Retour à l'ordinaire

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"Retour à l'ordinaire", je le concède, n'est pas un titre accrocheur, ni une perspective enthousiasmante... Pourtant, ce qui se passe lors de l'Ascension du Christ, en ce qui concerne les disciples, équivaut bien à ce retour dans le quotidien et l'habituel.

"Quand ils furent arrivés à Jérusalem, ils montèrent à la chambre haute où ils se tenaient d'habitude" (v.13) . La lecture de ce matin récapitule la période allant de la passion du Christ jusqu'à ce retour à la chambre haute. Jésus, une fois encore, veut préparer ses disciples à vivre une autre dimension de sa présence à leurs côtés. Durant ces quarante jours, Jésus donne à ses disciples, et par extension à nous aujourd'hui, les bases d'une vie de croyant riche et sensée. J'ai comparé ces bases à une série de poteaux indicateurs sur le chemin ordinaire qui nous est proposé à vous et à moi. C'est un chemin sinueux, jalonné de carrefours qui nous laissent parfois bien perplexes... Puissent ces quelques indicateurs que Jésus laisse aux disciples, ouvrir une étape de plus sur notre route, où l'ordinaire peut retrouver une saveur et un sens nouveaux.

1. Un mûrissement nécessaire

La rencontre avec le Christ, les choix d'ordre spirituel ou encore la conversion ne sont pas des expériences ou des démarches du type "coup de foudre" ou "c'est ça, un point c'est tout". Nous découvrons que Jésus prend du temps avec ses disciples pour leur expliquer le sens de sa mission et répondre à leurs questions. Nous savons, par les évangiles, les péripéties de ce temps de mûrissement fait de certitudes et de doutes, de décisions et d'échecs. L'Ascension se passe au sommet d'une colline. C'est aussi le sommet de l'école de disciples où Jésus les amène à passer progressivement du domaine visuel à une dimension nouvelle. Le sens de ce mûrissement va du visuel au spirituel, de la vue à la foi. Nous retrouvons ce chemin dans la succession "apparition, puis disparition" du verset 3. "Après sa mort, il se montra à eux en leur prouvant de bien des manières qu'il était vivant (...)," Et au verset 9 "Jésus s'éleva vers le ciel (...) puis un nuage le cacha à leurs yeux."

Mon premier indicateur sera celui-ci : rechercher ce qui nourrit la foi et la confiance plutôt que ce qui nourrit l'immédiat et le sensuel.

Je sais que Dieu accorde parfois des preuves ou des signes, autant d'expériences qui devraient nourrir la confiance et non le désir d'autres expériences... L'Ecriture parle de bébés spirituels et d'hommes faits. On peut comparer ces deux situations au mûrissement d'un fruit vers sa maturité. Cela prend du temps. D'ailleurs Jésus a répondu assez sèchement aux hommes qui demandaient des signes miraculeux. Ce premier indicateur est très actuel, la "mode" étant à la sensation, au résultat immédiat et à l'attente de signes puissants. La croissance spirituelle ne va pas dans ce sens-là.

A observer de plus près notre texte, nous découvrons, en suivant les disciples, certaines étapes qu'ils traversent. Ces étapes amènent le disciple à passer du domaine physique au domaine spirituel. Ces étapes ne sont pas un rite ou un chemin initiatique rigoureux, mais elles apparaissent ici par trois verbes.

Les disciples ont vu le Seigneur, vu ses miracles, assisté à son ascension : VOIR.

Ces mêmes disciples ont entendu les enseignements, retenu les promesses, et reçu les réponses à leurs questions : SAVOIR.

Enfin, les disciples vont recevoir une puissance, être éclairés par l'Esprit saint au sujet des Ecritures, selon Luc 24 : 45 : RECEVOIR.

Ces étapes m'amènent à prendre en compte un autre indicateur : le pas-à-pas. Nous reconnaissons bien en nous-mêmes ces étapes; la vue, ce premier contact qui va nous amener, ensuite, à approfondir et à comprendre l'Evangile. Les disciples ont vu et su, mais leurs questions, face au Christ, sont déplacées et leurs désirs égoïstes témoignent de leur compréhension limitée du plan de Dieu. Jésus ne les accuse pas; il sait que l'homme a une limite dans sa quête spirituelle, dans ses bonnes intentions. Nous lisons au verset 8 "Mais vous recevrez une puissance". Ce " mais " annonce et souligne l'intervention divine ultime pour entrer dans la dimension spirituelle. Trop de nos contemporains se sont arrêtés, à bout de souffle, après avoir vu et su. Ils n'arrivent pas à recevoir ce que Dieu donne. C'est là que se rencontrent la quête des hommes et les dons de Dieu. Dans notre cheminement spirituel, apprenons à reconnaître ces étapes. Voir, savoir, recevoir. Il faut persévérer et ne pas se complaire dans le "savoir" , au risque d'être déçu; "il ne vous appartient pas de savoir quand viendront les temps" (v.7), car le Seigneur conduit ses disciples au "recevoir", à l'irruption de l'Esprit-Saint dans leurs vies, dans nos vies.

2. Une attente pleine de sens

En contraste avec ce chemin intérieur parcouru par les disciples, le récit de l'ascension du Christ nous fait découvrir un aspect particulier de la vie du chrétien. C'est celui de l'attente. L'attente qui nous est proposée, ordonnée même par Jésus, est remplie de sens, contrairement à notre langage où le mot "attente" est synonyme de perte de temps.

Il y a d'abord l'attente du Saint-Esprit "Mais vous recevrez une force quand le Saint-Esprit descendra sur vous" (v.8). Pour les disciples, cette attente est nourrie par la promesse de la Pentecôte. Pour nous, cette attente est aussi réelle, celle d'un renouvellement du Saint-Esprit sur son peuple. La promesse faite aux disciples dans l'Evangile de Luc "le Père qui est au ciel donnera le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent" (Luc 11 : 13) est pour chaque croyant en chemin.

Il y a une autre attente à plus long terme qui vient remplir la vie des disciples. Ce sont les anges qui font part aux disciples du retour de Jésus à la fin des temps. "Ce Jésus, qui vous a été enlevé pour aller au ciel, reviendra de la même manière que vous l'avez vu y partir" (v.11)

"Il reviendra". Ce détail pourrait paraître sans importance, mais en fait, il en va tout autrement. La nouvelle du retour de Jésus va déclencher une explosion de joie là où la tristesse de la séparation aurait dû donner le ton. Cette joie et ce contraste sont soulignés par le récit de Luc : "Il se sépara d'eux, et fut enlevé au ciel. Pour eux, après l'avoir adoré, ils retournèrent à Jérusalem avec une grande joie" (Luc 24 : 52).

La promesse du retour de Jésus et l'attente qui en découle remplissent nos coeurs de joie et de louange. Oui, notre attente a un but : le retour de Jésus, et un soutien : l'Esprit-Saint. Mais ce n'est pas tout : l'attente joyeuse de ce retour produit des fruits; c'est l'attente active des témoins. Les disciples, et nous à leur suite, allons porter la bonne nouvelle du pardon et du salut. "Vous serez alors mes témoins, vous parlerez de moi à Jérusalem, en Judée, en Samarie et jusqu'au bout du monde" (v.8).

Voici un troisième indicateur : accepter une situation d'attente, découvrir la joie de l'attente. Je me souviens qu'à l'âge de 12-13 ans, alors que le reste de ma famille partait visiter de la parenté en France, je les attendais avec la certitude de leur retour, mais surtout je voulais que la cuisine soit belle pour ce retour. Alors je nettoyais les coins, décorais la table; je savais que cela ferait plaisir à mes parents...

Attente d'un retour certain, attente active et joyeuse. Dans les discours du Christ, tout n'est pas invitation ou encouragement. Notre récit parle à plusieurs reprises des ordres que Jésus donne. Ici, les disciples nous laissent l'exemple de l'obéissance :"Ils retournèrent à Jérusalem". Plus tard, ils vont fidèlement rendre témoignage de la résurrection de Jésus-Christ, obéissance à l'ordre de mission laissé par Jésus à toute la chrétienté.

Voici donc encore une indication précieuse pour le disciple : obéissance aux paroles du Christ.

3. L'ordinaire transformé

C'est à dessein que je n'ai pas interrompu la lecture du récit sur la disparition de Jésus dans le ciel. Car il y a une suite : avant même la Pentecôte, nous discernons des signes de transformation dans le comportement des disciples. Par nature, les disciples seraient certainement restés sur la montagne les yeux vers le ciel, les pensées élevées vers de célestes lieux. Peut-être l'un d'eux aurait-il eu l'idée de poser la première pierre d'une église, là, à cet endroit particulier ! Mais voilà que deux anges arrachent les disciples à leur méditation...

En route vers Jérusalem, vers la chambre haute, vers le Temple, en route vers les lieux habituels.... Mais ce que vont vivre ces disciples et d'autres avec eux ne sera plus tout à fait ordinaire, plus comme avant car "Tous ensemble ils se réunissaient régulièrement pour prier, avec les femmes, avec Marie la mère de Jésus, et avec les frères de Jésus" (v.14). Rappelez-vous, la chambre haute, les dernières paroles de Jésus avant la crucifixion, un lieu de tristesse, de trahisons et de murmure devient le lieu de la prière et de la joie.

Ce lieu d'éclatement et de séparation devient un lieu de rassemblement. Rappelez-vous, après la résurrection : la chambre haute, l'étonnement des disciples, l'incrédulité de Thomas. Dans ce même lieu, les mêmes personnes vivent maintenant la persévérance et la foi en priant. Au désespoir a succédé l'espérance joyeuse, l'attente et l'obéissance; quel changement !

Ce que les disciples ont vécu, ce retour réussi et transformé vers leur quotidien, nous pouvons aussi le vivre. Ne craignons pas le retour à l'ordinaire, après un temps fort, ou l'ordinaire tout court, car le Seigneur veut le vivifier.

Une dernière indication pour notre route sera la suivante : accepter sa situation ordinaire, son cadre de vie présent .

La mission ne se conjugue pas au futur; les disciples vivent le présent. S'accepter soi-même, apprécier son entourage, être reconnaissant pour son église c'est laisser au Seigneur et à son Esprit l'occasion de poursuivre son oeuvre.

Conclusion :

Quel chemin parcouru depuis la première lecture de ce récit de l'Ascension. En guise de conclusion, j'aimerais rappeler les indications découvertes en suivant Jésus et ses disciples :

- Recherchons à nourrir la foi plus que le sensuel

- Marchons pas à pas, étape après étape.

- Entrons dans une situation d'attente joyeuse

- Obéissons aux paroles du Christ

- Acceptons notre cadre de vie ordinaire

Cinq indicateurs pour nous mener plus loin; alors, depuis l'endroit où nous sommes maintenant, mettons-nous en route avec joie et persévérance car notre Dieu est fidèle, le Seigneur marche avec nous, le Saint-Esprit nous est promis.

Amen.

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Fanfare de l'Armée du Salut de St Aubin

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