Écouter le culte :
Première partie : Olivier Fasel, pasteur évangélique
- Quel homme peut découvrir les intentions de Dieu ? Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ?
Les réflexions des mortels sont incertaines, et nos pensées, instables ; car un corps périssable appesantit notre âme, et cette enveloppe d’argile alourdit notre esprit aux mille pensées.
Nous avons peine à nous représenter ce qui est sur terre, et nous trouvons avec effort ce qui est à notre portée ; ce qui est dans les cieux, qui donc l’a découvert ?
Et qui aurait connu ta volonté, si tu n’avais pas donné la Sagesse et envoyé d’en haut ton Esprit Saint ?
C’est ainsi que les sentiers des habitants de la terre sont devenus droits ; c’est ainsi que les hommes ont appris ce qui te plaît et, par la Sagesse, ont été sauvés.
(Livre de la Sagesse 9, 13-18)
Cette première lecture est tirée du livre de la Sagesse, un livre que les Bibles protestantes ne retiennent pas, car il n’aurait pas été écrit en hébreu, on ne le trouve qu’en grec. Notre passage pose pourtant une question qui préoccupe bon nombre d’autres auteurs hébreux : Qui peut comprendre la volonté de Dieu, ses intentions, son dessein ?
En effet, si Dieu ne nous révélait pas lui-même ses intentions ; si Dieu ne se révélait pas lui-même (et on peut comprendre ici son incarnation, c’est Jésus-Christ, Parole de Dieu), nous resterions alors dans l’ignorance fragile d’un humain que traversent mille pensées confuses, en mille langages approximatifs.
Vous l’aurez retenu : hébreu, grec, français, allemand, latin…. nous avons besoin d’un langage universel pour dire ce qu’il y a de plus subtil dans les émotions et dans le sentiment religieux ; pour découvrir, comme l’exprime notre première lecture, les intentions de Dieu, pour concevoir et exprimer l’indicible !
Un auteur a écrit, en anglais, son admiration et sa confiance dans les langages des artistes. Il y voit « les avenues qui mènent au cœur d’une réalité qu’on ne saurait apercevoir et encore moins saisir, sur un autre mode ». Cet auteur continue en expliquant que toutes les formes d’art sont comme des indicateurs capables de nous orienter vers plus de vie, plus de joie, plus de confiance.
Le monde, selon lui, est cassé, abîmé. On peut même dire que le monde est inachevé. Les arts ont ainsi leur part de « spiritualité rédemptrice », en ce qu’ils expriment une recherche, une quête de sens, d’autre chose, d’au-delà des apparences. Les arts nous questionnent, de ces questions qui réveillent.
Il y a dans le souffle de l’orgue une source d’inspiration céleste. Il y a dans la vibration des cordes vocales, un frémissement d’au-delà. Il y a dans les résonnances des bois, des cordes et des vents, un appel à plus de joie, à plus de justice, à plus de sens, à plus de beauté.
Que la sagesse alors nous y conduise, ou tout au moins, nous y rende sensibles. Et comme l’exprime très bien notre lecture que je paraphrase pour en faire une prière :
Donne-nous toi-même la sagesse, envoie ton Saint-Esprit d’en haut.
Amen
Deuxième partie : Bertrand Georges, diacre catholique
- Tu fais retourner l'homme à la poussière; tu as dit : « Retournez, fils d'Adam ! »
À tes yeux, mille ans sont comme hier, c'est un jour qui s'en va, une heure dans la nuit
Tu les as balayés : ce n'est qu'un songe; dès le matin, c'est une herbe changeante;
elle fleurit le matin, elle change; le soir elle est fanée, desséchée.
Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos cœurs pénètrent la sagesse.
Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ? Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.
Rassasie-nous de ton amour au matin, que nous passions nos jours dans la joie et les chants.
Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu ! Consolide pour nous l'ouvrage de nos mains.
(Psaume 89, 3-17)
Chers frères et sœurs, Le Psaume 89 nous montre un homme sage, pénétré des Ecritures, méditant sur la fragilité humaine et la brièveté de la vie. Cette prise de conscience de la fugacité du temps, du fait qu’aux yeux de Dieu, un jour est comme mille ans, et que la vie de l’homme peut être comparée à l’herbe changeante qui fleurit le matin et se retrouve fanée le soir venu, c’est cela la Sagesse, nous dit ce Psaume.
Chacun de nous, à l’occasion d’une étape marquante ou en voyant ses forces diminuer a éprouvé une fois ou l’autre un vertige face à l’inexorable fuite du temps. Pourtant, la sécurité offerte par les commodités de l’époque ne favorise pas la prise de conscience de notre fragilité et du caractère passager de la vie sur terre.
Ces dernières décennies ont en effet été emportées dans un élan d’optimisme qui pensait que l’homme se suffirait à lui-même. Un certain bien-être, les leçons de l’histoire, ou encore les progrès scientifiques, médicaux, ou techniques nous promettaient de venir à bout de tous les malheurs qui frappent l’humanité.
Ainsi, le sentiment de vulnérabilité qui creusait, dans les générations précédentes, un désir de libération ou de plénitude espérée dans l’au-delà, tend à disparaître au profit d’une quête de bonheurs immédiats.
Il est normal que nous cherchions notre bonheur dans les choses d’ici-bas. Le problème, c’est quand nous nous en contentons, quand cette quête de choses éphémères absorbe toute notre énergie, quand nous vivons comme si nous étions seuls au monde. Et voilà qu’un jour, l’adversité – personnelle ou collective – nous rappelle notre vulnérabilité.
La période de crises multiples que nous traversons nous montre que finalement, aucune garantie ou assurance-vie ne peut nous affranchir de notre statut de fils et filles d’Adam. Que faire alors? Sommes-nous en quelques sorte condamnés à subir notre vie en attendant qu’elle passe? Heureusement, il n’en est rien. Ce Psaume nous apprend que, loin de nous décourager, la prise de conscience de la précarité de la vie nous aide peut-être à mieux vivre.
C’est encore le psalmiste qui nous ouvre un chemin : « Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ? », supplie-t-il dans sa prière fervente. Mais, frères et sœurs, est-ce vraiment Dieu qui s’éloigne de l’homme ? Ne serait-ce pas plutôt nous qui vivons parfois comme s’il n’existait pas ? Peut-être que dans un moment de recueillement, nous pourrions entendre Dieu nous dire « reviens vers moi, mon fils, ma fille bien-aimée, pourquoi tarder ? »
Saint Augustin, avant sa conversion, a lui aussi entendu cet appel résonner en son cœur. Et il s’interroge : « Pendant combien de temps encore dirai-je : demain, demain ? Pourquoi pas maintenant ? Pourquoi cet instant même ne marquerait-il pas la fin de ma vie triste et inutile loin de Dieu ? »
Dès le moment où nous offrons cette ouverture à Dieu, la prise de conscience de notre précarité n’est plus obstacle, mais, au contraire, condition de notre réalisation. C’est en effet à partir de notre pauvreté que nous pouvons accueillir la plénitude du don de Dieu qui veut nous rassasier de son amour dès le matin, combler nos jours de joie et de chants et nous revêtir de la douceur de son Nom.
Enfin, ce Psaume nous révèle que l’ouvrage de l’homme sur cette terre devient œuvre commune avec Dieu qui donne lui donne solidité et fécondité.
Oui Seigneur, consolide pour nous l’ouvrage de nos mains ! Dieu et nous, partenaires d’Alliance pour la réussite de notre vie, pour aujourd’hui et pour l’éternité, c’est peut-être là, chers frères et sœurs, que réside la sagesse et la véritable grandeur de l’homme.
Troisième partie : Débora Kapp, pasteure réformée
- En ce temps-là, de grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit : « Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple.
Quel est celui d'entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s'assoir pour calculer la dépense et voir s'il a de quoi aller jusqu'au bout ? Car, si jamais il pose les fondations et n'est pas capable d'achever, tous ceux qui le verront vont se moquer de lui : " Voilà un homme qui a commencé à bâtir et n'a pas été capable d'achever ! "
Et quel est le roi qui, partant en guerre contre un autre roi, ne commence par s'assoir pour voir s'il peut, avec dix mille hommes, affronter l'autre qui marche contre lui avec vingt mille ? S'il ne le peut pas, il envoie, pendant que l'autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de paix.
Ainsi donc, celui d'entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient, ne peut pas être mon disciple. »
(Luc 14, 25-33)
Quels propos ! Jésus ne mâche pas ses mots. Ses propos s’entendent, non sans irritation. A croire qu’il « nous cherche ». Et il nous cherche là où cela fait mal. Le fait que lui-même est en route vers Jérusalem, lieu de sa croix, y est pour quelque chose. « Porter sa croix », nous dit-il.
Les propos de Jésus précisent ce que c’est que d’être, ou plutôt ce que c’est que de devenir son disciple. Devenir disciple, c’est littéralement, être un‧e apprenant‧e. Apprendre de lui. D’après lui. Par lui. En lui. C’est un mouvement. Ce n’est jamais fini. Il y a des domaines de notre vie où nous ne cessons d’apprendre. Les artistes le savent bien, les penseurs aussi.
Apprendre et aller d’un commencement à l’autre. Cette idée revient souvent ici : commencer par s’asseoir, commencer à bâtir, commencer à se séparer, se détacher…
Les propos de Jésus, tels que Luc nous les met en forme, nous le redisent : commencer avec Jésus a ses exigences. Ce n’est pas tant une exigence de volonté. Ce n’est pas non plus un état d’âme, une impulsion. C’est une prise de conscience progressive, lente et paradoxale.
Dans cet apprentissage, dans ce tissage d’apprenti‧e‧s, Jésus pointe la question de la préférence. Il y a, hélas, une manière de mal aimer, y compris nos plus proches, nos plus aimés, y compris nous-mêmes. De cela, nous savons quelque chose. Oui, le désir d’aimer est puissant en nous. Mais ambivalent. Et parfois destructeur. Ce n’est pas à l’amour qu’il s’agit de renoncer. Mais à une certaine manière d’aimer. Vite dit. Il ouvre une voie. Et la suite ? Ainsi va le chemin de l’apprenant‧e.
Alors que de grandes foules se pressent derrière Jésus, nous sommes à une constante croisée de chemins : avec Jésus, continuer, de près ou à distance, ou en rester là ? Ce choix croise souvent notre voie d’apprenant‧e. Au fond, pourquoi restons-nous ses apprenant‧es, ses cheminant‧es ?
Peut-être parce que Jésus dévoile sans ménagements nos leurres. Sa lucidité nous est nécessaire. Aussi inconfortable soit-elle. Cela ne suffit pas. Nous ne sommes pas masochistes.
Peut-être parce que Jésus ouvre une voie de sagesse autre qui nous aimante. Une voie faite de commencements toujours possibles. Qui dit commencer dit autrement le détachement, le renoncement, la préférence, la priorité.
Une voie de commencements faite de bien des découvertes sur l’art d’aimer, sur la force du don, y compris de soi-même, sur la joie d’écouter et sur la paix que procure la possibilité de se tenir à disposition et de se mettre au service. Parfois la voie commence juste par le fait de s’arrêter et de s’asseoir, comme nous le faisons maintenant. S’asseoir pour recueillir quelques notes, quelques mots, un élan. Et puis viendra le moment de se lever et de continuer, ensemble ou seul, un bout de chemin avec ce Maître de sagesse et de vie autre.
Amen.