Jésus marche sur l’eau: de quoi être effaré…

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Écouter le culte :

Jésus qui marche sur l’eau. Peut-être que certains sont un peu déconcertés. Que Jésus ait fait quelques guérisons, des enseignements et des rencontres, ok. Mais marcher sur l’eau, c’est quand même un peu gros non ?!

Pour éviter que cette histoire nous laisse bloqués sur cette question, arrêtons-nous un peu dessus. Jésus qui marche sur l’eau : est-ce que ça a vraiment pu exister ?

Plusieurs réponses ont été apportées à cette question :

1. Parmi les rationnels, il y a ceux qui se disent que les disciples devaient être dans un état second après une nuit de tempête et de fatigue, et qu’ils ont sûrement halluciné. D’autres ont imaginé qu’il ait pu y avoir des pierres sous l’eau, que les disciples ne voyaient pas. D’autres encore ont évoqué l’éventualité que de la glace se serait formée suite à une chute de température inhabituelle.

2. Sinon, du côté de l’exégèse, il y a aussi l’hypothèse que cette histoire soit un récit de fiction rédigé après la résurrection de Jésus. Plusieurs éléments font penser aux récits d’apparition de Jésus après sa résurrection : sa forme méconnaissable, sa domination de la réalité du monde, ou encore le contexte de crise de la nuit. Cette fiction servirait à parler de comment les disciples vivent la présence du Christ ressuscité dans leur vie. Il n’empêche que l’évangéliste Matthieu a placé cette histoire au chapitre 14 de son évangile, pendant la vie de Jésus avec ses disciples, et pas après Pâques.
La question de la véracité de cette histoire nous titille malgré nous. Car c’est bien connu: «Tout corps plongé dans un fluide reçoit de la part de celui-ci une force verticale dirigée vers le haut, d’intensité égale au poids du liquide déplacé.»

Seulement voilà : la théorie d’Archimède était tout aussi connue à l’époque qu’aujourd’hui. C’est physiquement impossible que Jésus ait pu marcher sur l’eau… Mais Matthieu raconte que les disciples l’ont vu.

Pour ma part, je crois que cette histoire n’est pas là pour nous faire croire à un événement invraisemblable en soi, mais plutôt pour nous dire à quel point Dieu peut nous rejoindre de manière invraisemblable.

Croire que Jésus a marché sur l’eau… pour se dire qu’il est vachement fort, ça nous fait une belle jambe. Croire qu’il a marché sur l’eau… et croire qu’aucune tempête ne peut l’empêcher de nous rejoindre, c’est autre chose !


Cœur de l’histoire

Alors on va se plonger dans cette histoire. Ce qu’elle raconte cette histoire, c’est que alors que les disciples étaient loin de Jésus, et qu’ils se battaient seuls contre des forces qui les torturaient, Jésus est arrivé. Inattendu, et méconnaissable. Et que suite à ce qu’il a vécu avec Pierre qui a souhaité le rejoindre, le calme est revenu.

Contexte : les disciples seuls – la tempête

Pour saisir un peu le désarroi des disciples, rappelons-nous ce qui s’est passé juste avant. La veille déjà, ils étaient dans une situation critique : ils se trouvaient face à une foule qu’il fallait nourrir. Jésus est alors intervenu de manière miraculeuse et a nourri cette foule. Les disciples ont été co-acteurs avec Jésus de ce miracle. Ce soir, à nouveau, la situation est critique : le lac est agité, le vent souffle, les vagues frappent. Mais cette fois, les disciples sont seuls et coupés de Jésus, ils galèrent. Ça se passe mal.

Dans la barque, il y a donc les disciples sans Jésus. Nous, on n’est pas dans une barque au milieu du lac. Par contre, Jésus qui n’est pas là, ça on connaît ! Et des situations où on galère et où on se demande parfois bien où il est Jésus… ça aussi on connaît.

On a tous nos tempêtes. Pour certains, c’est celle de la solitude. Pour d’autres celle du trop-plein. Tempêtes émotionnelles, tempêtes relationnelles, tempêtes professionnelles, tempêtes psychiques… Parmi les auditeurs de la radio, il y a peut-être des gens qui traversent la tempête de la maladie.

Matthieu écrit : « Les vagues viennent frapper la barque. » Le mot grec pour « frapper », c’est un mot qui est utilisé pour parler de tortures et de souffrances physiques. Dans cette tempête que traversent les disciples, comme dans les nôtres, il y a une dimension de souffrance, de crise, d’angoisse, de tourmente.

Dieu inattendu

Et voilà qu’au cœur de leur tempête, les disciples voient arriver Jésus. Seulement, ils sont aussi désarçonnés que nous face à l’idée qu’il marche sur l’eau. Eux aussi, se disent : on connaît Jésus qui guérit et qui fait des miracles, qui enseigne et qui rencontre des gens, mais pas Jésus surhumain. Eux aussi se disent : « Pas besoin de connaître la théorie d’Archimède pour savoir que marcher sur l’eau, c’est pas possible ! Alors ce serait un fantôme ?! »

Rien de plus inattendu dans cette nuit tempétueuse que de voir arriver Jésus ainsi. Voilà que Dieu débarque au cœur d’une galère, d’une crise, d’un temps d’angoisse. Et il le fait d’une manière tout à fait surprenante, au point qu’il est méconnaissable.

Ça me fait penser à un passage du prophète Esaïe, où Dieu dit : « En effet, ce que je pense n'a rien de commun avec ce que vous pensez, et vos façons d'agir n'ont rien de commun avec les miennes. Il y a autant de distance entre ma façon d'agir et la vôtre, entre ce que je pense et ce que vous pensez, qu'entre les cieux et la terre. »

Combien de fois ne sommes-nous pas surpris de la manière dont Dieu se révèle à nous, de la manière dont il nous rejoint dans ce que nous vivons ?

Elie

Dans la Bible, il y a bien des gens qui ont fait cette expérience d’être rejoint par Dieu de manière surprenante. Et parmi elles, je pense au prophète Elie. Elie a vécu dans le contexte d’une royauté hostile à son message. Lui, il annonce un Dieu unique. Mais le roi d’Israël laisse s’installer – par le biais de son épouse – des idoles et des dieux de toutes sortes. Pour se battre contre tout ça, Elie vit toutes sortes de péripéties :

1. L’annonce d’une sécheresse – qu’il doit ensuite aussi subir.
2. Ce fameux défi lancé aux prophètes de Baal, un de ces dieux païens, défi qu’il gagne d’ailleurs et suite auquel, dans son emballement, il égorge tous ces prophètes.

Suite à tout ça, il se retrouve seul, menacé de mort, découragé, et déprimé. Il se retire, et alors vient un temps où il se pose mille questions. Des questions sur ce qu’il a fait, sur la manière dont il a annoncé ce que Dieu lui a confié, sur les projets de Dieu, sur sa conception de qui est Dieu… Et voilà qu’au cœur de cette crise intérieure, Dieu lui annonce qu’il va le rejoindre. Et ce sera complètement inattendu.

Écoutons ce récit :

1 Rois 19, 11-13 - Le SEIGNEUR lui dit : « Sors d'ici ! Va dans la montagne attendre ma présence. Moi, le SEIGNEUR, je vais passer. » Tout d'abord, avant l'arrivée du SEIGNEUR, un vent violent se met à souffler. Il fend la montagne et casse les rochers. Mais le SEIGNEUR n'est pas dans le vent. Après le vent, il y a un tremblement de terre. Mais le SEIGNEUR n'est pas dans le tremblement de terre. Après le tremblement de terre, il y a un feu. Mais le SEIGNEUR n'est pas dans le feu. Après le feu, il y a le bruit d'un souffle léger. Quand Élie l'entend, il se cache le visage avec son vêtement. Il sort et il se tient à l'entrée de la grotte.

Dans sa grotte, seul et loin de tous, balloté par sa crise, sa tempête intérieure, Elie a été rejoint par un Dieu qu’il n’attendait pas. Un Dieu absent dans les éléments de puissance, et présent dans le silence, dans la subtilité, dans la douceur, dans la sérénité. Et c’est dans cette sérénité que Dieu lui redonne courage, le relève, et le renvoie pour la suite de sa mission.

Alors Jésus qui rejoint ses disciples en marchant sur l’eau ; Dieu qui se montre à Elie dans un silence subtil – des récits de Dieu qui se rejoignent de manière inattendue, je suis sûre qu’on pourrait en énumérer encore avec des exemples de nos vies.

Cet homme qui se bat seul contre son cancer, et qui découvre en son voisin qu’il connaissait jusque-là à peine un soutien précieux. Cette femme en dépression qui aperçoit dans l’expression artistique un moyen insoupçonné de s’en sortir. Cette personne célibataire qui souffre de solitude et qui fait connaissance à l’Église d’une communauté qui la porte. Cet enfant harcelé à l’école qui suite à un déménagement rencontre des amis, et retrouve une place digne parmi les autres.

A votre avis, qu’est-ce qui est important : croire que Jésus a marché sur l’eau, ou croire qu’il peut nous rejoindre peu importe la tempête qu’on traverse ? Dieu trouve toujours un moyen de nous rejoindre. Il est toujours au-dessus de nos galères, plus fort que les forces qui nous torturent. Son amour et sa douceur dominent sur nos tempêtes, même les plus sombres. Il glisse dessus… comme on marcherait sur l’eau !

Pour savourer cette bonne nouvelle et pour qu’elle nous remplisse tout entiers, laissons-nous porter par quelques notes de piano, avant de poursuivre avec notre histoire.

Pierre

Mais – si Dieu nous rejoint, c’est pas juste pour nous redonner un p’tit coup de pep, et c’est reparti ! C’est pas pour nous relever et nous laisser ensuite continuer seul. Si il nous rejoint, c’est pour nous dire et nous redire sans se lasser : je t’aime, et je te propose de continuer à t’accompagner ! Dieu nous invite à vivre en relation avec lui à travers le Christ. Et cette relation, c’est pas un long fleuve tranquille puisque notre nature humaine n’est pas du genre à réussir à s’appuyer sur la confiance une fois pour toutes.

Alors si on revient au texte de Matthieu – une relation qui varie entre confiance et vacillement – c’est un peu ce qui se passe dans le dialogue entre Pierre et Jésus. Les autres disciples disparaissent de la scène pour un moment. C’est qu’à ce moment-là, Pierre devient en quelque sorte le disciple par excellence, le représentant de tout disciple. Vous et moi, et toute personne qui essaie de marcher à la suite de Jésus, qui aspire à une relation avec lui. Car si on y pense, Pierre n’a pas tant cherché à marcher sur l’eau qu’à rejoindre Jésus. En le voyant s’approcher, il a été saisi d’un élan pour aller vers lui, et il a souhaité aller au bout de cet élan. Mais il fait l’expérience de cette tension entre doute et foi.

Je vous propose de reprendre ce dialogue et ce qui s’y passe, à la lumière de cette tension. La voix de Doris va nous rappeler ce qui se passe dans ce récit tel qu’il est écrit.

Pierre dit : « Seigneur, si c’est bien toi, donne-moi l’ordre de venir vers toi sur l’eau. »

La foi dit : Quel courage, quelle conviction il doit avoir pour demander une chose pareille !

Le doute répond : Pfff, il demande un signe… Il a besoin d’une preuve pour être sûr que c’est bien Jésus.

Jésus lui dit : « Viens ! » Jésus a vu que Pierre croit en lui, et il sait qu’avec la foi il est capable de le rejoindre. Jésus le renvoie à lui-même

« Alors t’oseras, ou t’oseras pas ? » dit le doute.

Pierre sort de la barque et se met à marcher sur l’eau pour aller vers Jésus. Et voilà ! Preuve que s’il a confiance, il peut très bien y arriver !

Ouais, ouais… moi je connais la suite de l’histoire…

Mais, en voyant qu’il y a du vent, il a peur, il commence à s’enfoncer dans l’eau. Alors il crie :
« Seigneur, sauve-moi ! »

Eeeeh voilà, c’est bien ce que je disais, il n’y arrive pas, sa foi est trop faible.

C’est vrai il se laisse rattraper par la peur, et ça le détourne. Jusque-là ça marchait, parce qu’il était fixé sur Jésus et pas sur la tempête. Mais… son cri d’appel vers Dieu, il est empreint d’une telle confiance ! « Seigneur, sauve-moi » : si c’est pas une confession de foi ça ! D’ailleurs c’est une phrase qu’on retrouve dans plusieurs Psaumes. Aussitôt, Jésus tend la main à Pierre, il le saisit et lui dit : « Tu n’as pas beaucoup de foi ! Tu n’as pas eu confiance. Pourquoi ? »

Même Jésus est d’accord avec moi : Pierre n’a pas eu assez de foi pour être capable de rejoindre Jésus ; pas assez de foi pour voir au-dessus de ses peurs et rester fixé sur Jésus.

Moi, je retiendrai plutôt que Jésus a saisi Pierre : au fond Pierre savait que rien ne pouvait lui arriver en s’aventurant sur l’eau, car il avait confiance en Jésus. D’ailleurs Jésus fait plutôt un constat qu’un jugement. Il le remet en question – ok – mais il le sauve ! Et il n’attend pas de réponse. Ils montent tous les deux dans la barque, et le vent s’arrête de souffler.

Là, je crois que doute et foi n’ont plus rien à dire. Plus rien d’autre à faire que constater qu’au moment où Jésus et Pierre rejoignent la barque, la tempête s’arrête. Au moment où la rencontre est complète, les peurs, les crises, les angoisses tombent. Au moment où ils vivent ensemble comme une communion, tout autour, c’est l’harmonie. Quelle force que cette communion vécue avec le Christ !

La foi, ce n’est pas un exploit, encore moins une victoire écrasante sur le doute qui fait partie de notre nature. La foi, c’est une relation, une relation vivante avec le Christ. Une relation où les questions et les peurs ont leur place. Mais où l’invitation à la confiance est toujours plus forte.

Conclusion

Avant cette traversée du lac, les disciples qui suivaient et côtoyaient Jésus l’avaient vu prêcher, guérir des malades, enseigner, rencontrer des gens, révéler l’amour de Dieu. Dans cette histoire, ils le découvrent d’une manière toute nouvelle. Ils le découvrent comme « celui qui sauve ». Et voilà qu’ils se prosternent devant lui et disent : « Tu es vraiment le Fils de Dieu. » Pour en arriver à cette confession, il a fallu qu’ils expérimentent quelque chose de fort et de profond avec Jésus.

Cette expérience, c’est que Dieu parvient toujours à nous rejoindre quand on galère. C’est l’expérience que la relation qu’on peut vivre avec lui est source de paix et de confiance dans nos vies. L’expérience qu’il ne nous laisse jamais tomber, même quand on est submergé par nos doutes, nos peurs, nos questions.

Puissions-nous discerner, dans les tempêtes de nos vies, la présence insoupçonnée du Christ qui nous dit « Courage ! » et qui nous tend la main quand on l’appelle. Alors, de nos cœurs aussi jaillira la force de la confiance, qui nous fait dire chacun avec nos mots : « Tu es vraiment le Fils de Dieu. »

Amen

Jésus, ce grand prédicateur, faiseur de miracles, fantôme, maître absent ou maître à suivre... Celui qui échappe sans cesse à toutes représentations et trouve pourtant toujours un moyen de rejoindre l'humain, peu importe le tumulte de l'existence. mais comment discerner sa présence dans le cours de la vie et les tempêtes traversées?

Détails

Avec la participation de
Doris Loetscher
Orgue
Musique
Chœur de la paroisse d'Echallens, sous la direction de Martine Béboux, avec Juliane Dind au piano