Aimez-vous les uns les autres

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" Charte ". Est-ce un mot que vous utilisez souvent ? La définition du dictionnaire que j'ai consulté commence ainsi : " Au Moyen Age, titre de propriété, de vente, etc. " Ensuite, les exemples qu'il donne sont presque tous empruntés au passé, par exemple la Grande Charte d'Angleterre accordée par Jean sans Terre en 1215 ou la Charte constitutionnelle de la Restauration en 1814. Ce dictionnaire précise encore que, jusqu'au 19e siècle, on disait " une chartre ". Cette graphie est d'ailleurs encore admise. De toute évidence, ce terme a un petit air vieillot.
Pour ma part, je l'ai redécouvert dans mes relations avec des groupes utilisant des bénévoles, par exemple des groupes affiliés à l'Association des bénévoles vaudois ou encore les associations œcuméniques pour l'aumônerie en EMS.
Il y a une bonne vingtaine d'années, on a commencé à juger utile de clarifier le statut des bénévoles, notamment par rapport aux salariés et on a rédigé des " chartes ". C'est vrai que ce mot est plus joli que contrat ; il fait moins commercial ou administratif.

Dans l'Eglise, on utilise des bénévoles depuis la nuit des temps et on n'a rarement jugé nécessaire de mettre par écrit les droits et devoirs de celles et ceux qui s'engagent comme moniteur d'école du dimanche, conseiller paroissial ou qui acceptent de travailler pour la vente ou la kermesse.
Pourtant, la toute première Église chrétienne, c'était Jésus entouré de ses douze disciples. Eh bien, le texte que nous avons lu dans l'évangile de Matthieu nous dit que, aussitôt après avoir choisi ses compagnons, Jésus les envoie en mission en leur donnant une charte.
2000 ans après, l'Église Évangélique Réformée du canton de Vaud a rédigé une charte pour ses bénévoles. Elle a été distribuée au début du mois de juillet, et j'en ai reçu un exemplaire exactement trois jours avant notre rencontre avec Michel Kocher pour préparer ce culte ! J'ai donc trouvé intéressant de comparer la charte de Jésus avec celle de l'Église réformée vaudoise. Résultat : elles se ressemblent beaucoup. Tous les points que je vais faire ressortir maintenant du texte de Matthieu se trouvent aussi dans celui de l'EERV, sauf le dernier.

Versets de Matthieu 10 Paragraphes de la Charte des bénévoles de l'EERV
Jésus appelle 12 hommes pour faire partie du groupe de ses disciples 1 1
Jésus leur donne des outils (exousia, pouvoir de chasser les esprits mauvais…) 1 3
Ils sont reconnus en tant que personnes portant un nom pour les distinguer 2 - 4 5
Jésus les envoie (apostellô) 5 Alain Houziaux, dernière page
Jésus leur donne des instructions 5 - 8a 2
Les destinataires sont désignés 8a 2
Reçu gratuitement, donnez gratuitement 8b préambule
Ne prenez rien, vous avez droit à votre nourriture 9 - 10 5
Si on vous accueille, tant mieux ! Mais si on ne veut pas de vous, n'insistez pas ! 11 - 15 Valable pour certaines formes de bénévolat (par exemple les visites) ; cette notion ne figure pas dans la charte de l'ÉÉRV

C'est intéressant de voir la ressemblance entre l'envoi de ses disciples par Jésus et la charte de l'Église réformée. Et la ressemblance existe certainement aussi avec les chartes d'autres institutions.
Si Jésus a souhaité que les choses soient claires avant d'envoyer ses disciples en mission, je pense qu'il est bon de se laisser inspirer par lui. Cela permet aux bénévoles de se mettre au travail sur des bases solides et de se sentir accompagnés dans leurs tâches.
Ce culte sur le bénévolat ne pouvait pas avoir lieu sans donner la parole à des bénévoles ou des responsables de bénévoles. Nous en entendrons trois qui nous feront partager des expériences vécues dans le cadre de leur engagement. Nous mettrons chacun de ces témoignages en relation avec un bénévole de la Bible.

Vous connaissez toutes et tous l'histoire de la multiplication des cinq pains et des deux poissons (Jean 6, 1-14). Il s'agit bien d'une multiplication et pas d'une création. Il fallait donc, comme le raconte l'évangéliste Jean, qu'un garçon accepte de donner son pique-nique, bénévolement, pour que 5000 personnes puissent manger à leur faim. Jean-Paul, c'est un peu ce que vous faites aux Cartons du Cœur.

Je fais partie d'une association appelée " Cartons du cœur " de la région montreusienne, dont le but est de venir en aide aux personnes nécessiteuses de la région. Permettez-moi de préciser que lorsqu'on parle de personne ou de famille nécessiteuse, il ne s'agit pas d'une vue de l'esprit, mais d'une réalité fort douloureuse que nous côtoyons à chaque fois que nous leur venons en aide. De manière concrète, nous aidons ces personnes en leur apportant, dans des cartons, des denrées de première nécessité.
Dans le cadre de mes activités au sein de cette association, j'ai été amené à faire plusieurs livraisons. Laissez-moi partager avec vous une livraison que j'ai effectuée pour une femme et ses deux jeunes enfants.
Alors que j'étais dans la cuisine avec cette dame et que nous déballions ensemble les cartons, ses deux petits enfants sont arrivés et nous ont aidés dans notre tâche. Il fallait voir avec quelle joie et quelle excitation cette famille découvrait le contenu des cartons : "Regarde maman," s'exclame l'un d'eux "une plaque de chocolat !" ; "Et puis regarde," dit l'autre "une boîte d'ananas pour un dessert !"
La maman me regarde visiblement émue devant toute cette marchandise et me demande : " Vous êtes sûr que tout ça est pour nous ?" Je lui réponds "Oui." Nous finissons ensuite de vider les cartons tout en discutant.
Au moment où je reprends les cartons vides et où je m'apprête à lui dire au revoir, elle me saisit le bras et me dit : "Merci, merci pour tout ce que vous faites et tout ce que vous m'avez amené ! Je vais enfin pouvoir donner de bonnes choses à mes enfants."

Une autre histoire bien connue : Jésus est en train d'enseigner, à Capernaüm. Il y a tellement de monde qu'on ne peut plus entrer dans la maison. Quatre hommes, des bénévoles, redoublent alors d'imagination pour apporter quand même un paralysé à Jésus (Marc 2, 1-12). Accompagner quelqu'un pour qu'il puisse écouter la Parole de Dieu, c'est une des nombreuses activités bénévoles dont va nous parler Catherine.

Je suis assistante sociale dans le domaine médico-social et je mets mes compétences professionnelles à disposition du bénévolat. Et je fais du bénévolat : je donne de mon temps, j'investis de l'énergie, je mets à disposition mon savoir-être et mon savoir-faire, je mets à disposition mes compétences sociales.
Je donne et je reçois. J'ai une grande satisfaction, un grand plaisir dans l'activité bénévole. Je suis enrichie. Je suis prête à partager.
Le bénévolat organisé dans cette région, dans ce canton ou dans notre pays fait partie de la vie sociale. Il est très large. Il se fait au sein de sociétés culturelles et sportives, des partis politiques, des pompiers, etc. Le bénévolat social dont je fais partie offre, entre autres, différents services : distribution de repas chauds, accompagnements, transports bénévoles, visites à domicile ou en institution, préparation et livraison de cartons du cœur, engagement au sein de la paroisse comme catéchète, monitrice, membre d'un conseil, etc., accompagnement de personnes en fin de vie, garde d'enfants malades, pousse-lits à l'hôpital pour permettre aux patients d'assister au culte.
N'oublions pas le bénévolat non organisé qui n 'est pas moins social, il s'appelle " entraide . L'entraide entre voisins, dans la famille, dans le quartier, dans le village, entre amis. Et tout ce travail bénévole : complète le travail des professionnels, offre un plus dans la vie de tous les jours, apporte de l'air frais, amène le monde à tous ceux qui ne peuvent plus aller vers le monde, offre des services, est du domaine de la générosité et de la gratuité.

Un autre bénévole de la Bible : Joseph d'Arimathée qui va courageusement, nous dit l'évangéliste Marc, demander le corps de Jésus à Pilate pour l'enterrer (Marc 15, 42-47). Accompagner dignement les malades et leur famille jusqu'à la mort du patient et même au-delà, c'est ce qu'on fait à Rive-Neuve, établissement spécialisé dans les soins palliatifs à Villeneuve. Nous écoutons maintenant Yvette.

J'ai l'immense privilège, en tant que bénévole, de travailler à la fondation Rive-Neuve, maison de soins palliatifs qui accueille des patients en fin de vie ou des patients qui traversent une période particulièrement difficile d'une maladie inguérissable. Nous leur offrons un espace de ressourcement et une chance de repartir pour un bout de chemin ; nous essayons de soulager également les familles qui maintiennent des malades à domicile, souvent dans des conditions difficiles.
Rive-Neuve est un lieu de vie où chaque instant est précieux et, lorsque l'heure du départ arrive, il y a, pour la famille et les proches de nos patients, des moments pénibles mais importants à vivre. On sait que des situations de fin de vie mal vécues par les proches laissent des séquelles sur la suite de leur vie ou de leur santé ; il est donc indispensable de prendre soin de ceux qui seront les survivants.
Une de nos priorités, au moment de la mort, est d'offrir aux proches, dans la proximité de celui qui vient de partir, un espace pour vivre ce qu'ils ont encore à vivre, dans la liberté, le respect et la présence encore si vivante de l'être qu'ils chérissent, avec toute la sécurité de l'attention particulière et de la compassion que nous avons à leur offrir.
Dans cet aspect-là des soins, la présence des bénévoles est extrêmement importante ; leur rôle auprès des familles est irremplaçable.
Pour les proches, cet espace-temps de la mort est une sidération, un choc ; le temps s'arrête, ils vivent dans un autre monde. Les bénévoles se doivent de les relier à la vie, de leur redonner conscience qu'ils ont des besoins tels que boire, manger, se reposer ou parler. C'est aussi souvent le moment d'évoquer leur vécu avec la personne qui vient de partir.
A plusieurs reprises, dans des circonstances chaque fois différentes, j'étais présente au cœur de ces heures cruciales, j'ai pu consoler, écouter, conseiller, faciliter le dialogue, sans oublier que chaque histoire est unique et que l'accompagnement doit savoir rester discret, sans jugement par rapport à des comportements qu'il nous est parfois difficile de comprendre.
L'accompagnement des familles est parfois douloureux, mais ces moments privilégiés ont enrichi ma propre vie et ont transformé mon image de la vie et de la mort et ainsi chaque jour est un nouvel enrichissement.

Pour terminer, j'aimerais citer le testament du Christ lui-même. Ces deux versets se trouvent au chapitre 13 de l'évangile de Jean qui raconte notamment que Jésus a lavé les pieds de ses disciples. Dans le quatrième évangile, ce passage remplace l'institution de la sainte cène que l'on trouve chez Matthieu, Marc et Luc. Il pourrait être la devise de toutes et tous les bénévoles, comme il devrait être celle de tous les êtres humains : " Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Il faut que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés. Si vous vous aimez les uns les autres, alors tous sauront que vous êtes mes disciples. " (Jean 13, 34-35).

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Martine Reymond
Musique
Suzanne Perrin-Goy, hautbois