Frères et soeurs,
Ca y est, nous y sommes, Noël est là ! Et vous avez pris le temps, le temps d'être avec nous. Un temps pour souffler, un temps pour écouter, un temps pour recevoir. Un temps pour vous souvenir aussi, un temps pour une émotion, un temps pour vous réchauffer, un temps pour une espérance à partager. Un temps pour déposer le poids des soucis quotidiens, des soucis à venir. Un temps pour trouver la paix, un temps pour un peu plus d'amour. Fraternité, partage, courage pour mieux repartir sur les chemins de la terre avec le coeur dans les avenues du ciel.
Noël est là. Noël, naissance d'un enfant de Dieu qui vient nous dire Dieu avec des mots de nous, des mots à nous simples, parfois oubliés, souvent espérés. Ce qu'il y a de fantastique au coeur de la nuit de Noël, ce qu'il y a de fantastique dans la naissance de Jésus, c'est qu'en Lui, Dieu vient vivre parmi nous. En lui, Dieu est avec nous, pas contre nous, pas à côté de nous, mais avec nous.
Cet enfant de Dieu nous porte l'Amour, il nous apporte la Paix, il nous offre le Pardon, tout ça pour nous ! Pour nous et il faut ce matin faire preuve d'un peu d'humilité : nous comme on est, comme la vie nous a faits. Pour nous parfois, si égoïstes, si indifférents, si distants, et si peu aimants, si peu désintéressés, si peu artisans de paix. Si à Noël Dieu vient vivre avec nous, c'est parce que nous en avons besoin.
Ne me dites pas que vous n'avez pas besoin de son pardon ;
Ne me dites pas que vous n'avez pas besoin d'amour ;
Ne me dites pas que vous n'avez pas besoin de paix ;
Ne me dites pas que vous n'avez pas besoin de lumière.
Nous en avons tous besoin.
Noël, c'est un peu comme un miroir dans lequel on viendrait se voir comme on est vraiment. On croit toujours se connaître, mais au fond on se connaît si peu et on se croit toujours meilleur qu'on est. C'est notre cosmétique à nous. Noël, c'est une bonne dose d'humilité et de vérité qui vient éclairer notre vie. C'est la raison pour laquelle il faut prendre un peu de temps, plus si l'on peut, pour recevoir le cadeau que Dieu nous fait. Un cadeau qui se révèle être une lumière au creux de notre nuit, un coin de chaleur au coeur de la froidure du temps des hommes, une espérance renouvelée au sein de notre humanité.
Noël, Dieu avec nous, pour porter notre solitude, pour partager nos souffrances et nos peines, pour ne pas baisser la tête, pour ne pas avancer aveugle dans l'incertitude des temps qu'on vit. Et vous le savez bien, les temps qu'on vit ne sont pas très lumineux, ni tellement chaleureux. On croyait pouvoir tordre le cou au chômage, il est de plus en plus présent dans la mesure où il menace tout le monde ou presque. On croyait être capable de solidarité, on s'est aperçu que ce n'était qu'un mot qu'on pouvait presque oublier. On croyait pouvoir gagner les combats contre la maladie, on doit reconnaître que dans le monde, le mal a des ressources insoupçonnées. On croyait pouvoir être et vivre heureux, presque immortels, on a dû accepter notre petitesse. On voulait être riche des richesses de ce monde, on ne peut qu'ouvrir les yeux sur notre pauvreté, pauvreté d'être, pauvreté dans nos relations humaines, pauvreté dans notre connaissance du monde et des hommes, pauvreté dans notre capacité à lutter contre la haine, le racisme, la guerre.
On avait pourtant mis sur pied des organisations qui devaient nous permettre de faire face à toute éventualité. Elles se sont effritées, elles se sont embourbées dans le politique lui-même pris par la déraison, le pouvoir et trop souvent par l'intérêt personnel. Face à toute cette pauvreté, je crois qu'il faut réentendre le message de Noël, le réentendre dans sa simplicité, le recevoir dans notre humilité, dans notre profondeur, la profondeur du coeur. C'est ainsi qu'il aura la meilleure résonance.
Vous avez peut-être appris, à l'école, un jour la " Ballade des pendus" " de François Villon. Ce poème qui me touche commence par ces quelques mots :
" Frères humains, qui après nous vivez, n'ayez les coeurs contre nous endurcis ".
Ce matin, je dirais ceci :
" Frères humains qui vivez aujourd'hui, n'ayez les coeurs contre Dieu endurcis " ;
" Frères humains, qui aujourd'hui peinez et désespérez, ouvrez vos coeurs à la manne de Dieu. "
" Frères humains en cette nuit de misère vous êtes riches, riches d'amour, de paix et de pardon. "
" Frères humains qui demain vivrez encore, portez à pleines mains l'espérance que Dieu vous donne. "
C'est là votre richesse, la seule vraie, la seule qui donne la Vie. Vous désespériez d'être seul, seul, solitaire face à vous, face à ce qui tourmente vos vies. Vous n'êtes pas seuls, vous n'êtes plus seuls : Dieu est venu vivre avec vous. Le message de Noël est destiné aux hommes qui souffrent, aux hommes blessés. Il est destiné aux hommes qui ont faim de paix et de justice. Le message de Noël est destiné aux hommes abandonnés, à tous les laissés-pour-compte, à tous les petits qui ont tant de peine à avancer. Il est destiné à tous les recalés de la terre, ceux que j'ai moi-même recalés, cloués sur place parce qu'ils dérangeaient ma quiétude. Le message de Noël est destiné à tous les muets et les sourds de la terre, muets parce que j'ai trop parlé, sourds parce que j'ai trop crié. Il est destiné à tous les malades de la terre, tous les meurtris, tous les cassés, tous les abattus. " Un message, une bonne nouvelle qui sera une grande joie pour chacun. "
Pour que ce message nous touche tous, il ne faut pas nous croire trop riche, ni rassasié, ni abreuvé. Il faudrait se savoir petit, oser s'avouer ses faiblesses. Il faudrait reconnaître avoir besoin de la lumière de Dieu. Il ne serait pas utile que le Fils de Dieu soit né parmi nous si nous ne sommes pas capables de le recevoir et de le faire vivre à travers nous, aujourd'hui et bien plus loin que demain.
Je souhaite à tous un Noël de lumière, dans la paix, la joie et l'amour partagés dans la proximité de Dieu incarné en Jésus-Christ.
Amen !