Chers frères et sœurs,
Vous qui êtes rassemblés ce matin dans cette Église, vous tous qui nous écoutez sur les ondes, je retiens trois phrases du texte que nous avons lu tout à l'heure :
· Accueillez avec douceur la parole plantée en vous.
· Soyez les réalisateurs de la parole.
· La religion pure et sans tache : c'est de visiter les orphelins et les veuves.
Si nous regardons un peu autour de nous, nous voyons que pour beaucoup de gens la vie quotidienne est difficile, fragile, menacée. Peut-être êtes-vous vous-même, aujourd'hui, ces jours, ces temps, dans une situation où votre existence quotidienne est difficile et fragile ? Et si notre environnement général est imprégné de violence comme ces jours, notre vie nous apparaît encore plus fragile.
Lorsqu'on est confronté, comme on l'est au CSP, à beaucoup de ces vies de personnes démunies, on sait bien qu'il y a une pauvreté chez nous en Suisse. Certains ne la voient pas parce qu'elle est cachée ou parce qu'ils ne veulent pas la voir. Notre travail à nous dans les Centres sociaux protestants, c'est de venir en soutien aux personnes qui s'adressent à nous.
La pauvreté ordinaire commence souvent par des difficultés financières : comment payer le loyer, l'assurance maladie, une facture inattendue. Là autour viennent se greffer d'autres problèmes : la séparation du couple, la perte d'emploi, des salaires insuffisants qui ne permettent pas de vivre malgré un travail à plein temps, le fait de se retrouver sans papiers; c'est la maladie, l'accident, bref tout ce qui met en déséquilibre la vie ordinaire.
Tous ces problèmes vous sont connus, mais ce qui les rend encore plus lourds aujourd'hui, c'est que beaucoup les vivent dans la solitude.
Dans les Centres sociaux protestants, des assistants sociaux, des conseillers juridiques, des conseillers conjugaux, des animateurs sont là pour offrir gratuitement leur accueil et leurs compétences. Mais en même temps vous tous qui êtes là dans cette communauté, ou vous qui nous écoutez, vous jouez le rôle de ceux qui sont des proches, des parents, des voisins. C'est vous qui faites partie de l'environnement immédiat de gens en difficulté. C'est vous qui créez la relation, le lien, qui assurez le bonjour quotidien, la chaleur du regard et des paroles.
Accueillez avec douceur la parole plantée en vous.
Cette parole vient de Dieu; elle est un appel à l'amour pour Dieu, pour soi, pour les autres. Lorsque nous écoutons certaines paroles du Christ, nous les trouvons très exigeantes. Je pense en particulier au sermon sur la Montagne. Nous les trouvons difficiles à réaliser, peut-être trop difficiles. Et il peut nous arriver de nous dire : "oh Dieu mais tu nous en demandes trop !"
Ici Jacques dit : "Cette parole qui est plantée en vous, accueillez-la avec douceur. " Cette parole, elle est déposée en vous. Elle peut croître, elle peut se développer, vous pouvez l'étouffer ou ne pas l'entendre et pourtant elle est là en vous. Elle est faite de vie. Elle prend sens à travers vous.
Elle vous est propre, elle est déposée, à vous de l'accueillir avec douceur. Avec douceur :
· Parce qu'elle vous respecte;
· Parce qu'elle est adressée à chacun;
· Parce qu'elle est appel à aimer et à partager.
Ce n'est pas une parole de menace pour le croyant, mais de confiance. Ce n'est pas une parole de reproche, mais d'encouragement.
Elle est bonne pour toi. Lorsque tu aimes ton prochain c'est bon pour lui, c'est bon pour toi, c'est bon pour ta vie, pour ta foi, c'est bon pour renouveler ton espérance. Cette parole n'est pas un ordre venant d'un Dieu lointain, mais une parole qui construit, qui développe, qui se développe. C'est une parole faite pour nous.
Elle nous donne force et sécurité dans l'agitation générale du monde. Elle est à vivre par nous, chacun dans nos vies, elle est à vivre ensemble, avec d'autres, avec la communauté, avec la paroisse. C'est un appel profond à partager la solitude des personnes.
Cette parole a été plantée par Dieu en nous peut-être il y a longtemps déjà, peut-être récemment. C'est une parole que nous avons reçue à travers la bible ou à travers quelqu'un qui nous a marqués. Elle a été plantée, mais nous ne l'avons peut-être pas soignée. Ce matin ce texte nous rappelle qu'elle est là en nous.
Soyez les réalisateurs de la parole (" mettez-la en pratique ", comme disent d'autres traductions))
Ce message est connu. Plusieurs textes bibliques nous le rappellent : cette parole n'est pas faite de belles paroles, sous-entendu qui circulent en l'air. Elle vous est donnée pour votre vie concrète et quotidienne.
Ce ne sont pas des principes généraux qu'on peut trouver très intéressants et les garder à distance, et c'est bien là la difficulté de nos vies de chrétiens à réaliser cette parole : Parce que réaliser la parole, c'est y donner force, visibilité, vie.
Si cette parole est là plantée en vous, elle doit avoir des effets. Si vous la recevez bien, et prenez le temps de bien la recevoir, il est alors plus facile de la mettre en pratique.
Si vous êtes les "réalisateurs de la parole" alors ça se voit, c'est bien réel et ça donne envie de se joindre à vous. Et ça donne envie de vivre cette parole à plusieurs.
C'est un appel à la persévérance qui nous est adressé à nous comme personnes ou comme communauté. Et ce matin nous sommes là pour réentendre ces paroles qui nous soutiennent dans nos engagements de solidarité concrète.
La vraie religion: c'est de visiter les orphelins et les veuves
Dans la bible, les veuves et les orphelins évoquent des situations de dénuement et de nécessité. L'étranger d'ailleurs est également souvent mentionné dans ce genre de situation.
Cela évoque des cultures, des sociétés où la mort du père de famille mettait dans l'insécurité et la fragilité tous les proches. Les personnes les plus fragiles aujourd'hui ne sont peut-être plus les mêmes ou alors il y en a beaucoup d'autres :
· les jeunes mères divorcées ou séparées avec enfants (quelquefois des jeunes pères aussi)
· toutes les victimes d'exclusion, cela veut dire tous ceux qui se font éjecter du monde du travail, de l'accès au travail et de la vie sociale.
· toutes ces personnes qui se retrouvent mises de côté, dans une situation qu'elles n'ont pas voulue.
· ce sont aussi les étrangers, ceux qui viennent d'ailleurs, cela peut-être la famille de sans-papiers qui est là chez nous depuis un an, cinq ans, onze ans.
La religion pure c'est de visiter ceux qui souffrent, ceux qui sont dans la fragilité et l'existence précaire.
Qui sont-ils ces gens sans sécurité : ce sont des adultes, des enfants, des jeunes, des personnes âgées, cela peut être vous qui nous écoutez ce matin, cela peut être des gens proches de vous.
Lorsque Jacques écrit la religion pure et sans tache, c'est de visiter les orphelins et les veuves, cela a l'air très simple : la vraie foi elle est faite du partage de la souffrance des démunis. Vous ne pouvez pas séparer ces deux choses. Ce message était souvent présent chez les prophètes et puis là nous le retrouvons pareil dans une épître. Cela nous est rappelé comme une évidence, mais aussi comme un appel aux chrétiens à vivre entièrement dans la réalité d'aujourd'hui et à s'y engager.
En même temps, ni vous, ni le Centre social protestant ne peut porter toutes les souffrances qui sont là autour de nous. C'est à vous comme personnes, à vous comme communauté de Montreux, à nous comme Centre social protestant de voir quelles sont celles que nous voulons et que nous pouvons partager; tout en sachant, qu'il y a des souffrances qui se présentent à nous de manière inattendue et qu'il s'agit aussi d'être présents à ce moment-là.
Trois personnes vont nous dire maintenant comment elles se sont engagées dans des formes d'accueil et de partage : Jean-Yves Savoy est conseiller conjugal au Centre social protestant. Mme Hamide Aita anime, avec une équipe de bénévoles, la boutique du Centre social protestant à Montreux appelée La Trouvenette. Mme Ellen Brustlein nous parle maintenant d'une des actions de solidarité de la paroisse de Montreux.
Nous sommes appelés au partage. Ce n'est pas si facile. Mais souvenez-vous-en, cette parole d'appel elle est là plantée en vous. Amen !
Pierre-Yves Savoy, conseiller conjugal au Centre social protestant :
En entendant ces propos à partir de l'épître de Jacques, je pense à mon travail et à celui de mes collègues : assistants sociaux et assistantes sociales, conseillers et conseillères juridiques ou conjugales au CSP. Nous nous retrouvons quotidiennement aux points de fragilité, voire de fracture dans la vie des personnes qui nous consultent : fragilité ou fracture sociale, économique, relationnelle.
Comme conseiller conjugal, je rencontre les couples là où ils sont momentanément vulnérables et fragilisés, à un moment de crise, quand l'avenir devient très incertain et inquiétant.
Nous sommes là dans les lieux de souffrance et de solitude (comme la souffrance, la solitude et la détresse des veuves et des orphelins dont parle Jacques).
Ce sont des lieux qui appellent une présence, une écoute attentive et une solidarité. Quand chacun se sent blessé dans le couple, il est utile que quelqu'un soit là pour accueillir et écouter ce qui fait problème et ce qui fait souffrir pour permettre de chercher un chemin pour en sortir.
Nous faisons au mieux notre travail pour offrir aux couples un lieu d'accueil et d'écoute de la parole de chacun, un lieu où la parole puisse se dire et être entendue, un lieu à partir duquel le partage de cette parole puisse redonner un élan de vie au couple.
Les conditions de vie aujourd'hui rendent la vie des couples et des familles difficiles : le stress quotidien, le travail de l'homme et de la femme, la scolarité et l'éducation des enfants, la pression sociale et économique pour être à la hauteur et au top niveau pour réussir dans la vie, l'agitation psychique créée par l'abondance et le tournoiement des nouvelles du monde, l'entraînement dans une spirale où il faudrait tout faire et avoir tout de suite avec natel, portable, Internet et autres, tout cela pèse sur la vie des couples et des familles et contribue à nous sortir de nous-mêmes, de notre centre, et à nous retrouver paradoxalement très isolés et handicapés dans la communication.
La précarité et la fragilité sont inscrites dans notre être d'hommes et de femmes : "dans le fond", un couple, c'est un pauvre qui accueille un autre pauvre. Reconnaître cela et l'accepter n'est pas faiblesse. Cela devient au contraire une force qui ouvre au respect de soi et de l'autre, au partage et à l'amour, c'est-à-dire au dépassement de soi.
Ce texte de Jacques aujourd'hui, me conforte dans mon travail pour être "réalisateur" de cette parole de Dieu qui est appel et promesse de vie.
Madame Hamide Aita
Tout d'abord je veux dire merci au Seigneur de m'avoir conduite au CSP. Comme M. Diserens vient de vous le dire, je travaille 3 matins par semaine à la Trouvenette pour répondre au téléphone, pour écouter ou pour prendre les commandes des meubles ou des vêtements. Quelques dames et moi sommes bénévoles pour trier les vêtements et aussi pour aider à la vente.
La régularité de leur engagement permet le bon fonctionnement de la Boutique. Les jours d'ouverture sont les mercredi, vendredi et samedi. Nous avons aussi un contact social avec beaucoup de personnes seules ou des réfugiés qui viennent tout simplement pour parler et partager leur "souci". Autour d'un café, nous les informons de l'aide qu'ils peuvent recevoir des Consultations Juridiques ou autres.
Vu ma situation de veuve avec mes 2 enfants, le CSP m'a beaucoup apporté moralement et j'en suis reconnaissante. Merci Seigneur.
Madame Ellen Brutslein
La paroisse de Montreux organise 1 fois par mois, un repas chaud et complet à midi, ouvert à tout un chacun. Ce repas appelé "repas partage" ne coûte rien; chacun donne selon son cœur. La collecte est destinée en partie aux besoins de la paroisse, mais surtout à une aide ponctuelle au tiers-monde ou à une organisation, comme "Sentinelle" par exemple.
Notre équipe de "repas partage" a grand plaisir chaque mois à revoir des visages connus des "habitués", qui viennent se retrouver, communiquer, sortir de leur solitude. Nous sommes heureux que des "non-habitués" de la paroisse, jeunes couples, jeunes en général, se joignent à nous. Nous souhaitons en rencontrer encore davantage, à l'avenir.
Jusqu'à présent, les participants à nos repas nous donnent l'impression d'apprécier beaucoup ces moments de convivialité, d'amitié et de gaité. Nous continuerons donc dans cet esprit.
Réalisateur de la parole de Dieu
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