Ascension

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Après sa résurrection, le Seigneur Jésus ne s'est pas borné à reprendre le fil un moment interrompu de sa vie terrestre. Destiné à être élevé à la droite de Dieu — comme il l'avait dit au moment de sa condamnation à mort — et animé désormais par la puissance d'une vie indestructible, Jésus retarde cependant de quarante jours son accession à la gloire. Il donnera à ses disciples de nombreuses preuves de sa résurrection, afin que le témoignage qu'en rendront ses disciples soit sans bavure.

Mais l'heure de la séparation arrive, et ce qui nous surprend dans le récit de l'Ascension, est le rapport qu'en fait l'Ecriture : «Les disciples… retournèrent à Jérusalem avec une grande joie» (Lu 24 52).
Il suffit de penser aux adieux de Paul à Milet (AC 20 17-38) pour que le caractère tout à fait particulier de l'Ascension de Jésus saute aux yeux. A Milet, Paul se met à genoux, prie avec les anciens venus d'Ephèse, et tous fondent en larmes, se jettent au cou de Paul et l'embrassent, affligés surtout de ce qu'il a dit qu'ils ne verraient plus son visage (36-38).
La séparation d'avec Jésus est aussi poignante pour ses disciples, et cependant ils redescendent avec une grande joie. De plus, cette joie ne semble pas les avoir quittés jusqu'à la Pentecôte, dix jours plus tard, ni après. Nous touchons donc ici au caractère fondamental de l'église de Jésus-Christ : sa foi intarissable, ou mieux : le changement profond qu'opère l'Evangile chez ceux qui le reçoivent. Nous en reparlerons dans quelques instants.

Une fois de plus, le Seigneur Jésus ressuscité surgit de nulle part et rencontre ses disciples. Cette fois, c'est aux abords de Jérusalem. Jésus n'entre pas dans la ville, mais se met à leur tête et les entraîne avec lui vers le sommet du mont des Oliviers.
On s'imagine sans peine le groupe qui s'étire le long du chemin, traverse le Cédron, longe le jardin de Gethsémané et remonte la route étroite que Jésus monté sur un ânon avait suivie en sens inverse, sous les acclamations de la foule, lors de son entrée triomphale à Jérusalem. Il n'y a guère plus de six semaines de cela !
Voici l'endroit où il s'était assis, un ou deux jours plus tard, pour répondre aux questions de ses disciples, décrire la dévastation inévitable de la sainte Cité, et pour leur donner les signes qui annonceraient l'imminence de son retour, comme autant de coups de trompette. «Pour sûr, dit-il, le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point!».
La crête du mont des Oliviers est maintenant dépassée. Le groupe avance encore un peu en direction de Béthanie, où se trouve la maison de Marthe et de Marie. C'est là que Jésus a ramené Lazare d'entre les morts, et là qu'il a déclaré : «C'est moi, la résurrection et la vie!» (Jn 11, 25), puis, devant le sépulcre, s'adressant à Dieu : «Pour moi, je sais que tu m'exauces toujours» (Jn 11, 42).
Sa propre résurrection, toute récente, infiniment plus glorieuse que celle de Lazare, a divinement confirmé ces deux déclarations. Il est la résurrection et il est la vie. Il est le Fils de Dieu — le Dieu-Fils.
Le moment de se quitter est arrivé. Une dernière question : «Est-ce en ces jours que tu vas rétablir Israël dans sa gloire d'antan ?» (Ac 1,6). Le Seigneur, tout en confirmant que ce rétablissement aura bien lieu, ne donne pas de réponse. Tout est encore en suspens. La Pentecôte va mettre en demeure ceux qui conduisent Israël de se décider pour ou contre ce Jésus qui a été fait par Dieu «Messie et Seigneur» (Ac 2, 36). De leur choix vont dépendre la paix et le bonheur de leur peuple.
Encore quelques mots qui fixent le privilège et la responsabilité de ceux qui lui appartiennent jusqu'à ce qu'il revienne. «Vous me serez témoins» (Ac 1,8), durant tout son absence pour les uns, aux jours dramatiques qui marqueront la fin de notre âge pour les autres, puis Jésus lève les mains et il bénit ses disciples.
C'est dans cette attitude qu'il s'élève, le visage penché vers ses disciples qui sont tombés à genoux et l'adorent, les yeux rivés sur lui. Bientôt la nuée lumineuse l'enveloppe et l'emporte…
réveillés de leur contemplation par la voix et le message de deux hommes, les disciples redescendent à grands pas vers Jérusalem, en chantant, débordants de joie.

Ces hommes et ces femmes ont changé. Jérusalem n'a pas changé. Ceux qui les détestent n'ont pas changé. Ce sont eux qui ne sont plus les mêmes. Eux qui se barricadaient dans la chambre haute, les voilà qui loin de fuir Jérusalem et d'aller se terrer en Galilée, rentrent dans la ville où leur Maître vient d'être crucifié. Ils courent au Temple. Tous peuvent les reconnaître. De joue en joue on les y rencontre. Ce n'est ni de la provocation, ni de la propagande. Ils rendent au sanctuaire du Dieu vivant sa vraie fonction, celle d'être une maison de prière pour tous les hommes, et le lieu où la louange monte vers Dieu sur les ailes de la joie.
Ce n'est pas encore la Pentecôte : dans dix jours, la puissance promise par le Seigneur Jésus décuplera alors leur hardiesse. La conscience que Christ lui-même vit en eux mettra le comble à leur assurance. Ils trouveront alors les mots clairs qui disent à tous les grandes choses que Dieu a faites pour l'homme perdu par Jésus-Christ. Ils ne possèdent encore rien de tout cela, mais déjà ils bénissent Dieu. Et bénir signifie tout simplement dire de bonnes choses de Dieu, lui qui nous a fait tant de bien en donnant son Fils pour nous sortir de notre misère.
D'où vient cette soudaine exubérance ? Je crois qu'ici nous pouvons rejoindre au travers des siècles ces précurseurs privilégiés. Nous n'avons jamais vu le Christ. Nous n'avons pas assisté, éperdus d'admiration, à son Ascension. Mais nous connaissons ce jaillissement de joie qui est la caractéristique de ceux qui sont entrés dans le royaume de Dieu — non seulement la joie, mais la justice et la paix dans le Saint-Esprit (Ro 14, 17).
Nous connaissons cette joie qui, comme une immense nappe d'eau souterraine, est prête à jaillir en hautes gerbes étincelantes n'importe quand et n'importe où dès qu'on lui ouvre un passage. Elle est là, sous nos pieds, en nous, dans nos chagrins et dans nos deuils, dans nos lassitudes et dans nos désillusions. Notre Seigneur n'a-t-il pas dit, «Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous, et que votre joie parvienne à son comble» ?

Nous découvrons que les raisons de l'allégresse de ceux qui dévalaient le chemin vers Jérusalem sont les mêmes que les nôtres.
Comme eux, nous savons que le Christ est vivant. Eux l'ont vu. Nous, sans le voir, nous le savons vivant déjà à cause de cette parole qui s'impose à notre intelligence, à notre conscience et à notre coeur. Nous savons que, si nous nous dérobions à la conviction de profonde vérité qu'elle produit en nous, nous fausserions à jamais notre intelligence.
Dans ces mains qui bénissent et ce visage qui nous sonde avec amour et sans complaisance, car il veut vraiment nous libérer de nous-mêmes, nous voyons le signe du sacerdoce que Jésus-Christ a assumé en notre faveur. Il intercède pour nous. Il plaide pour nous, et il plaide en nous, afin que sa mort sur la croix ne soit pas inutile.
Comme eux nous savons que le Christ revient. Son départ ne signifie pas qu'il ait tourné le dos à une humanité qui ne veut pas de lui. Son double retour, pour les siens d'abord, puis pour le monde, produira l'effondrement définitif de l'impiété et de l'injustice qui sont la cause de tous nos maux. Ce sera surtout la fin du dieu de ce monde.

Comme eux, nous sommes ceux que le Christ a bénis. Le Seigneur, en les bénissant, leur avait transmis quelque chose de lui-même, impalpable mais suffisant pour les porter jusqu'au jour de Pentecôte. Christ nous bénit, nous, en nous donnant immédiatement ce qu'ils ne reçurent qu'alors : lui-même en nous. Il ne cesse de nous faire du bien en se communiquant lui-même à nous, tout ce qu'il est, tout ce qu'il veut, tout ce qu'il aime. Il nous bénit en nous rendant bons comme lui - Nous le savons, et nous apprenons à lui permettre d'agir en nous sans entrave. Voilà ce qui explique notre intarissable joie.
Avons-nous perdu cette joie ? Ne l'avons-nous jamais connue ? Tombons à genoux, comme les disciples le firent sur la montagne des Oliviers. Non pour nous replier une fois de plus sur nous-mêmes, mais pour lever les yeux vers celui qui vit éternellement et qui, de la puissance qui agit en nous, infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons» (Ep. 3, 20).

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Détails

Avec la participation de
Francy Cachelin, commissaire; prés. : Pierre-Yves Charpilloz, capitaine; Maurice Motte, colonel
Orgue
Musique
La chorale du poste, dir. Beat Geiser, sergent

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