Culte de la Réformation, Saint-Imier

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1ère partie: sketch de la chaise

Quentin Jeanneret
Eh ! les pasteurs. Ouh, ouh ! C’est quoi cette chaise là ?

Philippe Nussbaum
Eh bien, tu vois, elle représente Dieu, son trône en somme. Comme cela nous est dit dans le Psaume 47,8 Dieu est roi sur les nations, Dieu est assis sur son trône sacré.

Quentin Jeanneret
Mais il est vide ce trône, et d’abord c’est plutôt une chaise que je vois, moi !

Laurence Konkoly Scheidegger
Oui mais on voit bien qu’elle est spéciale : tu l’imagines dans ton salon ?

Quentin Jeanneret
Ah ! Ça non alors ! Une croix décorative à la rigueur, mais pas une chaise. Tu disais qu’elle a quelque chose de spécial, mais je ne vois pas quoi.

Philippe Nussbaum
A toi d’y réfléchir. Dans la foi, on est tous des chercheurs.
Quentin regarde la chaise sous tous les angles...
Tu te souviens du Psaume 42, 2 : “J’ai soif de Dieu, du Dieu vivant : quand irai–je paraître devant Dieu ? (3) Mes larmes sont ma nourriture jour et nuit, alors qu’on me dit sans cesse : Où est ton Dieu ?”. L’auteur du psaume se souvient de l’humiliation, des moqueries endurées quand son peuple était prisonnier à Babylone. Il rêve d’un retour favorable, d’un Dieu qui s’imposerait avec puissance. Et si cela ne devait pas être de son vivant, alors il se réjouit de paraître devant son Créateur.

Quentin Jeanneret
Oh, comme je le comprends. Ce serait tellement plus simple de le rencontrer face à face... Et aussi qu’il règne vraiment sur les nations. Mais faut pas rêver ! Plus ça va dans le monde et plus ce sont les humains qui dirigent tout.

Laurence Konkoly Scheidegger
Voilà ce que le trône vient contester ! Notre suffisance. C’est l’image, le symbole pour dire qu’il y a quelqu’un au-dessus de nous. Son trône n’est pas une chaise-longue, pour faire la sieste ou se dorer au soleil, c’est une chaise haute.

Quentin Jeanneret
Ah ! C’est une chaise pour prendre de la hauteur, pour prendre de la distance et peut-être même du recul.

Philippe Nussbaum
Exactement, la chaise nous rappelle qu’il faut voir les choses d’en haut et non pas d’en bas. Regarder du côté de tout ce qui est beau, bien, bon, utile, nécessaire ou agréable, du côté de ce qui nous élève, et pas du côté de notre animalité. D’ailleurs, les scientifiques nous disent que nous descendons du singe. Mais pour un croyant, c’est faux : on ne descend pas du singe on en monte ! Et ça fait toute la différence, si tu vois ce que je veux dire...

Laurence Konkoly Scheidegger
Ce que tu dis me fait penser à cette histoire :
Un vieil Indien cherokee initiait ainsi son petit-fils à propos de la vie: «Une lutte est en cours à l’intérieur de moi, disait-il. C'est une lutte terrible entre deux loups. L'un est plein d'envie, de colère, d'avarice, d'arrogance, de ressentiment, de mensonge, de supériorité, de fausse fierté. L'autre est bon, il est paisible, heureux, serein, humble, généreux, vrai et rempli de compassion. Cette lutte a aussi lieu en toi et en chaque personne, mon enfant.»
Le petit-fils réfléchit un instant et interrogea son grand-père: «Dis, grand-père, lequel de ces deux loups va gagner la bataille?» Et le grand-père de répondre simplement: «Celui que tu choisiras de nourrir.»

Quentin Jeanneret
Il y a en nous deux loups qui cohabitent ; n’est-ce pas Luther qui disait que nous sommes à la fois justes et pécheurs ?

Philippe Nussbaum
Oui, mais il le disait dans un sens un peu différent ; lui voulait attirer notre attention sur le fait que personne ne peut être trouvé juste devant Dieu, même en se donnant beaucoup de peine ou en faisant de grands efforts, et qu’en conséquence nous recevons son pardon uniquement par grâce, par décret divin, indépendamment de nos mérites personnels ; ça a été d’ailleurs une révolution pour les croyants, car ce pardon accordé par grâce venait couper court à la culpabilité. On n’en fait jamais assez pour Dieu, pour les autres, pour le bien ! Mais même si on pouvait, on ne serait encore pas parfait. On a besoin du pardon divin, et du pardon humain, comme on a besoin de respirer.
Pour Luther, cette découverte à été une formidable libération, mais pas seulement pour lui : ça l’a été pour tout le monde. Si on est sauvé pas grâce, on n’est plus obligé de se mortifier ou de se détester, de sanctifier la mort et le néant comme disent certains, ou d’obéir à des recommandations impossibles. Pour Luther, le monde tout à coup était débarrassé du démon de la culpabilité, il pouvait vivre dans une joie et une reconnaissance inouïe. Libre et sauvé par la foi en Christ, pas par nos mérites personnels. Mais pour vivre cela, il faut prendre de la hauteur. A raz-des-pâquerettes, ça ne se voit pas.

Quentin Jeanneret
Ça veut dire que je peux m’asseoir sur le trône de Dieu ?
Laurence Konkoly Scheidegger
Oui, tu le peux ; ça va, tu es bien installé ? N’oublie pas, c’est la grâce qui t’élève au-dessus de ton animalité. Comme disait le poète : « J’ai mis dans ton cœur la pensée de l’éternité ». C’est comment ?

Quentin Jeanneret
C’est pas si mal et somme toute assez confortable. Un peu intimidant peut-être avec tout ce monde qui me regarde.
Au fond, c’est aussi à l’humain de rejoindre Dieu, si j’ai bien compris, et c’est pour cela que la chaise est vide, que Dieu semble absent comme on dit ?

Laurence Konkoly Scheidegger
Tout à fait, et on le rejoint, Dieu, par la prière, la méditation, par l’écoute de sa Parole et par l’action. Pour y arriver, on fait le ménage, on met de l’ordre dans nos pensées, nos sentiments, nos émotions ou nos peurs. On met de l’ordre dans ce qui nous retient captifs. Pour retrouver le feu sacré, l’envie de mettre de la beauté ou de la bonté dans la vie, par exemple. Dieu a mis la pensée de l’éternité en nos cœurs.

Quentin Jeanneret
On est obligé ? Je veux dire de faire le ménage en nous ? Parce que finalement, c’est peut- être encore une manière de se torturer, surtout chez les protestants avec leur fameuse conscience ?

Philippe Nussbaum
Faire le ménage, c’est vivement conseillé. Tu sais, Dieu ne vient pas te tourmenter comme un diable ; il te fait de la place, pour que tu puisses être, te retrouver et goûter à cette joie de vivre dans la reconnaissance du pardon, sans le poids de la culpabilité. Avec l’envie de tout reprendre à zéro, de repartir du bon pied quand tu le décideras. C’est un droit garanti. Même quand tu ne sais plus où trouver Dieu. Tu te rappelles de cette phrase qu’on lisait au catéchisme, celle qu’on a retrouvé sur le mur d’une prison allemande : “Je crois au soleil même quand il ne brille pas. Je crois en Dieu même quand il se tait.”

Quentin Jeanneret
Oui, je me souviens de cette phrase. Je l’ai toujours trouvée admirable, mais elle m’a aussi toujours fait froid dans le dos parce que ça veut dire aussi que nous sommes seuls devant la responsabilité de la liberté. Faire le bien, faire le mal, se faire du bien, se faire du mal. Agir avec Dieu ou sans Lui. S’inspirer du divin, ou du moins de ce qu’il y a de divin en l’humain, ou s’en tenir à notre animalité, au triomphe des plus forts et des plus adaptés. Au final, c’est compliqué et chaotique. Des fois, je me demande si Dieu ne ferait pas mieux de donner un bon coup de balai à sa création et de tout reprendre à zéro.

Laurence Konkoly Scheidegger
Tu penses à quelque chose du genre 2012 ? Et bien moi je trouve que non ! On efface tout et on recommence avec une catastrophe, c’est la catastrophe garantie, la négation du libre-arbitre, celui de Dieu et du nôtre. L’irrespect total. La violence comme solution à la violence, c’est peu pour moi. Et je suis sûre que Dieu me comprend.

Philippe Nussbaum
Ce qu’il faut voir, de là-haut, à travers Jésus, c’est que Dieu s’est fait homme pour que l’Amour devienne Dieu, pas pour que la violence devienne dieu !

Quentin Jeanneret
Oui, mais pour ça, on ne peut pas rester assis sur une chaise ou sur un trône. Rester la tête dans les nuages, ça ne mène nulle part. Alors, poussez-vous les pasteurs, je redescends.
Quentin se met debout sur la chaise, il saute, les pasteurs s’écartent, puis il se campe devant eux, face au public. Il fait le bruit d’un cœur qui bat.
Vous savez ce que c’est ?

Laurence Konkoly Scheidegger
Un cœur qui bat ?

Philippe Nussbaum
J’ai pas mieux.

Quentin Jeanneret
Mécréants va ! C’est un cœur qui bat évidemment, mais pas seulement ! C’est le rappel du feu sacré, du feu de Dieu: “J’ai mis dans ton cœur la pensée de l’éternité”. Voilà son trône de gloire. Dans les bons comme dans les mauvais jours. Mine de rien, c’est pas rien !

2ème partie:

Philippe Nussbaum

J’ai mis en vos cœurs la pensée de l’éternité. Nous l’avons devinée à travers la danse, entendue en musique et en paroles.
Il s’agit encore et toujours d’entrer dans cette dimension particulière. Ainsi, quand Jude, dans l’Evangile de Jean, demande à Jésus : “Comment se fait- il que tu doives te manifester à nous et non pas au monde ?”, il reçoit une réponse à la fois claire et ambigüe. Il faut être en relation avec lui Jésus, en amitié même, pour qu’un miracle ait lieu, pour que le Père et le Fils – la pensée de l’éternité en somme - viennent faire leur demeure en nous.
Cette pensée est une grâce. Une amitié spéciale qui nous permet ensuite de mettre un soin particulier dans nos relations, en privilégiant un accueil particulier, vécu dans l’écoute, le partage, la non-violence et le non-jugement. Il y a toujours cette grâce à glisser en nous et entre nous dans toutes les relations humaines. Et mine de rien, ce n’est pas habituel. Car le monde sans dieu, notre monde de tous les jours, est plutôt construit sur la méfiance et sur l’absence de relations fraternelles. Tout est lutte, combat pour bien remplir sa vie, compétition pour ne pas faire partie des perdants et jugements peu fraternels.
Le monde sans Dieu se perd dans le remplissage de la consommation et dans l’illusion égoïste de tout faire pour avoir une bonne vie. Notre situation ressemble à celle décrite dans cette petite histoire africaine : elle raconte qu’un missionnaire observa un jour le comportement surprenant d’un bédouin : il se couchait de tout son long et collait son oreille sur le sol désertique. Etonné, le missionnaire lui demande : « Mais que fais-tu exactement ? ». Le bédouin se relève et lui dit : « Mon ami, j’écoute comment le désert pleure, j’écoute comme il voudrait tant être un jardin... «
Le désert, c’est le manque d’équité, en nous et autour de nous. Le protestantisme affirme que nous sommes des êtres en relations, et dès lors nous ne pouvons cautionner la tendance moderne à se replier sur soi-même, à se réfugier dans l’apathie, l’indifférence, le fatalisme, le fanatisme économique ou religieux, ou celui du y-a-que-moi-qui-compte qui conduisent immanquablement au désert.
Dans notre foi protestante, nous avons reçu une mission particulière : nous sommes appelés à mettre de la confiance au cœur de nos rencontres, invités à oser préférer l’équité qui ne s’arrête pas à ce qui est maintenant, mais veut voir plus loin, la pacification des humains, dès maintenant et dans l’avenir de nos sociétés. C’est une évolution que Jésus est venu défendre et qui devait s’accomplir par contagion des cœurs et des consciences. La réconciliation de l’humain avec le divin dans la passion pour l’équité, à réaliser dans la rencontre des prochains, dans une juste relation avec la nature, dans un commerce équitable, partout.
Ce sont des défis pour aujourd’hui et demain, une protestation individuelle ou collective au cœur de notre foi protestante pour dire non à toutes celles et tous ceux qui défendent la loi des plus forts ou des plus adaptés et veulent régner par la peur, la force ou la haine. Une protestation à vivre en église aussi, pour qu’il y ait encore et toujours des lieux de vie, des lieux de partages et de rencontres qui viennent briser nos conditionnements mondains et transgresser la peur pour oser la fécondité de l’Esprit biblique.
Dans la foi, nous donnons simplement, chacun selon ses dons, ses capacités ou son énergie, une préférence pour des lieux, des moments, où il fait bon vivre, où il est bon d’être né; nous privilégions tout ce qui nous permet d’aimer sans vantardise, ni tristesse. Nous refusons de vivre dans la peur, la haine, la concurrence et la compétition à outrance. Nous aimons l’équité et nous y aspirons avec l’aide de Dieu, et celle de nos prochains. Voilà en quoi c’est important aujourd’hui encore d’être protestant !
Il devrait y avoir en chaque protestant une insoumission pétillante qui voudrait user des bienfaits du monde sans en être esclaves. Une conviction intime qui sait, sent et croit que la grâce est l’amour divin qui libère l’homme pour l’amour, la gratuité qui le libère pour la reconnaissance et le partage. Avec un brin de simplicité et d’humour, nous pouvons reconnaître que nous avons besoin, en nos vies, en nos crispations obligées, d’une bouffée d’air, besoin d’une stimulation qui puisse nous faire sortir des faux sérieux et des faux semblants.
Le monde est triste ? Libérons-le par l’amour ; le monde est égoïste ? Contestons-le par la gratuité et le partage. S’il est des valeurs à ne pas ajouter à la vie, ce sont celles de l’ego et de la peur qui créent le désert.
Osons...l’impensable !
Le Seigneur a mis en nos cœurs la pensée de l’équité. Elle vit en chacune et chacun de nous comme un désir profond au cœur de nos racines protestantes. Dites, et si nous l’écoutions plus attentivement, comme des enfants émerveillés qui osent la concrétiser de leur mieux ?
Amen.

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