Les lectures que nous avons faites ont pour auteur l'apôtre Paul. Ce champion de Dieu qui a donné une grande partie du fondement de la doctrine chrétienne à l'Eglise naissante, ou plutôt aux églises naissantes. Il a également inspiré de nombreux commentateurs et en particulier les réformateurs, et l'ensemble des grands renouveaux de la pensée et de la foi chrétienne.
Ces épîtres, c'est-à-dire ces lettres, s'adressent à des chrétiens d'origines différentes qui bien souvent s'opposent mutuellement. L'apôtre Paul a pour souci de préserver l'unité des premières communautés chrétiennes en expansion. Rome, en effet, était une ville cosmopolite, habitée par des personnes de différentes croyances, ethnies ou culture. En 5 ans, l'apôtre a parcouru près de 20'000 kilomètres et près de 30'000 personnes ont découvert l'Evangile. Bel exemple, mais au-delà des chiffres, cette diversité a posé de nombreux problèmes doctrinaux et éthiques. Il ne suffit pas de dire " je crois ", encore faut-il le vivre.
Ce sont les particularismes qui l'emportent et perturbent l'harmonie de la cité et de la communauté chrétienne naissante. Comment pouvoir dire Amen ensemble ? Ce sont des questions pratiques de la vie de tous les jours que Paul tente de résoudre. L'apôtre serait-il victime de son succès ou de son inculture, au point où il n'arrive pas intégrer les différences, qui sait ?
Pour mener à bien sa mission, il cherche un consensus comme nous dirions aujourd'hui. Il propose à ses gens si différents les uns les autres de s'accueillir les uns les autres. L'Ile de la Réunion n'est certes pas Rome, mais nous pourrions chacun d'entre nous ce matin y trouver matière à réflexion et à méditation.
Je souhaiterais relire et décliner ce mot Accueil à partir de trois expressions. Accueillir c'est regarder, c'est laisser entrer, c'est laisser sortir. Le dictionnaire grec nommé Bailly définit le mot accueillir par la notion de prendre pour attirer à soi, de resserrer les liens. En grec le mot accueil a le même radical que lambada, vous savez cette danse qui se pratique en Amérique du Sud, un peu comme notre sega ou maloya. C'est-à-dire se rapprocher pour faire corps, danser sur le même rythme, pour être au même rythme.
Accueillir quelqu'un c'est regarder :
C'est d'abord le voir, le remarquer, faire attention à lui. C'est se poser la question, est-ce qu'il existe vraiment pour moi ? Est-ce que sa présence touche mon être le plus profond. Certes regarder c'est voir avec ses yeux, comme je vous vois aujourd'hui. C'est voir également avec les yeux de l'intelligence du cœur et de l'esprit, j'en veux pour preuve au moment de l'arrestation de Jésus, c'était un petit matin autour d'un feu, il faisait froid juste après le reniement. Jésus s'est retourné pour regarder Pierre. Quelle était la teneur de ce regard ? Regard de reproche ? de pardon ? Le texte nous dit simplement que " Jésus regarda Pierre ", dans ce colloque singulier aucune parole n'a été échangée, les choses de la vie se sont fixées " et Pierre pleura amèrement ", un regard qui accueille peut transformer une vie.
Dans mon quotidien, s'il m'arrivait tout simplement de faire attention à mon voisin, qui est en fait mon prochain, de m'arrêter plus sur son être que sur son faire. Chers amis, que nous puissions nous exercer à vivre et à nous regarder avec les yeux de l'Esprit !
Accueillir c'est aussi laisser entrer :
C'est ouvrir le cercle pour laisser entrer. C'est donc restreindre un peu la place que l'on occupe, non pas laisser sa place. C'est laisser un espace où chacun peut y trouver son compte, à son rythme. Accueillir quelqu'un c'est ouvrir l'espace de sa tente comme le dit le prophète Esaïe dans son chapitre 54. Ici même dans notre région et la zone de l'océan Indien et plus près de nous dans notre Eglise nous en faisons souvent l'expérience. Nous venons d'horizon, de familles spirituelles différentes un peu à l'image de cette Eglise de Rome ou de Corinthe où chacun arrive avec ses préceptes, ses coutumes ou ses expériences spirituelles, auxquels nous sommes tellement attachés, parce qu'ils nous aident à vivre, nous qui avons laissé la terre de nos ancêtres, notre famille, une partie de nous-mêmes. C'est naturel et logique de retrouver ce qui a marqué notre vie.
Accueillir, c'est en définitive, risquer de perdre un peu de soi-même sans se déposer complètement, sans que l'harmonie soit perturbée, mais simplement modifiée par les richesses de chacun.
Accueillir c'est laisser sortir :
C'est sortir de sa coquille pour aller vers l'autre qui n'osera peut-être pas entreprendre le dialogue. C'est aussi briser une solitude, lui donner un lieu où il se retrouvera lui-même, à son rythme suivant son besoin, et sa recherche spirituelle, tout le monde ne progresse pas de la même façon, car chacun a son propre itinéraire composé de joies, mais aussi de ses propres blessures intérieures qui n'arrivent pas à se cicatriser.
S'accueillir les uns les autres, voilà le projet de l'apôtre Paul pour lutter contre les divisions où les options différentes. L'accueil c'est l'antidote à l'indifférence, il rompt le cercle de l'individualisme et des égoïsmes. La gratuité et le désintéressement dans l'accueil " pour la gloire de Dieu ", c'est peut-être le plus difficile. Nous sommes souvent tentés par un certain arrière-plan utilitaire. Demandons au Seigneur de nous libérer de la superstition et du fatalisme que rien ne peut changer. " Seigneur viens au secours de notre incrédulité. " Viens changer notre regard.
Le texte de l'épitre aux Romains insiste sur les uns les autres.
Il s'agit d'un accueil bilatéral. Ce qui ne va pas nécessairement de soi. Prenons garde à cet accueil, du riche accueillant le pauvre, du fort allant vers le faible, le lettré s'approchant de l'ignorant. Des pays du Nord s'apitoyant vers le Sud. La connaissance, ni le statut social ne sont pas les seuls critères de la plénitude de l'Esprit.
L'une des particularités de l'Eglise repose sur le fait que l'on ne se choisit pas, nous ne sommes pas un parti politique ou une amicale des anciens amis de Jésus, on ne vit pas exclusivement avec ceux qui vous ressemblent ou que vous avez coopté. L'Apôtre Paul dira il n'y a plus ni Juif, ni grec, ni homme ou femmes, il n'y a que ceux qui sont en Christ. Les différences ne sont pas annulées, mais seulement transcendées.
Chers amis dans le Seigneur, il n'y a plus de Malgaches, de zoreilles, de créoles, d'Africains. Mais il y a des frères qui ont choisi de répondre à l'appel de Dieu, et d'avoir le même Père. Nous devons ici même apprendre à vivre une nouvelle citoyenneté chrétienne. C'est l'une de nos vocations de chrétien et d'humain.
Arrêtons-nous maintenant sur le " comment nous accueillir "
Il n'y pas de modèle, de statut type, de mode d'emploi. Chaque génération, chaque type d'Eglise doit discerner et trouver des moyens, des langages qui lui soient spécifiques qui soient en face avec nos contemporains qui lui permettent d'être un témoin du Christ en fonction de son environnement et de son contexte.
Rappelons-nous comment nous avons été accueillis dans l'Eglise. Peut-être à travers un baptême, une confirmation, un sourire, une parole de grâce, un ami qui a pris du temps d'être avec vous, ou peut-être ce qui est moins médiatique à travers un temps de souffrance, de solitude, au moment où vous avez crié vers Dieu. Oui le Seigneur est celui qui nous accueille encore aujourd'hui.
Tous nos efforts pour nous connaître et nous apprécier n'ont d'autre fin que d'être un témoignage à Dieu et pour Dieu. La finalité de nos relations entre chrétiens ou de notre ouverture vers la cité, c'est tout simplement de poser des signes concrets qui fassent reculer l'incrédulité, l'indifférence, d'être des artisans de réconciliation et de libération.
Pour terminer et non conclure, je voudrais souligner une évidence. C'est d'ailleurs le titre d'un chant : " C'est en nous accueillant et en nous aimant les uns les autres que le monde saura et verra que nous sommes chrétiens. "
Je souhaite maintenant donner le mot de la fin a celui qui en ce début de prédication nous a exhorter à nous accueillir les uns les autres. L'Apôtre Paul, je le cite. " Que l'amour fraternel vous lie d'une mutuelle affection. Rivalisez d'estime réciproque. Soyez joyeux dans l'espérance, persévérants dans la prière. Réjouissez-vous avec ceux qui sont dans la joie, pleurez avec ceux qui pleurent, que la Paix du Christ soit votre force et votre espérance. " Tel est en ce dimanche mon vœu et ma prière pour chacun d'entre vous et pour notre Eglise.
Je ne vous dis pas Amen, mais bon courage et bonne route.
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