Première partie: D'un but à l'autre (Jonathan Cordier, pasteur et aumônier aux Jeux olympiques de Paris)
Les bords de Seine sur lesquels nous nous trouvons verront affluer vendredi le monde entier. Les athlètes sont en train d'arriver de toutes parts pour les jeux de Paris. Tous se sont entrainés durement ces quatre dernières années dans leurs disciplines respectives espérant faire une meilleure performance que les autres. Certains repartiront médaillés et d'autres auront participé...
L'apôtre Paul qui a selon toute vraisemblance, assisté aux jeux isthmiques à Corinthe dresse un parallèle surprenant et contre-intuitif entre les champions du stade et les champions de la foi. En effet, n'est-ce pas Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ comme l'écrit Paul lui-même ? Qu'avons-nous besoin de gagner de plus ? On ne gagne pas le Ciel, c'est le Ciel qui nous gagne ! Les Réformateurs l'ont proclamé avec force.
Et puis ceux qui performent ici-bas seront-ils récompensés pour leurs exploits apparents ? Il semblerait que le podium du Royaume des cieux soit installé à l'envers : "ceux qui sont les derniers seront les premiers et ceux qui sont les premiers seront les derniers" nous dit Jésus.
Rien ne servirait donc de courir... Et pourtant Paul nous invite à passer d'un but à l'autre. Passer d'une vie factice à mille à l'heure à la réalité d'une vie orientée vers l'éternité qui échappe aux chronomètres et à nos paramètres.
"Parce que tout ce qui est né de Dieu triomphe du monde; et la victoire qui triomphe du monde, c'est notre foi." (1 Jean 5,4).
Lors des jeux d'été de Barcelone en 1992, l'athlète britannique Derek Redmond, champion du monde en 1991 du 4x400m, prend un bon départ mais se trouve fauché dans son élan par un violent claquage à la cuisse lors des demi-finales de qualification. Il s'effondre. Il décide malgré tout de terminer la course. Il se relève tant bien que mal et poursuit ainsi son tour de piste à cloche pied et en larmes, encouragé par un public qui n'en revient pas et surtout par son propre père qui surgit de la tribune comme par miracle pour l'épauler sur les derniers mètres. Grand moment d'émotion et d'olympisme !
Son père, Jim, qui venait l'encourager à chaque course dira ensuite à la presse : « je suis le plus fier des pères, je suis même plus fier de lui que je l’aurais été s’il avait gagné la médaille d’or ». Belle métaphore du Dieu trois fois saint qui est venu nous relever en Christ alors que nous étions à terre, blessés, incapables de franchir seuls la ligne d'arrivée du Royaume sous le regard ébahi des anges et des puissances des ténèbres qui n'en croyaient pas leurs yeux. « Tu es mon fils, ma fille bien-aimé·e ! Tu es ma fierté ! », nous dit le Père.
Que d'énergie déployons-nous à nous faire une place dans le monde alors que nous avons une place dans le Royaume, à gagner notre vie alors que Christ l'a gagnée pour nous et qu'il nous la donne en abondance, à poursuivre le vent plutôt que de nous laisser porter par le Souffle !
Pourquoi restons-nous donc dans notre couloir ? Que cherchons-nous à prouver ? Que nous n'avons pas besoin de coach ? Nous en aurions plus de mérite pour nous-mêmes et auprès des autres ? Beaucoup de slogans sportifs nous disent que nous pouvons le faire, que nous en sommes capables. La Bible nous enseigne l'inverse. Just don't do it this way !
Alors à quoi doit-on s'entraîner au juste en tant que chrétiens ? Sally Jenkins, journaliste sportive au Washington Post, a cherché à comprendre la clé du succès en rencontrant les plus grands champions et leurs entraîneurs.
Elle explique que le très bon entraîneur débusque parfaitement les faiblesses, les mauvaises pratiques, les angles morts et que l'excellent entraîneur fait de même mais qu'il donne de suite le remède, la solution pour améliorer la performance. Il n'est pas là pour enfoncer, pour décourager mais pour édifier. Le Saint-Esprit est notre entraineur personnel, non pour une quelconque performance, mais pour remporter le prix de l'intimité avec le Seigneur. Il nous convainc de péché mais il est aussi le consolateur.
« Nous aimons tous gagner, mais combien aiment s’entraîner ? » a déclaré Mark Spitz, le plus grand champion olympique à ce jour. Cela coûte. Le passage par la Croix n'est pas une partie de plaisir, croyez-moi. Reconnaître ses zones d'ombre pour y faire pénétrer la lumière, c'est la clé de la vie chrétienne et d'une foi ancrée.
Comprenez-moi bien, un chrétien ne peut pas se reposer sur ses lauriers : oui, Christ a tout accompli mais encore faut-il le suivre de près sinon où irions-nous ? À qui irions-nous ? Le Seigneur ne nous promet pas une course sans embûches, sans chutes et sans rechutes, mais il nous promet la victoire à l'arrivée.
Mon seul but dans la vie, c'est de rester auprès de celui qui est là à chaque entrainement, à chaque course, toujours prêt à me relever si je flanche.
Puissions-nous achever notre course comme Philippidès, le porteur de bonne nouvelle mort à bout de souffle après avoir parcouru les 42 kilomètres séparant Marathon d'Athènes pour annoncer : « Nous sommes victorieux ! »
Amen.
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Deuxième partie: La Paix (Reverend Elizabeth Murray, église américaine de Paris)
Ce n'est pas un mot que j'aurais assimilé aux Jeux olympiques. Pour moi, les Jeux olympiques sont davantage synonymes de compétition.
Je n'ai jamais regardé la situation dans son ensemble, ni considéré ce que signifie pour le monde, le fait que les pays se réunissent pour participer de façon pacifique à des compétitions.
La tradition de la "trêve olympique" a été instituée au neuvième siècle avant J.-C. dans la Grèce antique, par la signature d'un traité entre différentes cités, qui étaient par ailleurs constamment en conflit. Le mot grec désignant la trêve olympique est "Ekecheiria", ce qui signifie "déposer les armes".
Le Comité international olympique a décidé de faire revivre le concept de trêve pour les Jeux olympiques, dans le but de protéger les intérêts des athlètes et d'utiliser le pouvoir du sport pour promouvoir la paix, le dialogue et la réconciliation.
Depuis 1993, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution intitulée "Édifier un monde pacifique et meilleur grâce au sport et à l'idéal olympique".
Le texte biblique d'aujourd'hui est tiré de la lettre de l'apôtre Paul aux Éphésiens. Éphèse était une grande ville et l'épicentre du culte à la plupart des dieux grecs et romains. Pendant plus de deux ans, Paul y a exercé un ministère fructueux, amenant de nombreuses personnes à la foi en Jésus-Christ. Des années plus tard, après avoir été emprisonné par les Romains, il leur écrit cette lettre importante.
Paul explore la manière dont l'Évangile doit influencer notre vie : notre vie personnelle, notre vie en communauté et au sein de nos familles. Toute cette partie de la lettre est intitulée "L'unité dans le corps du Christ". Il exhorte l'Église d'Éphèse à se souvenir à la fois de sa vocation de disciple du Christ et de l’espérance nouvelle que les chrétiens ont en Jésus.
Comment Paul encourage-t-il les Éphésiens à agir ? Il les appelle à vivre avec humilité, douceur et patience, en s'aimant les uns les autres et en maintenant l'unité par le lien de la paix.
Puis, Paul rappelle à ces nouveaux chrétiens que ce qui est essentiel à leur communauté, c'est leur identité commune à travers un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême et un seul Dieu.
Et pourtant, 2000 ans plus tard, l'Église continue de souffrir de luttes internes, que ce soit pour des différences de théologie, des questions sociales ou pour savoir qui a "raison".
L'Église d’Éphèse n'a pas suivi l’appel auquel Paul les avait exhorté. Cela est vrai tant pour l'Église universelle que pour nos congrégations locales individuelles. Nous savons tous comment agir, et pourtant notre nature humaine continue à prendre le dessus.
Ce qui est encourageant, c'est que nous avons chaque jour une nouvelle occasion de corriger nos erreurs. La journée d'aujourd'hui en est un excellent exemple : nous avons rassemblé, pour une occasion spéciale, de nombreuses personnes qui croient en Jésus-Christ.
Croyons-nous tous exactement la même chose ? Non.
Nos façons d'exprimer notre compréhension de Dieu et notre relation avec lui diffèrent-elles ? Oui.
Cependant, je crois qu'il y a plus de choses qui nous unissent que de choses qui nous divisent. L'apôtre Paul nous le rappelle, encore une fois, dans sa lettre aux Galates où il dit que, malgré nos différences, nous sommes tous enfants de Dieu par la foi, unis au Christ par le baptême. Il n'y a plus ni juif ni païen, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme, car tous sont un dans le Christ Jésus.
Que ce soit là notre témoignage chrétien aujourd'hui. De même, je crois que les athlètes, les bénévoles et les spectateurs qui arrivent à Paris des quatre coins du monde ont plus en commun qu'il n'y paraît - le désir d'aimer et d'être aimé, de faire partie de quelque chose de plus grand, la joie d'être en famille et avec des amis, le désir de sécurité et de satisfaire ses besoins humains fondamentaux, et la passion qui pousse nos athlètes à donner le meilleur d'eux-mêmes et à nous inspirer à faire de même.
Le symbole de la trêve olympique est représenté par une colombe avec la traditionnelle flamme olympique en arrière-plan. J'aime que la colombe, ce symbole biblique de paix, soit utilisée pour représenter la trêve.
Dans un monde en proie aux guerres et à l'animosité, le symbole de la colombe de la paix représente l'un des idéaux du Comité olympique, à savoir construire un monde pacifique et plus uni par le biais du sport.
Je prie pour que nous voyions la trêve olympique comme l’incarnation de la paix, de l'unité et de la réconciliation dans le monde, ne serait-ce que pour quelques semaines.
Mais ce qui est encore plus pertinent pour nous, c'est que notre vocation, la vocation de l'Église en tant qu'ambassadrice du Christ sur terre, est de montrer la voie de l'humilité, de la douceur, de la patience et de l'amour, en pratiquant l'unité dans le lien de la paix par Jésus-Christ.
Nous pouvons incarner l'esprit d'« Ekecheiria », en mettant de côté nos différences et en nous rassemblant dans un but commun, nous souvenant qu’il y a un seul Dieu, un seul baptême, et que nous formons un seul corps.
Merci Seigneur. Amen.