Foi et famille: dépasser ses convictions

©Alexandra Urfer Jungen

Écouter le culte :

Christine Hahn (CH) :
Chers paroissiens et paroissiennes, chers auditeurs et auditrices,

Voilà Jésus qui sort de chez Jaïrus et se rend à Nazareth, dans son village. Quel contraste ces textes nous offrent. La semaine dernière nous avons réfléchi sur la foi de Jaïrus et la foi de la femme guérie. Cette semaine, nous sommes confrontés à l'incrédulité de ses amis.

Nous avons encore en tête cette femme, atteinte d'une perte de sang, proche du désespoir qui a saisi sa chance, qui a osé toucher le vêtement de Jésus et recevoir la guérison de son mal. Non seulement elle a été rétablie dans sa santé, mais elle a pu réintégrer pleinement sa communauté dont elle était exclue par son impureté. Quel miracle !

Nous avons encore en tête Jaïrus qui a cru que Jésus pouvait guérir sa fille malade et qui a continué de croire alors qu’elle était morte.

Nous avons encore en tête Jésus qui répond à la foi et opère des miracles. Nous restons bouche bée devant son pouvoir et sa puissance.

Nous voici aujourd'hui parachutés dans la ville de Jésus, dans le lieu où il a grandi et travaillé, dans la communauté avec laquelle il a partagé son enfance et sa jeunesse. Avec les récits précédents de l'évangile et la renommée du Christ dans la région, nous pourrions nous attendre qu’il soit accueilli et fêté comme un héros, comme un champion qui ramène une médaille olympique. Mais c’est le choc : sa famille, ses amis, ceux qui le connaissent depuis toujours ne croient pas en lui, refusent de reconnaître Dieu en lui et par leur manque de foi, empêchent Jésus d’agir. Quelle tristesse.

Bruno Eichenberger (BE) :
C’est peut-être justement parce qu’ils le connaissaient d’avant que les gens de sa ville ne l’ont pas cru. Comment celui qui a grandi avec eux, avec lequel ils ont joué dans la rue, peut-il tout-à-coup devenir prophète? Et les personnes âgées, qui l’ont vu courir dans leurs pattes quand il était petit et faire les 400 coups avec ses copains, comment pourraient-ils comprendre que maintenant c’est le Messie, celui qui devait venir ?

Ils l’ont connu avec sa famille, comme charpentier qui venait construire ou réparer des objets dans leurs maisons. Comment croire que maintenant il peut venir les toucher et guérir leurs cœurs ?

Ils l’ont vu arriver comme quelqu’un parti du village pour un temps et qui revient maintenant à la maison. Rien n'a changé, tout est pareil. Ils pensaient que son absence ne laisserait pas de trace, que leurs relations seraient les mêmes qu’avant, comme si rien ne s'était passé. Nous savons tous qu'après une longue absence rien n'est jamais pareil. Il faut du temps pour s'apprivoiser à nouveau.

Les gens de sa ville ont comparé Jésus à sa famille, comme un prof compare les petits frères et sœurs aux grands qu’ils ont déjà eus dans leur classe. Si Jean était bon, ils s’attendent que Mathilde le soit aussi et si Nicole ne comprenait rien, ils n’attendent pas grand-chose du petit Pierre. Les gens de Nazareth comparent Jésus à son père, sa mère, ses frères et sœurs. Ils connaissent toute la famille comme des gens « normaux », intégrés dans la société, alors Jésus se doit d’être pareil, il n’a pas le droit de décadrer.

CH :
C’est une bonne manière de voir les choses et il y en a encore d’autres. Les gens du village veulent maîtriser la personnalité de Jésus. Ils connaissent son caractère, ses forces, ses faiblesses et ses passions. Ils veulent se rassurer en mettant Jésus dans la case « famille du charpentier ». C'est confortable de savoir, de connaître et de maîtriser.

Peut-être que certains sont aussi jaloux parce que Jésus a osé quitter le village, faire sa vie, devenir célèbre et ils regrettent de ne pas avoir fait pareil. Peut-être que maintenant, eux seraient à sa place. Leur jalousie les empêche de se réjouir avec Jésus et ses disciples.

Tout cela : la comparaison, la volonté de maîtrise, la jalousie les a conduits à l’enfermement. Ils se sont coincés dans leur propre système, ils ont érigé une barrière entre eux et Jésus, entre leur propre conception, leur volonté, et la réalité nouvelle qui se présente à eux. Cela les a conduit à l'incrédulité – quel malheur !

Comment sortir de cette impasse ? Comment sortir de nos limites ? Comment ne pas nous laisser enfermer dans nos croyances ? Comment entrer dans la foi ?

BE :
Jésus a dit : « Un prophète n’est méprisé que dans sa patrie, parmi ses parents et dans sa maison ». Pour sortir de l'impasse il nous faut ouvrir les yeux et reconnaître Jésus. Nous pouvons choisir de ne pas comparer, de ne pas nous fier à ce que nous pensons savoir et considérer la personne en face de nous telle qu’elle est maintenant.

Par exemple, si un ancien prisonnier en réinsertion dénonce une injustice, nous pouvons choisir de le considérer comme un citoyen honnête plutôt que de ne voir que son passé de criminel. Osons dépasser les préjugés et apprendre la confiance !

La foi, c’est également accepter de ne pas tout maîtriser. Comme nos parents quand ils nous laissaient aller dormir chez des copains. Ils espéraient que leur éducation était assez bonne et que nous ferions preuve de politesse et d'un comportement respectueux. Mais ils ne pouvaient pas vérifier, ils pouvaient seulement faire confiance.

Est-ce que tu vois encore autre chose ?

CH :
Bruno, te souviens-tu de votre réponse quand nous avons discuté des questions que les gens posent dans le texte ?

BE :
Nous t’avons dit qu’elles sont inutiles, qu’elles n’apportent rien, que ce sont des commérages !

CH :
Moi, j’ai fait l’exégèse du texte et je sais que ces questions sont pertinentes, qu'elles ont tout leur sens car elles nous apprennent la position des gens de Nazareth, elles nous rappellent que Jésus n’a pas une formation glamour, qu’il n’est pas intellectuel.

En posant leurs premières questions, « D’où lui vient cela ? Quelle est cette sagesse, ce pouvoir d’accomplir des miracles ? », ils posent la question fondamentale de savoir qui est Jésus. Rien que ça ! Cette question traverse tout l’évangile de Marc. La révélation de Jésus comme Dieu lui-même qui vient sur terre pour révéler le Royaume, pour montrer à ses disciples et à nous que Jésus nous échappe toujours, qu'il dépasse constamment notre compréhension. L'évangile nous révèle qu'en Jésus, Dieu lui-même va aller jusqu'au bout, jusqu'à la mort sur la croix pour nous donner la vie.

Alors quand vous m'affirmez que ces questions ne sont que commérages, j’avoue que la tentation était grande de dénigrer votre réponse d’agir comme les gens de Nazareth, d’estimer que vous êtes jeunes, que vous n’avez pas fait de théologie et que vous n’avez pas compris. Mais j’avais aussi le choix de me laisser interpeller par vos réponses, de me laisser bousculer, de réfléchir à ce que j’avais compris.

J’ai réalisé que vous avez eu le courage d’interpréter, de comprendre que les meilleures questions peuvent conduire dans une impasse, qu’elles peuvent confirmer nos propres croyances et nous empêcher d’avancer. Car c’est effectivement ce qui arrive ici.

Mais je me suis aussi rendu compte que les questions que nous nous posons, ces questions importantes de qui est Jésus, comment peut-il agir dans ma vie, doivent être encouragées et nous conduire à nous ouvrir à ce Jésus qui nous échappe. Nous pouvons lui confier nos interrogations, nos étonnements, nos incompréhensions, nous ouvrir à lui et nous laisser conduire à la foi.

BE :
Dans notre préparation, nous avons proposé comme message central : « la foi, c’est se faire sa propre opinion malgré tout ce qu’on entend ». Nous rejoignons donc ce que tu viens de dire. En réfléchissant par nous-mêmes, avec un esprit ouvert, nous pouvons découvrir une nouvelle parole de Dieu, nous pouvons apprendre à connaître Jésus comme il est vraiment. Nous apprenons à comprendre sa parole qui nous touche, nous transforme et nous guérit comme Jésus a touché le cœur des gens pour leur révéler l’amour de Dieu.

CH :
Dans ce texte au premier abord décourageant, nous découvrons la puissance du Christ. Il y a deux semaines, nous avons parlé de la tempête apaisée et du défi pour les disciples de concevoir Jésus comme Dieu. Pour les habitants de Nazareth le défi reste le même. Réaliser que Jésus dépasse leur compréhension qu’il n’est pas seulement le fils du charpentier, mais bien le Messie, le Sauveur rempli de sagesse capable de transformer les vies.

Aujourd’hui nous connaissons Jésus le Ressuscité, celui qui est vivant, qui nous parle et nous transforme. Comme les disciples et les gens de Nazareth, Jésus se révèle toujours à nous de manière nouvelle, en bousculant ce que nous croyons savoir, nous obligeant à toujours rester à l’écoute de sa parole et de son amour pour laisser nos vies être transformées à son image.

BE :
Jésus nous appelle à la foi, à accepter qu’il nous dépasse, que nous ne pouvons pas le maîtriser. Il est le Dieu vivant qui transforme nos vies. Peu importe que ce soit un apprenti menuisier, une pasteure ou quelqu’un d’autre qui nous parle de lui, et tente d'expliquer sa Parole. Jésus trouve toujours le moyen de nous atteindre au fond de nous-mêmes. Nous pouvons nous ouvrir à son amour recevoir sa paix et sa joie.

CH & BE :
Et ça c’est une vraie bonne nouvelle !

Amen !

La famille de Jésus n'arrive pas à croire à son ministère, ni à reconnaître en lui le Christ. Malgré l'enseignement du Royaume qu'il prodigue, ses proches en restent à la connaissance de celui qu'ils ont vu grandir dans leur voisinage. Dans notre volonté de maîtrise, nous aussi éprouvons de la difficulté à reconnaître les actions de Dieu.

Détails

Avec la participation de
Bruno Eichenberger pour la prédication, Aurélie Robert-Nicoud pour la prière de louange, Julien von Allmen pour les lectures et l'intercession (moniteurs du groupe pour ados, Tourbillon)
Orgue
Maryclaude Huguenin
Musique