Emerveillement ou désenchantement ?

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Ca y est, chers amis, la chasse est ouverte ! Jésus renverse tout ce qui permettait le service juteux des sacrifices, il chasse marchands et vendeurs. il restaure l'espace de prière qui permet à chacun de découvrir la pleine miséricorde du Seigneur et d'en vivre.

Jésus s'impose donc comme le témoin d'une autre relation entre Dieu et les hommes. Toute l'organisation des sacrifices, qui visait à plaire au Seigneur en s'approchant de lui en ayant acquis une certaine pureté, est balayée par l'acte audacieux de Jésus. Il affirme ainsi que ce qui plaît vraiment à Dieu ce ne sont pas les sacrifices rituels, mais l'exercice de la miséricorde. Il ne s'agit donc plus de se hisser tant bien que mal vers Dieu au moyen de tout un appareil liturgique. Au contraire, à cause de sa miséricorde, il convient de se glisser le plus possible les uns vers les autres.

Et le miracle ne se fait pas attendre : des aveugles et des boîteux s'avancent dans le temple. Ils osent entrer dans le lieu interdit où ils n'ont jamais pu pénétrer à cause de leur développement différent. L'espace de prière leur est offert comme un espace d'accueil et de guérison. Il n'en faut pas moins pour que des enfants perçoivent que quelque chose du Royaume de Dieu est en train de se jouer. Ils se mettent à crier de joie dans le temple : "Hosanna au Fils de David".

Mes amis, dans vos lieux de culte habituels : quel taux d'accueil des personnes connaissant un développement différent ? Quelle capacité de guérisons ? Terme que je traduirais volontiers par la possibilité de reprendre pieds, de se redresser, d'être des hommes et des femmes debout ? Quel cri de joie pour acclamer ces véritables résurrections qui sentent bon le Royaume qui vient ?

J'entends déjà les grognons dire : c'est quoi ce vacarme dans l'église où le silence est de rigueur ! C'est quoi ces gens bizarres qui perturbent l'attention par des attitudes insolites ! C'est quoi ces accents de liberté qui menacent de changer notre religion !

Accueil - guérison - cri de joie

Trois mots qui résument la dimension diaconale ouverte par l'Evangile, trois mots qui fondent l'éthique de la résurrection. Mes amis, constatez avec moi : n'est-il pas extraordinaire que cette riche réalité de l'Evangile se situe dans le lieu même du culte. C'est là où se rassemble la communauté que Jésus agit. Alors n'est-il pas plus extraordinaire encore qu'il ait fallu sortir des temples et des paroisses pour créer une oeuvre indépendante performante capable de vivre cette réalité évangélique : le Centre Social Protestant ?

Entendons-nous bien. Voilà tout ce que nous reconnaissons au Centre Social Protestant : la compétence, la disponibilité, le sens de l'accueil, l'accompagnement, la remise sur pieds et la joie de voir des hommes et des femmes reprendre goût à la vie. Or, avec tout cela, le CSP ne demeure pas moins le signe que quelque chose ne va pas bien dans nos communautés paroissiales. Gavés de l'Evangile, engoncés dans nos habitudes communautaires, nous sommes souvent de plomb quand il s'agit de faire un peu de place à l'inconnu! Et ce n'est sans doute pas pour rien si un jour entrant dans une église on m'a fait comprendre que je m'étais assis à la place occupée régulièrement par une fidèle paroissienne. Que choisir entre la fidélité qui rassure et confirme et l'accueil qui ouvre à l'inconnu et à l'émerveillement ?

Attentifs à la lecture de l'Evangile qui nous invite à aimer et à faire oeuvre de miséricorde, quelle dureté de coeur nous charrions face à tous ceux et celles que la vie a meurtris par le deuil, la séparation, le divorce, l'échec, la perte du travail. Or, et nous le savons bien, cette dureté souvent involontaire laisse à la porte ceux-là mêmes qui auraient besoin de retrouver un lieu de miséricorde. Comptant sur nous comme on compte sur des alliés, ils pourraient reprendre pied, retrouver l'espérance, être guéris.
Que choisir : briguer l'obtention d'un certificat de bonne vie et moeurs chrétiennes quitte à contribuer à l'épuration de nos communautés, ou prendre la liberté de faire alliance avec ceux et celles qui dans leur dérive n'osent même plus faire halte dans le lieu où est proclamée la miséricorde de Dieu à toute l'humanité.

Alors, c'est vrai, j'en veux au CSP, car il risque de contribuer à donner bonne conscience à toute l'Eglise : d'un côté on aurait les paroisses, de l'autre le CSP. D'un côté la Parole de l'évangile et son enseignement, de l'autre l'action évangélique et humanitaire. La foi ou les oeuvres. Et l'on sait bien qu'avec l'une, mais sans l'autre rien ne va plus !

Il est indéniable que la complexité des situations humaines demande beaucoup de professionnalisme et d'expérience. Il est donc heureux que l'Eglise puisse offrir un tel service à toute la population. Mais en même temps, 44 paroisses ne sauraient se soustraire à cette exigence de l'Evangile qui voit Jésus ouvrir lui-même l'espace cultuel à l'accueil, à la guérison et au cri de joie. J'en appelle donc aux communautés paroissiales pour qu'elles ouvrent la saison de la chasse à tout ce qui en elles génère l'éloignement et l'exclusion, à tout ce qui en elles limite l'espace où il fait bon vivre la miséricorde du Seigneur.

Alors je rêve du jour où le cri des enfants de Dieu qui clament leur louange et leur reconnaissance d'avoir vu des hommes et des femmes se redresser et marcher à cause de sa miséricorde étouffera la voix des ronchonneurs.

L'aveugle et le boîteux ont illustré deux manières d'être face à la guérison : émerveillement ou désenchantement. Accueil de la liberté avec les risques de la vie, ou choix de la dépendance qui entretient la non-vie. L'aveugle et le boîteux illustrent deux réactions possibles, voire courantes face à la guérison. Ils sont aussi les témoins des comportements possibles, voire courants face à la guérison. Ils sont aussi les témoins des comportements possibles en réponse à la miséricorde jusque dans les lieux consacrés à la louange du Seigneur.

Dans un instant, vous entendrez deux autres témoignages. L'un nous viendra d'Emma Allemand, collaboratrice du CSP, responsable du vestiaire qui a été créé en 1956 pour répondre aux besoins suscités par l'accueil des réfugiés hongrois, l'autre sera celui du directeur du Centre social protestant Dominique Lang.

Amen

Emma Allemand, responsable du vestiaire du Centre Social Protestant

Il y a peu de temps, Joel m'a demandé pourquoi notre Institution s'appelle "Centre social protestant" en ajoutant : "Après tout, contre quoi protestez-vous ? La naissance du Centre social est due à un pasteur inspiré, sans doute, par la phrase biblique : Aime ton prochain comme toi-même. Et depuis de longues années, le Centre social protestant essaie de réaliser ce mandat grâce au soutien financier des amis protestants et à une grande quantité de personnes qui sans être identifiées à notre foi sont prêtes à nous épauler. Mais qu'il est difficile d'aimer le prochain comme nous-mêmes ! Est-ce que "aimer mon prochain" signifie essayer d'être attentif à la nécessité présente dans notre société sans distinction de race ni de religion ? Je dis bien sans distinction de race car, il y a deux mois, une jeune maman suisse arrive chez nous, au vestiaire, avec ses deux enfants, en nous disant : "Je croyais que le Centre social protestant existait seulement pour aider les étrangers, sans jamais penser qu'un jour je pourrais être accueillie, écoutée et aidée comme vous l'avez fait". Certainement, ce lieu d'accueil personnalisé est témoin des changements d'attitudes des personnes qui sont à la recherche d'aide matérielle, mais aussi d'une écoute, d'un partage vers la justice et la paix.

Mais, aujourd'hui, entre les malades du sida, les chômeurs, les drogués, les foyers divisés, les orphelins de guerre, les torturés, les persécutés, les femmes seules, les vieillards isolés, quelle signification peut avoir "Aime ton prochain comme toi-même ?"

Nous ne pouvons pas tout faire, bien sûr...

C'est grâce à la collaboration étroite entre les différents secteurs du Centre Social Protestant que la grande palette de besoins de nos clientes peut trouver une gamme de réponses. Il y a aussi les personnes bénévoles du Centre qui, semaine après semaine, apportent aux bénéficiaires le bien-être de se sentir compris et accompagnés. Très souvent, le coup de main, que notre Institution donne se transforme ensuite en coup de main que l'on reçoit. Telle est l'expérience racontée par Sébastien qui nous disait l'autre jour : "autrefois, quand je n'avais ni toit, ni travail, ni santé et que je me trouvais sans aucune ressource, vous m'avez aidé. Aujourd'hui, je vais mieux et je suis heureux de pouvoir vous offrir mes services comme chauffeur bénévole afin d'apporter mon témoignage de paix à quelqu'un qui souffre dans la solitude." Voilà certainement l'esprit qui a inspiré le Centre social protestant.

L'évolution de notre société, le monde qui se détériore avec les guerres et les conflits, les générations qui souffrent du changement, tout cela nous permet de dire heureusement qu'il existe encore des institutions chrétiennes comme le Centre social protestant qui essaie de donner un coup de main à celui qui le demande.

J'aimerais conclure en citant la confession de foi d'un groupe de femmes protestantes de la Suisse romande disant ceci : "Parce que nous croyons en un Dieu vivant, nous sommes poussées à rendre dans le monde un témoignage cohérent, nous essayons de garder les yeux ouverts sur le monde et l'avenir, nous travaillons pour le respect de la vie et la défense des droits de l'homme, nous nous efforçons de créer des conditions de justice qui favorisent la paix entre les êtres et les peuples". Nous savons que notre engagement, s'il est sérieux, peut nous créer des difficultés, mais malgré tout cela, nous espérons, car nous croyons que Dieu utilise notre faiblesse".

Témoignage : une interpellation éthique par Dominique Lang, directeur du Centre Social Protestant.

Nos statuts rappellent que le "Centre Social Protestant" a pour but, conformémement à l'évangile et dans la communion de l'Eglise de Jésus-Christ, de servir les humains et de promouvoir la justice sociale.

Promouvoir la justice sociale, c'est donner un sens et un contenu à l'amour du prochain. C'est manifester une solidarité active avec ceux qui souffrent, qui sont opprimés, exclus, exploités, c'est assurer leur défense, quelle que soit leur nationalité, leur appartenance ethnique, politique ou religieuse. C'est aussi, aujourd'hui et maintenant combattre la xénophobie et le racisme, thème de la plus brûlante actualité. Le CSP est un service diaconal par lequel l'Eglise veut se manifester au nom de l'évangile libérateur. C'est un mouvement d'hommes et de femmes venus d'horizons divers, mais unis dans des convictions et un engagement sans cesse renouvelé, s'appuyant sur des valeurs. D'abord une indignation, une protestation qui ne se résigne pas devant les expressions multiples de l'injustice, devant tout ce qui défigure l'humain. C'est ensuite une espérance qui s'accroche malgré tout : l'accueil peut l'emporter sur le rejet, le respect sur le mépris, le partage sur l'égoïsme, la fraternité sur la peur, chez des individus aussi bien que parmi les familles et les peuples. Espérance ancrée dans le compagnonnage avec ceux qui ne partagent pas nécessairement notre foi, mais se réfèrent pourtant à l'idéal des droits et de la dignité de chaque être humain.

Espérance portée et renouvelée par une entraide concrète. Car notre principe d'action est bien la solidarité, quand bien même on ne trouve nulle trace de ce mot dans les évangiles. Je crois pourtant que manifester sa solidarité avec l'étranger qui vit parmi nous, le requérant d'asile qui fuit la violence et les persécutions ou le travailleur immigré qui cherche à s'échapper de la pauvreté, c'est mettre l'évangile en mouvement. C'est contribuer à vaincre la peur, à créer des relations plus conviviales, à rendre ce coin de terre habitable.

C'est l'honneur du CSP d'avoir, dès les premiers jours, été aux côtés des travailleurs immigrés, ces Italiens et ces Espagnols que dans les années 1960 on appelait encore les "saisonniers", puis les requérants d'asile et les réfugiés, venus des quatre coins du monde. Hongrois, dans les années 1950, Tchèques dans les années 1960, Chiliens dans les années 1970, puis, à partir de 1980, Erithréens, Angolais, Tamouls, Iraniens, Bosniaques, Kosovars....

Nous accueillons, nous écoutons et nous accompagnons toutes ces personnes avec la conviction que l'aide individuelle et la défense d'un seul cas est toujours une manière de défendre le droit de tous. Face au repli frileux, au durcissement des lois et aux menaces d'expulsion, nous continuons de défendre les demandeurs d'asile et de les accompagner dans leurs démarches. Face aux discriminations et aux exclusions, nous voulons soutenir l'insertion des étrangers, en les aidant à trouver un travail et un toit, en leur facilitant l'apprentissage de la langue et en favorisant la recherche de solutions face aux difficultés administratives.

En menant avec obstination ces actions quotidiennes, souvent méconnues, le CSP veut témoigner et apporter sa contribution pour faire avancer le droit et les libertés. C'est un enjeu éthique considérable et un fantastique défi.

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Détails

Avec la participation de
Orgue
Musique
Chorale de la Paroisse protestante de Bernex-Confignon (GE), dir. Georges Bolay
Emiliano Gonzalez, Haut-Bois & Elisabeth Gradisky, violoncelle

En collaboration avec