Divinement irrésistible !

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C'est toujours une joie de se retrouver entre frères chrétiens pour écouter la même parole, partager la même prière et communier, autant qu'il est possible, au même Seigneur. Mais en même temps, comment le dire, c'est comme une blessure qui s'ouvre. Car on sait bien que cette rencontre demeure exceptionnelle et atteste une fois de plus la réalité de nos divisions, malgré tous les progrès accomplis sur les chemins de l'unité. Où célébrerons-nous dimanche prochain ? Chacun de notre côté, hélas.
Faut-il poursuivre ce chemin qui ressemble parfois à une impasse ? Certains sont tentés d'abandonner, de se résigner : à quoi bon se fatiguer ? Pourquoi s'évertuer à réaliser à tout prix une unité visible apparemment impossible à réaliser ? A l'opposé, d'autres sont tentés de pratiquer le forcing : oui, forçons le passage, transgressons, les digues dogmatiques et institutionnelles finiront bien par céder elles aussi.
Entre ces deux attitudes, comment trouver la voie juste ? Non un compromis bien suisse, style moitié-moitié — il n'y a pas de bonne recette oecuménique, ce n'est pas non plus une question de stratégie — mais une voie de crête qui ne peut venir que de l'évangile et comme une réponse à une parole écoutée ensemble. Une parole qui retentit aujourd'hui comme appel.

Le Seigneur nous appelle à sortir de notre sommeil, comme il a appelé le jeune Samuel au coeur de la nuit. Un appel que le prêtre a mis bien du temps à prendre au sérieux et à identifier, avant d'indiquer finalement à Samuel la réponse juste : Parle Seigneur, ton serviteur écoute. C'est ce que nous voulons redire ensemble aujourd'hui et durant cette semaine de prière pour l'unité : Parle Seigneur, tes serviteurs écoutent. Une écoute vraie et profonde, qui fasse bouger quelque chose en nous et nous aide à mieux comprendre et accueillir ce que Dieu veut de nous.
Une première parole nous est donnée par saint Paul dans le passage de sa lettre aux Corinthiens choisi pour cette semaine de l'Unité. En fait, nous dit l'apôtre, c'est Dieu lui-même qui vous adresse un appel : au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. Nous avons bien entendu l'appel : c'est avec Dieu qu'il faut se réconcilier. Non pas que nous n'ayons pas besoin de réconciliation entre nous. On sait les dissensions qui existaient dans la communauté de Corinthe. Mais il vient un moment où il n'y a pas d'autre voie que de remonter plus haut, ou de descendre plus profond, à la source de toute réconciliation : Dieu.
Car tout vient de Dieu, c'est lui qui nous a réconciliés avec lui par le Christ. L'unité que nous cherchons est d'abord oeuvre de Dieu et non-fabrication humaine. C'est la raison de notre rassemblement : non faire quelque chose, mais recevoir ensemble quelqu'un et ce don de la réconciliation qui fera de nous une créature nouvelle, une Eglise renouvelée, une et sainte devant le Seigneur.
En même temps, saint Paul nous dit que Dieu ne nous réconciliera pas sans nous, sans notre active collaboration. Il a besoin de nous, de notre service, pour accomplir son oeuvre de réconciliation. A nous aussi il confie le mystère de la réconciliation et il nous envoie en ambassade, les uns auprès des autres, pour préparer la rencontre avec le Christ et la pleine communion entre nous.

C'est ce que nous voyons déjà réalisé dans l'évangile de ce dimanche : un évangile d'appel et de rencontre. Aux deux disciples à qui Jean Baptiste a montré l'Agneau de Dieu, Jésus dit : Que cherchez-vous ? Ce sont, dans le quatrième évangile, les premières paroles du Verbe incarné : une question qui peut paraître anodine, mais qui s'adresse en réalité aux profondeurs de tout homme qui veut se mettre à la suite du Christ. Que cherchez-vous ? Quand nous parlons d'oecuménisme, d'unité chrétienne, que cherchons-nous ? A réaliser notre rêve d'unité, notre vision de l'Eglise ? Ou cherchons-nous à rejoindre la vision du Christ, la volonté de Dieu ?
L'abbé Maurice Zundel, dont nous fêterons après-demain le centenaire de la naissance à Neuchâtel, posait déjà en 1934 la même question :
« Qu'est-ce que le Christ veut de nous ? Dans la mesure où nous adopterons cette perspective théocentrique, nous deviendrons sensibles à tout ce qui nous unit déjà avant de ressentir ce qui peut encore nous séparer; nous percevrons la résonance intérieure des mots plus que leur signification matérielle, davantage attentifs, chez nos frères, au témoignage de la foi vivante qu'à celui des discours... »

A la question de Jésus, répondrons-nous comme les disciples : Où demeures-tu ? C'est-à-dire : où pouvons-nous te trouver ? dis-nous où est ta maison pour que nous puissions y demeurer avec toi assez longtemps pour trouver cette unité que nous cherchons. C'est avec toi que nous trouverons le chemin de cette maison commune où tu voudrais nous rassembler.
Pour cela, il nous faut accepter aussi que d'autres frères chrétiens nous aident à mieux connaître le Christ et nous conduisent plus près de lui. C'est André qui annonce le Messie à son frère Simon, celui qui deviendra Pierre, le premier des apôtres et c'est lui qui le conduit à Jésus. Pourquoi aujourd'hui encore celui qui s'appelle le successeur de Pierre ne serait-il pas aidé par d'autres à mieux connaître le Christ et à mieux le servir, en particulier dans son ministère d'unité comme il l'a d'ailleurs lui-même souhaité ? Aidé par ses frères apôtres d'Orient et d'Occident : le successeur d'André, le patriarche de Constantinople, le primat de l'Eglise anglicane, le secrétaire du COE. La réciproque est aussi vraie : nous pouvons tous, sans exception, nous aider mutuellement à mieux connaître le Christ et à mieux le suivre sur ces chemins de l'unité pour laquelle il a prié et donné sa vie.
A cause de cette prière, à cause de cette vie offerte pour rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés, nous pouvons dire avec le Père Congar, ce pionnier de l'oecuménisme aujourd'hui décédé: « L'unité des chrétiens est humainement impossible, elle est divinement irrésistible ».

Amen.

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Avec la participation de
Jean-Louis Eplattenier, pasteur
Orgue
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