Écouter le culte :
« On a mis 43 ans pour bâtir ce temple et toi, tu vas le rebâtir en trois jours ? » disent à Jésus les chefs des juifs. Mais, ajoute le texte biblique, le temple dont parlait Jésus, c’était son corps.» Quiproquo dont la Bible est familière, car Dieu veut toujours nous emmener plus loin et un changement de niveau, de perspective nous est souvent proposé. Le Temple de Jérusalem était certes très important, lieu de la présence de Dieu, lieu de pèlerinage lors des grandes fêtes, lieu de prière et d'offrande, symbole du rayonnement du peuple juifs, temple qui sera détruit en l'an 70 et dont les juifs pleurent toujours sa perte.
Mais le temple de Dieu, le lieu d'habitation de Dieu par excellence, c’est d’abord Jésus, son fils, Jésus qui sera crucifié et qui ressuscitera le troisième jour. Tout temple peut être amené à disparaître, mais non le Fils de l’Homme, le Fils de Dieu, Jésus-Christ.
Qu’est-ce que l'Église ? Un bâtiment ou une communauté ? Dieu loge-t-il dans une maison ou dans notre cœur ? C’est l’une des questions que pose notre texte de ce matin, et la réponse n’est peut-être pas dans le fait de trancher entre les deux, mais de réfléchir à la place de l’un et de l’autre.
Lorsque l'on demande à des enfants de dessiner l'église, on obtient généralement un bâtiment typique, avec un clocher et des vitraux. Je n’ai jamais vu un enfant se mettre à dessiner des personnages à la place et je ne suis pas sûre que cela vienne spontanément à l’esprit d’un adulte, non plus. Et pourtant, l’église, corps du Christ, c’est aussi et surtout, l’ensemble de croyants.
Et si les contemporains de Jésus se sont trompés de Temple, ce qui semble assez compréhensible dans le contexte, d’autres ont aussi fait cette erreur au long des siècles. Ainsi St-François d’Assise appelé par Dieu à reconstruire l’église qui tombait en ruine a d’abord cru aussi qu’il s’agissait de la petite chapelle de St-Damien, où il se trouvait près d’Assise et qui était en très mauvais état. Il s’est ainsi mis courageusement à rassembler des pierres pour la réparer, avant de réaliser que Dieu l’appelait à bien autre chose, à un travail encore bien plus conséquent, à travailler sur les hommes eux-mêmes, ses contemporains qui s’écartaient de plus en plus de la simplicité de l’évangile et il créa un ordre mendiant, cherchant à vivre et à aider d'autres à vivre dans la radicalité l’appel de l’évangile.
Aujourd’hui, nous sommes en train de réparer la Collégiale de Neuchâtel, où nous nous trouvons maintenant. Grands travaux de restauration que la pierre d’Hauterive, avec laquelle est construite ce bâtiment nécessite tous les 150 ans. (Et il parait que nous avons de la chance, la molasse, pierre de la cathédrale de Lausanne, par exemple, nécessite un traitement tous les 80 ans !) Les échafaudages recouvrent donc la Collégiale, c'est important de solidifier le bâtiment et nous sommes reconnaissants de n’avoir pas à craindre que des pierres nous tombent sur la tête.
Mais si le bâtiment nécessite des soins particuliers, qu'en est-il de notre communauté ? N'a-t-elle pas encore bien davantage besoin de travaux de restauration ? «Vous savez sûrement que vous êtes le temple de Dieu et donc que l’Esprit de Dieu habite en vous. Le temple de Dieu est saint et vous êtes son temple.» Paul s’adresse aux Corinthiens, mais aussi à nous auditeurs d'aujourd'hui.
Qu’en est-il de la communauté chrétienne? Qu'en est-il aussi de notre propre vie spirituelle ? N'est-elle pas le parent pauvre trop souvent de nos préoccupations ? Nous prenons soin de notre santé, de notre alimentation, de notre apparence, de la douceur de notre peau, mais de notre être intérieur ? Certes, nous aimerions prendre également plus de temps de prière, de lectures, de méditation, mais les journées passent déjà si vite.
Or, si le temps détruit inexorablement notre être extérieur, notre être intérieur se renouvelle au contact de Dieu. Il s’enrichit par les souffrances et les joies vécues en communion avec Dieu et c'est la véritable richesse de nos vies, notre vocation première, que d'être le temple de Dieu, le réceptacle de son Esprit, de sa grâce.
Nous sommes appelés ainsi à la sainteté, non pas à une vie de perfection, mais à une vie en relation constante avec le Seigneur, une vie où nous assumons les ratés et les imperfections de nos vies, comme faisant partie intégrante de notre histoire avec Dieu. C'est ainsi que l'église de Jésus-Christ ne se résume pas à des bâtiments, si magnifiques soient-ils, mais se compose d'êtres humains, saints et faillibles, faibles et pourtant charpentés par l'amour de Dieu, la foi au quotidien.
Nos bâtiments sont construits et entretenus pour rendre gloire à Dieu, pour parler de Dieu, de sa grandeur, de sa beauté et de sa bonté, mais plus encore nos vies doivent en témoigner, chacune individuellement et ensemble, en communauté. Car l'église, c'est la somme des croyants, par une communion invisible et par des liens concrets les uns avec les autres. Comment parler de l'amour de Dieu si nous sommes incapables d'aimer ceux que nous côtoyons ?
L'église, ce n'est pas une théorie, mais une pratique, pas forcement celle d'aller tous les dimanches à l'église – quoique ! – mais surtout, celle d'aimer au quotidien, de mettre en pratique les paroles de l'évangile, les Béatitudes, le Sermon sur la Montagne, les deux commandements : Tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée et tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Si nos bâtiments sont parfois en chantier, notre existence doit l'être au quotidien, pour que, conduite par l'Esprit, elle se solidifie dans la foi, l'espérance et l'amour. « Semper reformanda » toujours à réformer, prête à se laisser remettre en question par les autres, Dieu et Sa parole.
Nous sommes appelés à travailler sur nous-mêmes et sur nos liens avec nos frères et sœurs. Nous sommes appelés à construire avec les autres une humanité solide, vraie et belle, à l'intérieur comme à l'extérieur. C'est ainsi que nous seront vraiment Temple de Dieu, et non cité fantôme ou décor en carton pâte.
Et je terminerai ce temps de méditation par une prière qui va bien dans cette direction :
Oui, Seigneur, nous sommes fiers de ce que nous faisons.
Fiers de notre intelligence, fiers de notre corps, fiers de nos beaux vêtements,
de nos villes, villas et églises.
Fiers de nos ordinateurs performants, fiers de notre réussite.
Seigneur, tu nous dis : « C’est bien tout cela, mais que faites-vous
pour construire le Royaume de Dieu,
Pour bâtir mon Église, pour que tous forment mon corps ?
Regardez autour de vous : Il y a des trous au milieu des pierres,
il pleut à travers le toit percé et vous ne le voyez pas ?
Il y a des gens qui souffrent et qui eux ne réussissent pas tout !
Alors allez vers eux. C’est avec eux que mon Église sera la plus belle.
C’est avec eux que mon Corps sera glorifié. »
Nous entendons ta Parole, Seigneur.
Nous t’écoutons. Nous voici prêts à ton service,
Pour que tous trouvent ta Joie, pour que tous vivent de ta Vie en Dieu.
Amen !