère en nous, Dieu compte sur nous. Dans son alliance, Dieu fait un partenariat avec nous. Par contre, ça sous-entend qu’il faut s’accepter. S’accepter comme imparfait.
D’ailleurs, dans l’histoire, des parfaits, il n’y en a pas eu beaucoup. La seule chose qu’il faut, c’est accepter nos imperfections, les regarder en face pour pouvoir avancer avec lui dans sa lumière. Donc accepter que sa lumière éclaire ces parts de ténèbres qui sont en nous, nos compromis et cette fameuse zone sur laquelle on ne voudrait pas trop de lumière.
Dieu n’est pas plein de compromis. Par contre, il sait que nous sommes humains. Il sait qu’on peut être plein de compromis et pourtant il nous aime. Il nous veut du bien et il nous propose sa lumière. Et si on veut se rassurer finalement, on n’a qu’à voir les disciples que Jésus a choisis. La Bible nous les présente, eux aussi, pleins de compromis, pleins de mauvaises pensées, pleins d’orgueil qui veut la place du premier, qui sont très prompts à dire : « Oui, on t’aime Jésus ! », et très prompts aussi à l’abandonner au moment où c’est le plus difficile.
Non, je crois que Dieu écrit son histoire avec des humains pécheurs. C’est très clair, il faut juste que nous arrivions à voir ce péché avec la lumière de Dieu. Et ça sous-entend, se repentir et accepter son pardon.
Mais Noël, ce n’est pas seulement se reconnaître pécheur et confesser ses péchés. Là, ce serait un peu comme si on s’était arrêté à Jean-Baptiste et cette voix qui crie dans le désert : « Préparez le chemin du Seigneur, convertissez-vous, produisez des fruits dignes de ce à quoi vous êtes appelés. »
Non, Noël, c’est aussi recevoir et accepter cette incroyable nouvelle : Dieu nous rejoint.
La lumière qui était là au commencement de toutes choses et par laquelle toutes choses furent faites, nous a rejoint et elle nous dit que nous sommes enfants de Dieu, nés de sa volonté.
Et là, on arrive à ce deuxième point du tutoriel : vivre vraiment cette vérité. Il y a quelque chose de très clair avec Jésus, c’est qu’il nous parle toujours d’écouter sa parole et de la mettre en pratique. « Celui qui écoute ma parole et la met en pratique sera semblable à un homme avisé qui construit sa maison sur le roc. » Voilà ce qu’il nous dit dans l’évangile selon Matthieu. Et dans l’évangile selon Jean, un peu plus tard, toujours dans le chapitre 3, il nous dit que celui qui agit selon la vérité vient à la lumière.
Et la vérité, c’est que ça n’est ni l’argent, ni l’assouvissement de vos désirs qui font le sens de vos vies. La vérité, c’est que, que vous soyez malade ou en bonne santé, handicapé ou sportif de haut niveau, que vous ayez décroché les plus grandes récompenses de ce monde ou que vous ayez l’impression d’être un loser, que vous soyez persécuté par votre gouvernement à cause de votre foi, que vous soyez un occidental privilégié qui vit dans un monde globalement libre, que vous soyez prospère ou que vous soyez dans le besoin, vous êtes issu de la volonté de Dieu. C’est ça votre vraie identité, votre bien le plus précieux.
Alors voici les deux points de ce tutoriel : accepter de se reconnaître pécheur pour recevoir le pardon et accepter qu’on est enfant de Dieu et vivre avec ce que cela implique, le mettre en pratique.
Chercher la justice des enfants de Dieu, des enfants de ce Dieu de justice, chercher à cultiver la foi, l’espérance, l’amour de ce Dieu qui donne sur cette terre déjà des trésors célestes, qui nous permet de cultiver dans ce monde des choses qui ne passeront pas.
Parce que, de bien des façons, en paroles et en exemples, c’est bien le chemin que nous a montré Jésus. C’est là, la vérité qui éclaire nos existences. C’est là, la vie qu’il nous appelle à vivre.
Alors acceptons de vivre avec cette lumière.
Amen.