Mesdames et Messieurs, chers Frères et Soeurs dans le Seigneur,
Ma femme et moi-même sommes très heureux et infiniment reconnaissants de pouvoir être ici ce matin et nous vous remercions de votre sympathique présence. Permettez-nous de remercier de façon toute particulière, individuellement et collectivement, toutes et tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la parfaite organisation de notre voyage, de notre séjour à Caux et particulièrement du Culte qui nous rassemble dans cette chapelle. Nous vous prions de bien vouloir accepter le salut fraternel des chrétiens et chrétiennes du Cameroun, et plus particulièrement de ceux de l'Eglise Presbytérienne Camerounaise, Paroisse de Messa II à Yaoundé, dont la plupart sont en ce moment même unis à nous par la prière.
Chers Frères et Soeurs, Dieu a un plan pour l'humanité tout entière et pour chacun de nous. Ce plan fait de nous des témoins d'une importante période de l'Histoire du Monde. Nous sommes des témoins de la fin du 20e siècle et de la fin du deuxième millénaire après notre Seigneur Jésus Christ.
Comment l'humanité se présente-t-elle en cette période ? Eh bien, chers Amis, le bilan est sombre : des dizaines de millions d'êtres humains souffrent de la faim à travers le monde, tandis qu'une infime minorité est malade de trop d'abondance. Plusieurs peuples ont adopté la guerre comme système de gouvernement et mode de vie, ils comptent leurs morts par milliers voire par millions. Le chiffre de personnes déplacées et sans-abri devient chaque jour plus effrayant. Le nombre de suicides augmente de façon alarmante. Des millions de jeunes sans travail, livrés à l'oisiveté, mère de tous les vices, le terrorisme, les foyers désunis, les conflits entre parents et enfants, le trafic de la drogue, la sexualité sans retenue et parfois contre nature, la corruption dans les affaires. Ce triste tableau est loin d'être exhaustif.
Devant cette situation désolante qui n'est que l'expression actualisée de la séparation de l'homme de son Dieu, conséquence de sa désobéissance, Dieu a besoin des hommes et des femmes par qui bénir le Monde, par qui sauver le Monde, à qui confier le Ministère de la Réconciliation.
Qui peuvent être ces hommes et ces femmes ? Dans les passages lus, le prophète Jérémie et l'apôtre Paul nous présentent comment s'opère une réconciliation.
En effet, nous y découvrons que le processus de réconciliation met en présence deux types de personnes qui sont acteurs de la réconciliation : l'offenseur et l'offensé. L'enseignement que nous tirons de ces deux lectures est que l'initiative de la réconciliation appartient indifféremment à l'offenseur et à l'offensé. Dans le conflit qui oppose l'homme à Dieu, l'homme, le pécheur, est l'offenseur et Dieu l'offensé. Mais paradoxalement, c'est Dieu, l'offensé, qui prend l'initiative de se réconcilier avec l'homme l'offenseur, une attitude humainement impensable. Dieu prend librement et volontairement la décision de ne plus tenir compte des fautes et des infirmités de l'homme. Faisant preuve de tolérance, il renonce délibérément à la vengeance, accorde par anticipation le pardon à l'homme, le rend juste à ses yeux. Dieu rétablit la confiance et la paix perdues entre lui et l'homme et se charge de sa propre autorité d'en payer le prix par le sacrifice de son Fils Unique Jésus Christ. Et ce n'est pas tout, Dieu fait preuve d'une extrême humilité en courant après l'homme pour lui annoncer la bonne nouvelle que plus rien ne les oppose et le supplie même de bien vouloir accepter d'être réconcilié avec lui, de bien vouloir accepter le pardon.
Aujourd'hui, comme hier au peuple d'Israël, Dieu lance un appel pressant à tous les peuples de la terre de cette fin du deuxième millénaire : "Revenez, infidèles peuples du monde, je ne jetterai pas sur vous un regard sévère, car je suis miséricordieux. Je ne garde pas ma colère pour toujours".
Voilà le message que Dieu adresse aujourd'hui à tous les offensés, tous les opprimés et défavorisés du monde, de ne plus s'enliser dans une fausse satisfaction d'avoir raison et de porter des accusations contre l'offenseur, de l'humilier à tout prix; mais chercher plutôt la chose juste, c'est-à-dire tout mettre en oeuvre pour rétablir la confiance, l'espérance et la paix. Dieu nous invite à savoir pardonner et recréer un climat de confiance et de paix avec notre offenseur.
En contrepartie, qu'attend-on de l'offenseur ? La justice humaine exige déjà à l'offenseur de faire le premier pas. Mais dans les deux passages lus, son rôle est second mais l'attitude à adopter est presque la même.
Dans l'appel de Jérémie, Dieu déclare : "Reviens infidèle Israël. Je ne jetterai pas sur vous un regard sévère, car je suis miséricordieux. Je ne garde pas ma colère à toujours. Reconnais seulement ton iniquité, reconnais que tu as été infidèle à l'Eternel ton Dieu... Revenez, enfants rebelles, car c'est moi qui suis votre Maître... Je vous donnerai des dirigeants qui me conviennent et qui sauront vous conduire avec compétence".
Ainsi, l'offenseur doit briser son orgueil, faire preuve d'honnêteté et de courage en portant sur lui-même un regard de vérité et en reconnaissant ses fautes. Il doit faire preuve d'humilité et d'amour en se repentant de ses infidélités. Il doit faire tomber les masques de la honte et des fausses peurs et demander pardon. Enfin, il doit pouvoir accepter le pardon, accepter d'être réconcilié avec Dieu et avec son prochain.
Tous ceux qui sont réconciliés avec Dieu par Jésus Christ et réconciliés entre eux, offenseurs et offensés deviennent des êtres nouveaux, des hommes et des femmes à qui Dieu confie le Ministère de la Réconciliation. Ces êtres nouveaux, appelons-les les hommes de Dieu. Ceux qui, désormais, marchent avec Dieu, vivent en communion avec lui et qui portent la marque de sa présence. Ils sont remplis de la gloire de Dieu qui domine corps, âme et esprit. Ce sont des hommes et des femmes dans les coeurs et les vies desquels Dieu occupe la place qui lui revient, celle du tout en tous; des hommes et des femmes qui ne désirent qu'une seule chose, à savoir que Dieu ait sa place légitime dans le monde.
Chers Frères et Soeurs, Dieu a besoin des hommes et des femmes par qui bénir le monde, par qui réconcilier les Tutsis et les Hutus du Rwanda et du Burundi. Fort heureusement, Dieu les trouve parmi nous. Nelson Mandela et Frédéric De Klerk ne sont-ils pas un bel exemple de l'offenseur et de l'offensé réconciliés ? Les Blancs, les Noirs, les Indiens et les Métis de l'Afrique du Sud ne constituent-ils pas un bon modèle d'offenseurs et offensés réconciliés ? D'autres peuples d'Afrique et du monde ont besoin du message de la réconciliation. Vous tous, les fidèles de Caux, vous êtes appelés à faire partie de l'escadron de paix chargé d'annoncer au monde l'oeuvre de la réconciliation.
Chers Frères et Soeurs, je vous conjure ; aucune âme n'a raison de rester indifférente aux atrocités du Rwanda. Je saisis l'occasion qui m'est offerte pour m'adresser au peuple suisse. Et pour le faire, je n'ai pas trouvé mieux que de paraphraser le pasteur Frank Buchman ainsi qu'il suit : "Je vois dans la Suisse un prophète parmi les Nations, un porteur de paix au sein de la famille internationale. Je vois un christianisme dynamique devenir la force qui régira l'Etat parce que les individus auront pris leur responsabilité devant Dieu. Je vois l'Eglise en Suisse forte d'un tel rayonnement qu'elle entreprendra une mission parmi les chrétiens de nombreux pays. Je vois les hommes d'affaires suisses montrer aux responsables de l'économie mondiale que la foi en Dieu est la seule sécurité. Je vois les hommes d'Etat suisses démontrer que la direction divine est la seule politique valable."
Chers amis suisses, vous avez offert le Centre de Caux au monde, c'est bien, mais apporter l'esprit de Caux à travers le Monde c'est encore mieux.
Je suis sûr que l'Eglise en Suisse regorge encore en son sein des Georges Anker, May Frommel et autres Cavin, Prince, Pierre et Catherine Vitoz, Chevalier, ceux-là qui ont accepté d’annoncer au peuple camerounais l'oeuvre de la réconciliation et qui ont marqué d'un sceau indélébile l'histoire de mon pays, l'histoire de l'Afrique tout court.
Chers Frères et Soeurs, les canons ont échoué. Au lieu d'instaurer la confiance et la paix, ils ont instauré la guerre et entretenu la haine.
Seul l'escadron de paix sous la houlette du Saint-Esprit peut sauver l'Afrique et le Monde. Nous sommes les témoins de l'histoire, et nous avons été chargés d'annoncer au monde l'oeuvre de la réconciliation et d'amener d'autres hommes à se réconcilier avec Dieu. Le Seigneur revient bientôt, et nous avons des comptes à rendre. Les activistes sont autant inefficaces que des tièdes. Dieu a besoin de notre engagement, c'est une grâce de Dieu. Que le Seigneur veuille accorder cette grâce à vous tous qui m'écoutez.
Amen.
