« J’ai vécu seul, sans personne à qui parler véritablement » Vous avez sans doute situé d’entrée cette parole. Mais pour ceux qui n’auraient jamais lu le Petit Prince, d’Antoine de Saint-Exupéry, cette solitude est l’expression du fait qu’enfant il n’a jamais rencontré d’adulte pour comprendre que, quand il dessinait un boa en train de manger un éléphant, il exprimait sa peur. On lui disait c’est un chapeau, il n’y a pas de raison de s’angoisser. Alors quand le Petit Prince demanda « dessine-moi un mouton » la seule bonne solution fut de dessiner une caisse dans laquelle était le mouton ; le Petit Prince, lui, pouvait le comprendre. Ainsi on se sent seul déjà quand on est incompris ; oh comme il y a beaucoup de solitude.
Seul…, parler…, véritablement…. Seul et pourtant avec ! bizarre. Voici Saint Paul, un tout autre regard, bien plus ancien, au milieu d’une série de pistes pour vivre le changement que représente l’acceptation de l’amour de Dieu, dans sa lettre aux Romains chapitre 12, verset 15 : « Avec ceux qui sont dans la joie réjouissez-vous, avec ceux qui pleurent, pleurez ! »
Seul ou avec, parler, pleurer, rire, véritablement, quel mélange explosif. Alors allons-y doucement. Seul, qu’est-ce qu’on est seul et l’on n’aime pas trop, c’est comme être en silence. Le catéchumène qui vient au culte, s’il n’y est un peu contraint dans un culte comme celui-ci, va vite se retrouver seul et se sentir seul, seul dans l’église, et après seul devant les autres. « Tu vas à l’église ? Non ? T’es dingue ? » On se cache : c’est mon père qui veut… ! Seul ou : « Y’a que mon pasteur, ailleurs c’est plus cool. » D’ailleurs on est seul, toujours, dans ses problèmes, dans ses espérances un peu folles d’adolescent, seul dans sa crise, dans sa foi, dans sa révolte.
Alors, je n’allais pas rater cette occasion au moment de recevoir, là dans notre petite église, dans notre solitude, mille, deux mille, dix mille auditeurs d’Espace 2, de la Radio Suisse (toute petite) et Romande en plus (francophone), oui cette occasion de vous dire : vous voyez, on n’est pas seul ! Je vous entends catéchumènes : « Oui mais eux sont restés au lit, chez eux ou en route pour le dimanche. Certes, mais parmi eux, beaucoup contraints, malades, prisonniers, invalides, au travail, que sais-je encore et peut-être aussi très seuls. Quelle joie de pouvoir aussi vous dire à vous auditeurs : « Vous voyez, on n’est pas seul.» Mais là aussi c’est facile ! On est si seul dans ses problèmes, sa maladie, son éloignement, sa mise à l’écart.
Le naufragé sur son radeau, au milieu des eaux avec au loin un petit point qui dit espoir, que fait-il ? Ou le voyageur à la fenêtre du train et l’autre sur le quai, quand la distance efface la main, que fait-il ? Oui, oui ! de sa poche il tire ce carré de tissu qui va maintenir le contact, et le secouer avec frénésie avant de le retourner vers lui pour essuyer une larme.
Auditeurs, imaginez maintenant soixante, cent personnes et plus, de tout âge qui vous font signe de leur mouchoir. Eux ils en ont reçu un à l’entrée, vous, sortez vite le vôtre. Par un carré de tissu nous voici en contact, ensemble, en communion. Nous ne sommes plus seuls, et j’aimerais que ce mouchoir reste pour chacun un signe que nous ne sommes pas seuls, un signe pour ne pas l’oublier, un signe pour ne pas oublier les autres. Et que fait-on pour ne pas oublier ? On fait un nœud à son mouchoir. Alors faites un nœud pour cela avec l’un des coins pour ne pas oublier que l’on n’est pas seul. Il y a sur la terre d’autres gens comme nous, d’autres croyants, d’autres malades, etc. Il y a aussi dans notre solitude un Dieu. Vous voyez des gens avec, tristes ou joyeux, et Quelqu’un à qui parler véritablement.
Maintenant, on va aller un peu plus loin. Ce mouchoir, ce bout de tissu avec lequel on se libère le nez quand on manque d’air ! (c’est déjà tout un symbole), ce mouchoir que l’on mord pour ne pas crier sa douleur ou sa tristesse, lui qui essuie les yeux pleins de larmes et les lunettes embuées enlevant l’horizon, lui que je mets vite sur ma plaie, que je prends pour ramasser trois ou quatre champignons, pour tenir une rose sans me blesser à ses épines, ce mouchoir, on le voit, n’est pas qu’un objet de tristesse.
Dans les rires et dans les pleurs ,il est là, il est là quand je pleure avec ceux pleurent ou quand je me réjouis avec ceux qui sont dans la joie. Alors ce mouchoir, pour se moucher, je voudrais en faire un « prie…oir », pour prier, en bon français on dirait un ora…toire, mais sait-on encore que ce mot vient du verbe latin « orare » qui veut dire prier ? Réjouissez-vous avec, pleurez avec : je pense qu’avant d’être une attitude, une action, un acte dans le concret, la demande de Paul nous appelle à ne pas oublier les uns et les autres. C’est-à-dire à épouser la cause des uns et des autres pour la présenter à Dieu, donc que c’est un appel à la prière. Or regardez, quand on prie pour les autres, que prie-t-on ? Pour ce qui va mal, ce qui fait problème, ce qui est triste, etc. C’est un peu comme si l’on disait à Dieu : « regarde tout ce négatif, tous ceux qui pleurent … ».
Je sais, c’est très humain comme vision, mais c’est comme si l’on captait le regard de Dieu, l’attention de Dieu, la force de Dieu que sur ce qui va mal. Et l’on s’étonne que le monde aille mal ! « Pleurez avec ceux qui pleurent. » Et l’on oublie ce qui précède : « Réjouissez-vous avec ceux qui sont dans la joie. »
Parler à Dieu véritablement devrait aussi être : dire la joie de ceux qui sont dans la joie, prier Dieu pour ceux qui vont bien, qui sont riches, sans souci, etc. Car ce sont aussi ceux-ci qui font que le monde aujourd’hui génère tant d’égoïsme, d’injustice, de désespoir. Il nous faut prier Dieu pour ces «joyeux» afin que dans leur joie eux non plus n’oublient pas qu’ils ne sont pas seuls. Voilà qu’il faut faire à notre mouchoir un nœud pour ceux qui pleurent, et un nœud pour ceux qui sont dans la joie. « jouer de la flûte et entonner des complaintes » (Luc 7 : 32), pas seulement l’un ou l’autre.
Mon mouchoir a maintenant trois nœuds, un pour ne pas oublier que je ne suis pas seul, un pour ne pas oublier de pleurer avec ceux qui…, un pour me réjouir avec ceux qui…, il manque le quatrième, pour ne pas oublier d’en parler à Dieu, de prier. Vous avez maintenant, soit un petit sac pour vos trésors, donc toute votre vie à porter devant Dieu, soit un petit chapeau qui vous protègera de l’in-solation, un soulagement sous le soleil. Or un soulagement de peine c’est une con-solation. Prier, c’est consoler le monde, véritablement !
On dit qu’il ne faut jamais offrir un mouchoir ça porte malheur. Eh bien je vous en offre un sans superstition, à chacun ici et vous pouvez aussi le faire chers auditeurs autour de vous, en précisant bien les quatre nœuds aux quatre coins : 1) avec ceux qui pleurent, 2) avec ceux qui rient, 3) priez, 4) vous n’êtes pas seul, Dieu est là ! Et avec sa présence, ce qu’il nous donne, c’est de changer le monde. Vous n’y croyez pas ? Eh bien voyez-vous, le mot « mouchoir » n’apparaît qu’une fois dans la Bible : Actes des Apôtres, chapitre 19, verset 12 : On prenait des mouchoirs ayant appartenu à Paul, on les plaçait sur des malades et ceux-ci étaient guéris. Vous avez là bien plus qu’un mouchoir… un rappel de notre foi et de la force que Dieu nous donne dans la prière. Utilisez-le !
Amen !
Prier, c’est consoler le monde
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