Il y a une raison pour laquelle on se réunit le dimanche pour le culte. Ce jour-là est pour les chrétien-ne-s le 1er jour de la semaine, qui initie à ce que Dieu offre à l’humanité : la nouvelle vie du matin de Pâques, où Jésus-Christ a été relevé des morts. Toute la vie de l’Eglise est aimantée par ce don ultime, qui transforme le quotidien, puisque le chemin humain ne mène pas vers la mort mais vers l’Amour de Dieu.
Le culte est le moment où cette vie nouvelle est fêtée, où la bienveillance de Dieu (la « grâce ») est partagée, par les lectures bibliques, les chants, les prières et les sacrements (le baptême et la sainte cène), apportant aux fidèles les forces pour traverser avec courage ce qui les attend à la sortie du culte, tout au long de la semaine. Car le culte dominical se poursuit au quotidien, dans ce que les Réformateurs ont appelé le « culte ordinaire », l’engagement croyant dans la vie familiale, sociale et professionnelle.
Le but de la « liturgie », c’est-à-dire le déroulement structuré du culte est de faire vivre l’espérance, la paix, la joie, la confiance en Dieu ; mais aussi d’assumer ce qui est lourd : la rancœur, les conflits, les échecs, l’angoisse… Les fidèles expérimentent comment porter les fardeaux les un-e-s des autres. La liturgie aide à naître à cette vie de confiance et de reconnaissance, en faisant expérimenter un itinéraire qui suit le mouvement du salut.
Quel est cet itinéraire? Il commence avant même le début du culte. Les individus quittent leur foyer pour être accueillis au nom du Dieu trinitaire et dans sa grâce. Le temple protestant n’est pas un lieu sacré, mais la maison où se réunissent les personnes appelées ensemble comme famille des « enfants de Dieu ». Dans cette confiance, chacun-e dépose devant le Seigneur ses échecs, soucis ou fautes. Cette « confession du péché » n’est pas affaire de morale (d’où le singulier : confession du péché), mais d’orientation du cœur et de la pensée dans la relation à autrui et à Dieu. Reconnaître que nul n’est pleinement capable de vivre l’amour du prochain permet de recevoir la déclaration du pardon par la grâce du Christ, qui libère de l’égocentrisme.
Une prière « d’illumination » précède la lecture des Ecritures, que la prédication va exposer en y faisant écho à ce qui est annoncé comme « bonne nouvelle » (« Evangile » avec majuscule). La paroisse en réponse confesse sa foi, généralement d’une même voix, exprimant le lien de communion avec toute l’Eglise depuis les premiers siècles.
Reconnaissant dans ce lien de grâce une famille large jusqu’aux extrémités de la terre, les fidèles prient les un-e-s pour les autres (« prière d’intercession »), et se préparent à partager le sacrement de la Sainte-Cène, où Jésus-Christ s’approche dans les réalités corporelles par le partage du pain et du vin. Ils sont réunis par l’Esprit-saint comme frères et sœurs en Christ, « Corps du Christ » ou « Temple de l’Esprit ». La prière du « Notre Père » scelle cette unité, qui est bien au-delà des liens de sympathie. Finalement, les membres de la famille de Dieu repartent vers leur vie, bénéficiaires d’une bénédiction à transmettre au quotidien.
Le culte ne doit pas être idéalisé en étant isolé d’autres activités paroissiales. Mais il laisse pressentir la joie de se savoir porté-e par une famille aux dimensions du monde, de sentir et goûter combien le Seigneur est bon, de revivre en Christ. Certes cette proximité de Dieu n’est pas immédiatement sensible ou visible, mais « sacramentelle » au sens où elle « fait signe » du Christ en liant sa promesse de Vie à des éléments matériels : la nourriture, l’eau du baptême, la parole de la prédication, la musique et le chant. La vie quotidienne n’en est pas spectaculairement transformée, mais le culte en ouvre l’horizon.
Les Eglises réformées ont développé le culte en écho aux textes bibliques qui demandent d’écouter le Seigneur. Le monde évangélique et pentecôtiste laisse libre cours à des expressions plus corporelles et émotionnelles. Dans tous les cas, la « Parole » de Dieu (sa révélation) demeure hors de prise de la maîtrise humaine, et pourtant se donne dans et par les paroles et les gestes humains du partage du don reçu en Jésus-Christ.
Le culte déploie aussi ses potentialités particulières en tant que rencontre intergénérationnelle et interculturelle. C’est l’un des justes et précieux effets du culte chrétien : l’Eglise n’est pas une assemblée affinitaire de personnes qui se sont choisies, mais une famille qui s’élargit à la fois géographiquement et intérieurement (c’est la « catholicité » de l’Eglise) à tous les temps et les lieux. Le culte fait vivre la « communion des saint-e-s », expression qui dans son sens biblique signifie la « nuée des témoins » de tous les temps et lieux, unie dans l’adoration du Seigneur et envoyée au service des humains. Le culte nous annonce que nous ne sommes jamais seul-e-s et que la vie a un sens - toujours vers la maison du Père.
Elisabeth Parmentier, professeure ordinaire de théologie pratique, Université de Genève