"Etre en relation, être en action, être au repos"

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Nous avons laissé Jésus sur la montagne seul, après une rude journée. Il a enseigné et nourri la foule, confronté ses disciples et alors il prend un temps de retrait, pour lui et pour soigner sa communion avec Dieu.
La communauté naissante à Jérusalem est bien active et croissante. Il se dégage de ces textes des Actes un sentiment d'équilibre déséquilibré. Les choses sont stables dans leurs valeurs, mais la communauté croît sans cesse et doit s'adapter à sa taille nouvelle chaque jour. Elle doit accueillir les nouveaux, panser les plaies de la vie et être un lieu de croissance spirituelle pour chacun.

Communauté, communauté fermée, communauté de retraite, communauté ouverte, communauté d'accueil, communauté agissante, priante, etc.
Vous m'avez demandé une prédication, un message. Je veux vous parler, ainsi qu'à tous ceux qui s'associent à nous ce matin à partir de mon lieu de travail. Je dirige actuellement ce que l'on appelle une " communauté thérapeutique ", en réalité un centre très professionnel de réadaptation et de réinsertion sociale et professionnelle pour personnes dépendantes de l'alcool, mais aussi des autres produits psychotropes et même des comportements comme le jeu par exemple : la Fondation les Oliviers.

Je veux partager avec vous quelque chose que j'ai appris de toutes ces personnes qui ont perdu un des biens les plus précieux de l'être humain : la liberté de conduire leur vie et qui sont obligées de laisser leur besoin du produit les piloter et les isoler.
La dépendance est la maladie de la solitude par excellence; avant la dépendance, certaines consommations de produits psychotropes sont des attitudes solitaires, que cette solitude soit "dorée" ou "glacée".
Je veux donc vous parler de communauté, de solitude et de Vie pour chacun de nous, aussi bien que pour nos communautés et particulièrement nos communautés croyantes : paroisses et autres lieux d'église. Je veux vous parler du chemin qui va de la rigidité vers le mouvement et donc vers la vie, chemin individuel et communautaire.
La solitude met fin à la croissance aussi bien individuelle que communautaire. C'est dans la relation authentique que nous grandissons, dès notre plus petite enfance jusqu'à notre mort. Ce sont les relations authentiques de ses membres qui permettent à la communauté de grandir. Nous connaissons tous ces expériences anciennes du Dr Spitz sur des bébés. En leur donnant les soins nécessaires, mais sans tendresse, sans relations vraies on a vu ces enfants stopper ou ralentir sérieusement leur croissance.
On peut être seul au milieu de la foule, on peut être seul en pleine activité avec d'autre. On peut être dans l'activisme pour masquer une réelle solitude. On peut être seul au sein même de sa propre famille. On peut être actif religieusement et seul. On peut être paroisse ou autre lieu d'église et souffrir de " solitude communautaire " dans notre église.

Nous appelons nos usagers à sortir de la solitude; c'est un des appels que nous leur lançons. Pour cela nous agissons avec eux sur trois axes :
1. Retrouver des relations au niveau du corps, de la tête et du cœur. Cesser d'être autosuffisant, accepter de recevoir de l'autre, être face à l'autre en vérité et non plus masqué par le mensonge, la honte, le produit qu'ils consomment. Accepter de dire : " j'ai un problème " ou accepter d'entendre " tu as un problème ". Le regard vrai qui peut être confrontant.
a. Se donner à connaître
b. Se laisser aimer et corriger
c. Se connaître mieux soi-même
d. Se rencontrer dans le regard de l'autre.

2. Comme il n'est pas possible d'être en permanence en relation si " intime ", nous les encourageons à reprendre une activité qui ait du sens, qui puisse se faire en équipe et qui apporte de la structure au temps qui passe.
a. Retrouver l'activité, le sens de la vie, sa place, sa mission, sa vocation.

3. Enfin, comme il est aussi nécessaire de se retrouver parfois seul et au repos, nous leur apprenons à redécouvrir leur capacité à être seul, en paix avec soi-même, les autres et Dieu.
a. Etre bien avec soi, avec les autres, avec la vie, avec Dieu.

Et théologiquement, quelle lecture ? Quel mouvement ? Quelle guérison pour nos vies de croyant, pour nos paroisses, nos églises ? Quel équilibre ? Quelle thérapie ? Trois moments différents qui s'interpénètrent, qui doivent être sans confusion et qui doivent exister chacun pour que la Vie spirituelle (re)commence.
La sanctification, l'évangélisation et la retraite.

La sanctification (la relation qui fait grandir)
On en parle peu, elle a tellement été associée à la morale. La sanctification personnelle et communautaire sont nécessaires à la Vie. Dans la relation les uns avec les autres, dans l'encouragement et le reproche, dans l'amour authentique il va être possible de grandir à nouveau en vérité. Mais aussi dans la relation avec Dieu il sera possible de connaître et d'accepter sa véritable valeur, sa destinée : enfant de Dieu créé pour la louange de sa gloire. Et mieux encore, dans la relation communautaire avec Dieu, dans la prière commune, le partage de l'enseignement des apôtres, le partage du pain et des biens.

L'évangélisation (l'action qui donne du sens)
Là aussi, méfiance. On ne peut rien imposer. La religion, c'est personnel. Chacun doit être libre. Oui, je crois à la liberté et je me bats pour que des personnes la retrouvent, qu'ils retrouvent le pouvoir de choisir.
Mais théologiquement, la foi vient de ce qu'on entend, et qu'entendront-ils si personne ne parle, et que choisiront-ils s'ils ne savent pas ? Sortir de son isolement religieux pour aller partager avec les autres la bonté et la miséricorde de Dieu, l'œuvre de Jésus et du Saint-Esprit.

La retraite (être tout simplement)
Attention pas ce temps à l'autre bout de la vie où l'on quitte ses activités professionnelles. Je parle de la capacité à se retrouver seul, sans que ce soit une fuite, ni la réaction à un sentiment de rejet, ni encore le fruit de l'amertume ou de la honte, sans que ce soit un moyen de ne pas vivre authentiquement et avec les autres ses émotions du moment.
Non je parle de ces moments de repos, de joie, de louange, de réflexion habités de la présence de Dieu.

Ainsi la vie pulse à trois temps :
1. Etre en relation
2. Etre en action
3. Etre au repos
Ainsi la Vie de Dieu en nous pulse à trois temps, valse à trois temps :
1. La communion en église les uns avec les autres et ensemble avec Dieu pour la sanctification.
2. L'évangélisation, les œuvres, le travail, en d'autres termes la vie dans le monde.
3. Le repos, la retraite, la méditation.

Et ces temps peuvent se succéder harmonieusement pour que la Vie puisse grandir, pour certains à nouveau, pour d'autres pour la première fois. Jésus nous l'avait montré clairement, mais ce sont les personnes dépendantes qui me l'ont appris pratiquement et je le partage avec vous ce matin de fête et de Jubilé ici à Saint-Loup et avec vous sur les ondes.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Michel Jordan
Musique
Ensemble Vocal du Nord Vaudois