Promesse d'un pardon, certitude d'une présence

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Aujourd'hui, maintenant, je suis confronté à la mort de cet homme Jésus. Et je suis là, nous sommes là, quelque part, à entendre ce qui se dit, à voir ce qui se passe. Aucun d'entre nous n'est indifférent ; cette scène de souffrances et de mort réveille au plus profond de notre être des souvenirs et ravive des blessures. Comme il est dur de voir souffrir ceux que l'on aime, de voir mourir ceux avec lesquels une amitié nous relie.
Aujourd'hui, nous sommes là. En qui nous reconnaissons-nous ? Suis-je l'un des deux qui vont mourir, eux aussi sur une croix, dans d'horribles souffrances ? Suis-je l'un des militaires ou un spectateur ? À moins que je me retrouve bien dans l'une de ces femmes, compagne fidèle d'un périple de trois ans ?
Et puis il y a ces mots. Pour ma part, en tant que croyant, je trouve certaines paroles normales et compréhensibles. Lorsque l'on va mourir, il n'y a rien d'indécent à crier sa révolte et son refus de la mort : "Sauve-toi et nous aussi ! " Les moqueries aussi font partie de ces comportements humains à la fois terribles et infantiles : " Il en a sauvé d'autres, qu'il se sauve lui-même s'il est le Messie ! " Et même ce dérisoire tirage au sort, cette loterie pour la possession de quelques pauvres habits d'un mort ! Quel exemple d'indifférence !

Voilà des comportements humains : ne reflètent-ils pas aussi une part de nous-mêmes ? Ce versant sombre de toute nature humaine ? Ces gens sont aussi à notre image et leurs mots sont aussi les nôtres. Et pourtant, malgré cette face sombre, de ces mêmes groupes humains, jaillissent d'autres attitudes. Des mots et des gestes qui transforment la révolte en espérance, la moquerie en respect, l'indifférence en louange.
Ne pensons pas qu'il y aurait d'un côté de pauvres idiots incrédules et de l'autre quelques élus ! Il me semble lire là, au contraire, le signe de ce qu'une attitude, une parole peuvent provoquer dans le cœur des hommes.
Aujourd'hui, nous entendons ces paroles, nous voyons ces gestes qui viennent évangéliser nos profondeurs. Jésus disait : " Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font. " Une parole qui donne aux lecteurs, dont nous sommes la lumière, qui éclaire cette scène tragique. De tels mots, prononcés dans une telle circonstance, sont lourds de tout le poids d'une souffrance habitée d'une espérance : son corps torturé, Jésus parvient à maintenir un lien ultime avec Dieu son Père, malgré tout. Et cette relation l'ouvre non sur lui-même et sa douleur, mais sur les autres et leur ignorance. Avons-nous suffisamment remarqué qu'il n'y a aucune malédiction ? Au contraire : le Christ, solidaire de l'humanité, assume en lui la haine, la dérision, la révolte, le désespoir.
Cette prière de pardon, sans doute entendue du Père seul, s'incarne immédiatement dans ce dialogue incroyable engagé entre ces trois corps suppliciés et à l'agonie. " Sauve-toi et nous aussi ! " - " Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras comme roi " - " Aujourd'hui, tu seras avec moi dans le paradis ! "

Revenons à nous-mêmes en considérant les deux bandits : la révolte du premier se transforme, chez le second, en espérance. Notre part de mort, de révolte, de culpabilité - " Pour nous, c'est juste : nous recevons ce que nos actes ont mérité " - ainsi reconnue, d'une certaine façon même assumée, devient le lieu d'un cri de confiance : " Souviens-toi de moi… "
Et moi, et nous, et notre société, que faisons-nous de ces parts de ténèbres ? Y sommes-nous enfermés, chacun pour soi et contre Dieu et les autres ? Sommes-nous plutôt rendus capables d'ouvrir, aussi peu que ce soit, un œil sur nous-mêmes pour reconnaître ce qui nous divise de nous-mêmes et des autres ? Alors, de cette ouverture, sourd cette simple prière : " Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras comme roi. "

La réponse à cette demande est d'ailleurs à souligner ! Il n'y a pas la promesse d'un pardon, mais la certitude d'une présence : "Aujourd'hui, tu seras avec moi. " Le pardon du Christ se réalise dans une communion. Être disciple commence à cette mort vécue et comprise comme don, pardon et communion.
C'est vrai pour le brigand de droite, c'est vrai pour l'officier romain : " Vraiment, cet homme était juste. "; c'est vrai pour cette foule moqueuse et moutonnière : il y a là, maintenant, des " gens, des personnes individuelles, qui s'en retournent en se frappant la poitrine. " Venus pour le spectacle, ils repartent malgré tout frappés, touchés, transformés.
Mais ne l'oublions pas : tout ceci a un prix, celui d'une communion restaurée, retrouvée ; celui de la mort du Juste. " Il y eut des ténèbres sur toute la terre jusqu'à trois heures, le soleil ayant disparu. Alors le voile du Temple se déchira par le milieu. Jésus poussa un grand cri ; il dit : " Père, entre tes mains je remets mon esprit. "
Là bas, à distance, des familiers regardaient, des femmes aussi. Ils ne disent pas un mot, leurs sentiments n'en ont pas besoin. Sans doute pressentent-ils, pressentent-elles que cette passion est une passion d'amour.
Au travers de sa mort et de cette communion offerte, " Jésus rend vivants ceux qui étaient condamnés. Il transfigure celui qui n'avait plus de visage. Il porte l'espérance au-delà de l'inespéré, la foi plus loin que l'incroyable. Il ferait crier le silence et, sur la mort, il a déjà jeté la vivacité du jour. " (F. Quéré)

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Détails

Avec la participation de
Orgue
Jean-Jacques Jaquenod
Musique
Olivier Thévoz, violoncelle