Culte de Pâques télévisé, en Eurovision, de la Collégiale de Neuchâtel

Collégiale de Neuchâtel (© yves-andre - Ville de Neuchâtel)

L’aube de l’espérance

Florian Schubert : Introduction

Chers frères et sœurs,

Pâques fait irruption dans nos vies et nous chamboule, ce n‘est pas un événement hors du temps et dans un monde meilleur, mais bien un moment où Dieu se montre dans nos angoisses et nos tombeaux et où il montre la toute-puissance de son amour et du bien. Mais pour nous permettre de le comprendre, il crée un lien particulier avec chacun et chacune et cela commence déjà le matin de Pâques où il rencontre trois personnes : Marie Madeleine, Pierre et Jean. Mettons-nous à l‘écoute de ces trois premiers témoins de la résurrection.

 

Eva Lefèvre : Marie Madeleine

Marie Madeleine arrive au tombeau très tôt le dimanche matin, il fait encore nuit. Cette nuit ne décrit pas seulement l’environnement extérieur, mais aussi l’obscurité intérieure que vit Marie. Elle est si triste suite à la mort de Jésus qu’elle ne peut plus voir la lumière. Mais quelle surprise quand elle arrive au tombeau ! La pierre est roulée et le tombeau est vide ! Elle court alors annoncer ce qu’elle vient de découvrir aux autres disciples. Pourtant, toujours enfermée dans sa tristesse, elle ne comprend pas ce que signifie le tombeau vide. Elle pense selon la logique humaine et imagine que le corps de Jésus a été enlevé et déposé ailleurs. Le tombeau vide ne procure pas de la joie, comme on pourrait l’imaginer, mais de la peur.

Elle retourne alors au tombeau avec Pierre et l’autre disciple. C’est là qu’ils voient par terre les bandes de lin qui recouvraient le corps de Jésus. C’est la preuve que le corps n’a pas été enlevé et déposé ailleurs. Mais alors que l’autre disciple voit et croit, Marie ne comprend toujours pas. Pierre et Jean s’en vont alors et laissent Marie, seule et triste, se tenant près du tombeau comme elle se tenait au pied de la croix. Enfermée dans son chagrin, elle ne voit toujours pas la lumière.

Depuis l’intérieur du tombeau, des anges s’adressent à elle. Et Marie leur répond normalement, comme si c’était habituel que des anges lui parlent. Enfermée dans son deuil, elle ne comprend toujours pas. Le tombeau ne pouvant pas répondre à sa question, « Où est le corps de mon Seigneur ? », elle s’en détourne.

Marie se retrouve face à Jésus mais ne le reconnaît pas. Elle ne reconnaît pas le Ressuscité qui est passé de la mort à la vie, et de l’humiliation à la gloire. Jésus a instauré une rupture entre un ancien monde et une nouvelle réalité où la Vie a eu le dernier mot sur la mort. Mais enfermée dans la mort, Marie ne voit toujours pas la Vie.

Alors Jésus l’appelle par son prénom. Le texte dit qu’à ce moment, elle se retourne. Mais elle ne se retourne pas physiquement, car elle était déjà face à Jésus. Elle se retourne intérieurement. En grec, se retourner signifie aussi se convertir. C’est quand Jésus l’appelle que Marie comprend et croit. Elle prononce alors la première confession de la résurrection : Rabbouni ! C’est-à-dire, « Mon maître ! ».

Sa foi naît de la rencontre et de la relation avec le Ressuscité. Dieu, à travers le Christ, vient à la rencontre de chaque personne individuellement. Il appelle chacun et chacune par son nom afin de créer un lien personnel. Même dans nos obscurités les plus profondes, Jésus vient nous chercher et nous invite à tourner le dos à la mort. Marie cherchait un cadavre, et elle rencontre un homme vivant. Marie cherchait la mort, et elle rencontre la Vie.

C’est le matin, il commence à faire jour lorsque Marie se retourne et voit Jésus ressuscité. Elle tourne alors enfin le dos à l’obscurité pour voir la lumière. Elle tourne enfin le dos à la tristesse pour voir la joie. Elle tourne enfin le dos à la mort pour voir la Vie. Elle tourne enfin le dos au deuil pour entrer dans l’espérance que vient apporter le matin de Pâques et son tombeau vide. Elle comprend que Dieu est le Dieu de la Vie, et que même de la mort, il peut tirer la vie. La résurrection est le gage de cette promesse et de cette espérance : la vie est plus forte que la mort, et cette dernière n’aura pas le dernier mot.

Ainsi, la rencontre entre le Ressuscité et Marie est un magnifique message d’espérance, pour nous et pour le monde. Malgré nos enfermements et nos aveuglements, Dieu vient à notre rencontre et veut se faire proche de chacun et chacune. Même dans nos obscurités, le Christ vivant nous rejoint. Comme Lui, Il nous invite à passer de la mort à la vie. Et Il nous offre la joie de pouvoir dire : Mon Seigneur est vivant !

 

Jules Aubert : Jean

Marie Madeleine arrive, brusquement, dans la nuit du petit matin, vers Pierre et Jean. Elle les avertit de la disparition du corps du Christ. L’un et l’autre se précipitent alors en direction du tombeau. La réaction est si rapide, si spontanée, qu’il est difficile d’envisager quels sentiments s’éveillent dans le cœur des disciples.

Il y a quelque chose de l’ordre du réflexe. Sans doute s’élève en eux un tourbillon de questions et d’émotions. Pour Jean qui a suivi le Christ jusque sous la croix, il y a la crainte de voir son maître humilié une dernière fois. La tombe profanée ? C’est impossible, cela le blesserait dans sa chair. Alors il court, il court pour se rassurer, il court pour découvrir ce qui est arrivé. Il court si vite qu’il arrive avant Pierre au tombeau.

Arrivé sur place, il découvre les bandelettes qui recouvraient le corps du Christ. Il s’arrête et n’entre pas dans le tombeau. Cet endroit l’inquiète, il incarne la mort et le chagrin. Comme à son habitude, Jean analyse, il réfléchit, il interprète ce qu’il voit. Ce qu’il voit ne ressemble pas à la profanation qu’il craignait.

Le calme règne à la porte du tombeau. Il oppose à l’affolement qui est le sien un étonnant contraste. La nuit qui enveloppe la scène et les ténèbres qui voilent son cœur se dissipent peu à peu. Le calme du lieu le réconforte.

Le jour se lève et avec lui le miracle de Pâques se révèle. Tous ses sens lui indiquent confusément que le miracle a eu lieu. Pierre l’a précédé dans le tombeau et dans ce contexte, cela le rassure. Il se résout donc à entrer en contact avec la mort en entrant dans le tombeau. S’il le fait, c’est qu’au fond de lui il a compris que ce n’est pas le vide et les ténèbres qu’il trouvera mais bien la joie et la lumière.

À peine entré, il voit et il croit. Tout ce qu’il avait vécu jusque-là avec le Christ prend corps à cet instant. Tout ce que Jésus avait énoncé dans son enseignement est éclairé d’une lumière nouvelle par la résurrection. Cet acte accomplit le projet-même de Dieu selon les écritures.

Jésus ressuscité, c’est la réponse à toutes les énigmes de sa vie. Tout son message prend une dimension nouvelle. Pour la foi inébranlable de Jean, l’absence du corps dit la présence-même de Dieu. Ce miracle est central, il donne du sens à la passion, à la souffrance aux humiliations. Il apporte la guérison et la victoire de la vie sur la mort. 

À nous qui sommes ici réunis et à vous tous et toutes qui êtes avec nous grâce à la télévision :  ce message de la résurrection doit nous guider. Il signifie que la résurrection est actuelle, qu’elle peut se révéler à nous à tout moment. Cette espérance que Jésus nous offre peut donner du sens à nos souffrances, à nos humiliations, à nos errements avec la même immédiateté que l’on trouve dans la foi de Jean. Mais elle peut aussi se dessiner plus lentement à l’image de la foi de Marie et de Pierre.

Dans chaque moment de nos vies, le Christ se fait connaître, comme il l’a fait pour ses premiers disciples. Il se présente à nous, ressuscité, par de simples gestes, par de simples paroles, par de simples évènements et il nous dit la victoire de l’espérance, de la foi et de la vie sur la mort et la détresse. Et par cette présence inexplicable mais vivifiante, nous pouvons nous aussi voir et croire.

 

Florian Schubert : Pierre

Marie Madeleine est venue avec une nouvelle étrange : le tombeau est vide et le corps de Jésus, leur ami et maître, n’y est plus. Alors Pierre court, il court parce qu’il a peur et il court parce qu’il veut comprendre.

La dernière fois qu’il a vu Jésus, cela ne s‘est pas très bien passé, il venait de dire qu’il ne le connaissait pas et de le renier. Puis Jésus a été torturé, condamné, crucifié et il est mort. Maintenant, le corps n‘est plus là et Pierre arrive devant le tombeau, un peu plus tard que Jean et il voit le tombeau ouvert et vide.

Mais il ne se retrouve pas devant une scène de violence : pas de violation de sépulture avec son lot de destruction. Après l‘horreur de Vendredi Saint, Pierre se retrouve devant une scène d‘un étrange calme et d’une douceur incompréhensible : la pierre est roulée, les bandelettes sont rangées et le linge est soigneusement plié, le corps n’a pas été emporté et volé, il est sorti de son linceul et de son tombeau.

Alors Pierre entre dans le tombeau, il entre dans ce lieu de la mort, un lieu impur pour lui qui est Juif. Il entre et il n’a plus peur. C’est dans ce lieu qui évoque tout ce qui nous anéantit et tout ce qui nous angoisse que Dieu choisit de se montrer et d’exprimer sa puissance. C‘est dans cette nuit que se lève l‘aube de notre espérance.

Aujourd’hui dès que nous allumons notre téléphone portable ou notre télévision, nous sommes projetés dans les tombeaux de ce monde : guerres, destructions de la planète, haines et violences. Et ces tombeaux nous effraient et nous donnent envie de nous protéger et de nous replier sur nous-mêmes. Nous ne parlons plus d‘impur, mais nous continuons de vouloir rester en dehors des tombeaux de ce monde et de garder loin de nous les souffrances des autres, comme si le malheur avait quelque chose de contagieux. 

Jésus ne nous appelle pas à fuir devant le malheur et la souffrance, mais à y entrer sans peur et avec confiance. Même si la mort et le mal semblent incroyablement puissants, la lumière, même frêle, l’est plus. Le geste de Pierre, le fait qu‘il entre dans le tombeau pour y trouver la foi, nous montre deux éléments essentiels de la foi :

Premièrement :
Si nous doutons, osons un pas de foi. Faisons un pas au-delà de nos habitudes et entrons précisément dans ce qui nous fait peur pour y découvrir le Dieu vivant. Parce que c’est là, face à la finitude et à la mort que Pierre trouve la foi, c‘est là qu’il comprend que la vie est belle, qu’elle est forte et qu’elle est bien plus vraie que le mal. Il comprend devant ces bandelettes roulées et ce linge plié toute la puissance délicate de Dieu. Il voit que Dieu n’a de cesse de créer la vie et de vaincre l’absence par son absolue présence.

Et deuxièmement :
Si notre foi perd de sa saveur, allons vers ceux et celles qui sont dans les tombeaux et qui ont besoin de notre espérance. Dieu se montre dans les tombeaux, c’est là que nous le rencontrons. Apportons notre faible lumière dans les lieux sombres de ce monde, croyons plus en la contagion de l‘amour et de l‘espérance qu‘en celle du mal et de la mort. Parce que la foi, l‘espérance et l‘amour grandissent quand ils sont partagés. Toutes les choses qui viennent de Dieu grandissent quand elles sont partagées, voilà ce qui a poussé Pierre sur les routes du monde et voilà ce qui doit nous pousser à la rencontre des autres.

Le Christ est ressuscité et aucune nuit ne peut nous séparer de lui et de sa lumière !

Amen.

Pour le dimanche de Pâques, les protestants Neuchâtelois nous invitent à célébrer la résurrection du Christ dans une collégiale magnifiquement restaurée, après 10 ans de travaux.

Surplombant la ville depuis plus de 800 ans, l’édifice rend visible cette espérance et cette foi qui ont traversé les siècles et nous ouvre ses portes comme un signe de cette vie qui dépasse nos limites…

La prédication est proposée par le pasteur Florian Schubert. Il est accompagné par la pasteure suffragante Eva Lefèvre, ainsi que de Jules Aubert et Grégoire Oguey, et un petit groupe de jeunes paroissiens.

La musique est assurée par Simon Peguiron à l'orgue, ainsi que l'Ensemble Hexacorde, avec Lukas Gothszalk et Simon Pellaux à la trompette

Sous le regard de trois témoins de la résurrection: Marie Madeleine et les apôtres Jean et Pierre, le message s’inscrit dans l’idée que la rencontre avec le Ressuscité est toujours personnelle, comme un passage de la mort à la vie, de l'ombre à la lumière, du doute à la compréhension, de la trahison à la foi. Le son des trompettes annoncera ainsi la victoire de la vie sur la mort.

Production : Pierre-Alain Frey
Réalisation : Alain Hugi

Détails

Avec la participation de
Avec la participation d'Eva Lefèvre, pasteure suffragante; Jules Aubert et Grégoire Oguey pour les lectures, ainsi qu'un petit groupe de jeunes paroissiens
Orgue
Simon Peguiron
Musique
l'Ensemble Hexacorde, avec Lukas Gothszalk et Simon Pellaux à la trompette