Les sourds et malentendants ne sont pas muets

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Célébration œcuménique dans le cadre de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, avec la participation de la Communauté œcuménique des sourds et malentendants de Genève (COSMG) et des membres de la paroisse protestante de Montbrillant.

Restons à l’écoute de la Parole, et à l’écoute les uns des autres.
Prédicateur: Alain-René Arbez, abbé

Bonjour à tous ! A vous, chers amis présents dans ce temple de Montbrillant, et à vous, chers auditeurs, qui êtes à l’écoute de cette émission œcuménique. A l’écoute, nous le sommes les uns et les autres, avec les moyens qui sont les nôtres. Je précise cela, car il y a parmi notre assemblée des membres de la communauté des sourds et malentendants qui ont toute leur place dans cette célébration de la Parole. Que ce soit physiquement mais surtout spirituellement, nous sommes tous, d’une manière ou de l’autre, limités dans notre écoute. Que ce soit l’écoute de la parole de Dieu ou l’écoute des autres à nos côtés. Les personnes ayant leur manière appropriée d’être attentives à la Parole le feront grâce à la langue des signes, qui est leur manière habituelle de communiquer. Et cela me fait penser à une phrase de Charles Péguy qui finalement nous rejoint tous, car il dit à propos de la création : « L’univers sensible est un langage, que Dieu parle à l’esprit de l’homme, un langage par signes ! ». Et il est vrai que nous devons tous, d’une manière ou de l’autre, déchiffrer des signes dans la vie courante. Et surtout, nous devons tous prendre conscience de la différence qui existe entre entendre et écouter. Grâce à la langue des signes, certains malentendants seront peut-être plus à l’écoute que d’autres qui – ayant une audition biologiquement parfaite – se contentent d’entendre et n’écoutent pas.

Disponibilité du cœur pour écouter
L’évangile de ce jour nous présente un dialogue vraiment décisif, qui suppose de s’écouter et de se comprendre sur des réalités essentielles. Et il existe de nombreux témoignages dans l’ancien et dans le nouveau testament où il est question de cette qualité d’écoute qui est une ouverture du cœur : à la fois à la Parole de Dieu et à la parole des hommes. Ainsi, le jeune Samuel qui priait longuement dans le temple de Jérusalem, il lui a fallu du temps pour identifier l’appel qui s’adressait à lui à plusieurs reprises. Il a laissé s’ouvrir ses capacités d’écoute et surtout sa disponibilité de cœur pour comprendre que c’était Dieu qui lui offrait un avenir dans une relation de confiance.

Un projet de vie
Savoir s’écouter – quel que soit le mode de communication –  est donc essentiel dans la vie familiale, dans la vie communautaire et dans la vie ecclésiale ! Aujourd’hui, alors que la technologie offre des outils performants, il y a souvent un manque terrible d’écoute et de communication vraie. Alors, à chacun de nous, Jésus redit : effata ! Ouvre-toi tout entier à la présence de Dieu et à la présence des autres. Mets-toi à l’écoute ! Jésus le premier, à l’écoute de nos attentes, sait qu’une voie d’humanité est possible pour chacun, et il nous engage à le suivre en dépassant nos replis sur nous-mêmes et nos appréhensions face aux difficultés. L’évangile de Marc, soucieux de faire découvrir qui est Jésus, nous montre aujourd’hui le projet de vie qu’il veut partager avec des auditeurs attentifs : une fois Jean Baptiste mis en prison par Hérode pour cause de troubles publics, Jésus prend le relais et il l’annonce à tous : le règne de Dieu est plus proche des réalités quotidiennes qu’on ne l’imagine.

Nous désirons tous que nos vies s’accomplissent, que le monde devienne meilleur. Pour cela, dit Jésus, il faut d’abord faire retour vers Dieu, se convertir à l’amour authentique et faire confiance à la bonne nouvelle de Dieu.

Pour montrer que le règne de Dieu peut prendre forme dès maintenant, Jésus pose des signes auprès de ceux et celles qu’il rencontre. A quoi bon attendre une ère nouvelle à la fin des temps si dès aujourd’hui on ne cherche pas à l’anticiper, par des paroles et par des gestes.
L’espérance de l’avènement du Royaume n’est pas une fuite du réel, c’est une mise en mouvement, en se mettant à l’écoute de la Parole de Dieu. L’ère messianique commence, Jésus, comme un nouvel Elie, marque un tournant dans le cours des choses.

Suivre : être disciple
L’engrenage de la fatalité va laisser place à un avenir différent pour les hommes et les femmes qui attendaient la lumière dans leurs obscurités. Jésus connaît le dur labeur des pêcheurs du lac Kinnereth, il les croise souvent et il les voit exténués après une nuit de ramassage des filets, parfois pour une pêche bien médiocre. Alors, il s’adresse à Simon et André et il leur propose de devenir ses coéquipiers dans l’annonce du monde à venir. L’expression « suivez-moi ! » veut dire : être disciple ; mais elle nous rappelle en écho le 1er commandement de l’alliance : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, tu ne SUIVRAS que lui seul ! » Et en effet, suivre Jésus, pour ces travailleurs du lac, c’est répondre à L’APPEL de Dieu. Et cela va être pour ces hommes, non seulement une conversion, mais aussi une reconversion. Car ils abandonnent leurs filets et acceptent de ne plus pêcher des poissons pour devenir, avec Jésus, des pêcheurs d’hommes…Quel changement de vie ! Repêcher des êtres humains qui perdent pied dans l’existence, qui ont perdu le lien avec Dieu et qui vont être submergés par la détresse… Devenir des pêcheurs d’hommes, il ne s’agit pas de capture, mais de sauvetage ! Les nouveaux « filets » qui symbolisent les liens de la communauté ne sont pas là pour piéger des êtres fragilisés par les problèmes. Il s’agit au contraire d’un tissu de relations qui aide à se reconstruire.

Des relais de bienveillance et de compassion
Aujourd’hui comme au temps de Jésus, il y a autour de nous, à des degrés divers, des naufragés de la vie qui attendent une main secourable pour ne pas sombrer davantage. C’est le rôle de nos communautés, c’est à chacun d’entre nous d’être ces relais de bienveillance et de compassion pour les autres. Mais ce qui est un grand changement dans la vie des pêcheurs du lac qui suivent Jésus, c’est justement le fait que jusqu’à présent, ils étaient focalisés sur leur barque, leur filet, leur pêche du jour et leur salaire, c’est à dire une relation aux choses ! Cette fois, en acceptant de suivre Jésus, ils entrent dans une relation aux personnes.
A nous de transposer dans notre vie quel genre de filets et quelle barque nous devrions laisser de côté pour être davantage attentifs au partage et au partenariat avec les autres…
Pour être des disciples, il ne nous est pas demandé de changer de métier mais de mentalité. Notre conversion, c’est d’abord un nouveau regard, un changement de priorités et de valeurs qui correspondent davantage à notre vocation de baptisés, c’est possible par une écoute active de la Parole. Le royaume de Dieu est à portée de mains pour nous aussi !

Puisque le Royaume de Dieu est tout proche, et qu’il faut des témoins prêts à l’annoncer avec lui, Jésus continue de lancer son appel.

Au bord du lac, il rencontre Jacques et Jean qui vont eux aussi prendre leurs dispositions pour le suivre, même si cela impose des distances avec les objectifs familiaux : ils laissent la barque, leur père et ses ouvriers. Leur nouvelle entreprise familiale sera celle de la communauté avec Jésus. Avec lui, ils iront à la rencontre de ceux et celles qui peinent et qui attendent que quelqu’un les aide à prendre un virage, pour retrouver l’horizon de la sérénité. Le récit évangélique en donne de multiples exemples : Jésus va aider tant de personnes à se relever et à se reconstruire. Il les rétablit dans leur dignité en leur exprimant concrètement la bienveillance de Dieu. La force qui émane de lui éloigne de chacun les démons aux multiples visages qui avaient fait de leur vie un cauchemar.



Jésus annonce clairement le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob
Il faut rappeler que Jésus et ses nouveaux disciples parcourent la Galilée pour proclamer l’évangile, la bonne nouvelle du salut aux hommes et aux femmes de bonne volonté. La Galilée est une province différente de la Judée, car on la surnomme carrefour des nations, en raison de sa situation géographique et surtout de sa population mélangée. En effet, coexistent sur ce territoire des croyances païennes et des traditions bibliques. Carrefour des nations : un carrefour, cela évoque pour nous un endroit où beaucoup de gens se croisent, se bousculent parfois. Ca permet de circuler, mais c’est aussi un peu risqué. Jésus et ses disciples font face à ces ambiguïtés auprès de ceux qu’ils rencontrent. Si Jésus accueille toutes les personnes sans aucune discrimination, en donnant sa chance à chacun, même à des païens, il ne fait pas pour autant de l’angélisme. Il annonce clairement le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, sans confusion possible avec les divinités présentes dans les cultes locaux.

Témoigner des exigences de l’évangile
Aujourd’hui, dans nos sociétés où les repères spirituels se sont affaiblis, il ne s’agit pas de mettre la lumière sous le boisseau, cela signifie ne pas laisser croire que toutes les religions se valent. Certes, le message libérateur qui nous est confié nous demande de respecter chacun, mais il ne nous demande pas de complaisance timorée face aux opinions problématiques qui nous environnent. Pour être des continuateurs de la mission du Christ, nous aurons souvent l’occasion de témoigner des exigences de l’évangile, en présentant sereinement les valeurs éthiques, incomparables, de la tradition biblique.

En cette semaine de prière pour l’unité, nous rappelons l’importance de la relation ecclésiale œcuménique. Il nous faut, bien sûr, la prolonger tout au long de l’année, mais surtout, chercher à préciser « d’une même voix » – ce qui ne veut pas dire : dans l’uniformité ! – ce qu’offre, à tous, le puissant héritage spirituel de l’histoire sainte.

Ce que nous avons reçu est fait pour être transmis et partagé, dans la recherche de ce qui met aujourd’hui en lumière la dignité de l’homme. Cela se fera d’autant plus si nous restons à l’écoute de la Parole, et à l’écoute les uns des autres. Pour exprimer cette attitude constructive, que nous voulons développer en nous et entre nous, nous allons maintenant faire un geste de paix.

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Pour se parler et se comprendre, les sourds ont besoin de se tourner l’un vers
l’autre. Un "tourner vers", une "conversion" en quelque sorte qui prépare à l’accueil de l’autre. Tourner son cœur vers le Seigneur, c’est nous préparer à l’accueillir, lui le Tout Autre.

Dans le cadre de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, RTSreligion vous propose une matinée œcuménique spéciale au Temple de Montbrillant, à Genève, ce dimanche 21 janvier 2018. La célébration, dès 10 heures, réunit la Communauté œcuménique des sourds et malentendants de Genève (COSMG), ainsi que les membres de la paroisse protestante de Montbrillant. « Un appel à accueillir l’autre tel qu’il est, comme le Tout Autre » souligne la pasteurs Katharina Vollmer qui co-anime cette communauté avec sa partenaire catholique, Anna Bernardo.
Une première partie, dès 9 heures, s’ouvre sur l’une des activités de la COSMG, le groupe biblique. En écho, le pasteur et théologien malentendant vaudois Jean-Charles Bichet parlera de son ressenti et des difficultés de la population sourde et malentendante.
Une matinée proposée par Evelyne Oberson et Gabrielle Desarzens.

Détails

Avec la participation de
Abbé Alain-René Arbez (prédication), Anna Bernardo, Nicolas Lüthi et Pascal Boussac
Orgue
Eun Young Yoon
Musique
Patrick et Matthieu Bielser, cor des Alpes et trompettes, Magali Bossy à l'accordéon