Culte transmis du temple de Dombresson (1/6)

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Intervenants: Jacques Küng et Valérie Maeder

Jacques Küng:
Par cette porte, une chorale multiculturelle nous a rejoints à Dombresson. Puis notre regard s’est élargi jusqu’au Cameroun, avant de se concentrer sur la danse de Didier.
Cette porte, il faudrait pouvoir l’ouvrir sur chacun de nos lieux de vie et d’engagement. Nous pourrions ainsi partager les joies qui nous habitent, les soucis qui nous rongent, les défis que nous relevons. Porte ouverte sur la diversité de la vie.
Tout à l’heure par cette porte, trois jeunes neuchâtelois s’en iront : premiers pas vers le Rwanda où ils partiront cet été, avec un groupe de camarades. Porte ouverte sur la rencontre et le dialogue. Porte ouverte sur le Rwanda, pays des mille collines, pays des mille joies et des mille épreuves, pays des mille défis relevés.
En arrivant au Rwanda, vous apprendrez la salutation traditionnelle : « Muraho ? Muraho ? ». Ce qui signifie « Est-ce que vous êtes vivants, bien vivants ? ». Vous rencontrerez là-bas des gens qui s’appellent Bugingo, Munezero, Hakizimana, Nyirahavugimana. Sachez que ces noms disent quelque chose d’essentiel : Bugingo - le vivant ; Munezero - la joyeuse ; Hakizimana - Dieu donne la vie ; Nyirahavugimana - Dieu a la parole ultime.
Oui, la vie est un don de Dieu et les humains n’en ont pas la maîtrise. Depuis des siècles, au Rwanda, au Cameroun, ailleurs en Afrique, les noms disent cela. Ils indiquent aux humains les chemins à parcourir : chemin de vie et de joie, chemins d’embûches et de questions. Nyirahavugimana - Dieu a la parole ultime…
Cette porte qui s’ouvre sur le Rwanda, je l’ai souvent franchie. En famille, nous avons vécu 7 ans à Butare : de 1980 à 1986, puis de 1995 à 1996. Avec des gens de là-bas, nous avons appris à nous émerveiller face à la diversité de la vie. Avec eux, nous avons appris à nous inquiéter face aux menaces si nombreuses de la mort. Avec eux, nous avons été confrontés aux mille défis de l’existence et nous avons appris à les relever.
Cet apprentissage a été possible parce que, depuis des décennies, DM-échange et mission tisse des relations de partenariat entre les Eglises protestantes de Suisse et l’Eglise presbytérienne au Rwanda. Dans cette dynamique, des Suisses sont allés travailler au Rwanda et des Rwandais sont venus travailler en Suisse.
Au Rwanda, nous nous sommes intéressés aux écrits de nos "ancêtres missionnaires", venus d’Allemagne en 1907. Une exhortation du directeur de la société de mission nous a choqués. Pour encourager les missionnaires, il leur écrivait : « Allez plus vite dans cette région lointaine d’Afrique centrale, allez plus vite, les gens meurent là-bas ! »
Voilà l’image que nos grands-parents du 20ème siècle avaient de l’Afrique : des gens meurent là-bas… Aujourd’hui, en avons-nous une image très différente ?
Il y a quelques semaines, j’ai dû rassurer les parents des jeunes qui partiront au Rwanda cet été. Ces parents se demandent si ce pays n’est pas trop dangereux pour leurs enfants… Les gens meurent là-bas…
J’ai alors imaginé qu’un jour, un groupe de jeunes rwandais se préparera à venir en Suisse. Un de mes collègues rwandais qui a vécu en Suisse devra aussi rassurer les parents. Que leur dira-t-il ? Que souhaiteriez-vous qu’il leur dise, de votre pays, de votre Eglise ? Devra-t-il dire : Les gens meurent là-bas en Suisse, et les Eglises aussi… ? Où pourra-t-il parler de votre vie ici ?
C’est à partager de telles questions que travaille DM-échange et mission : mettre en relation des chrétiens de Suisse, du Rwanda, du Cameroun, du Congo et d’ailleurs, pour que nous apprenions à nous regarder comme des vivants prêts à relever ensemble les défis du quotidien. Quels que soient ces défis, nous sommes invités à les relever avec confiance, invités à choisir la vie, plutôt qu’à craindre la mort.
Souvenez-vous, dans le livre du Deutéronome, cette exhortation du Seigneur :

Lecture de Deutéronome 30,19 :
Valérie Maeder:
“Regarde, peuple des croyants, aujourd’hui je place devant toi la vie et la bénédiction d’une part, la mort et la malédiction d’autre part. Choisis donc la vie, afin que tu puisses vivre, toi et tes descendants, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix et en lui restant fidèlement attaché”.

Jacques Küng:
En arrivant au Rwanda, les premiers missionnaires n’ont pas d’abord rencontré des gens qui mouraient. Ils ont rencontré des gens vivants, des gens qui s’appelaient Bugingo le vivant, Munezero la joyeuse, Nyirahavugimana Dieu a la parole ultime…. Ces gens cultivaient leurs champs, construisaient des maisons, soignaient des malades, récitaient des poèmes.
Alors les missionnaires ont appris la langue et les proverbes de ces gens, pour communiquer avec eux, pour découvrir leurs histoires et leurs traditions. Quand ces missionnaires ont voulu parler de Dieu, le Mwami, chef traditionnel, a répondu : « Imana, nous le connaissons déjà depuis longtemps ; vous n’avez pas besoin de nous en parler. Vous devriez nous apprendre l’allemand, cela nous serait beaucoup plus utile. »
Tout en continuant d’apprendre le kinyarwanda, ils ont enseigné l’allemand aux Rwandais qui les accueillaient. Puis, ils leur ont aussi parlé de Jésus-Christ. Parce que, pour eux, l’Evangile était quelque chose de tellement vital, qu’ils ne pouvaient pas ne pas en parler.
Nous en faisons régulièrement l’expérience : à force de partager le quotidien d’autres personnes, nous en venons à partager avec elles ce qui est essentiel pour nous. Nous témoignons ainsi de ce qui nous permet de choisir la vie, même lorsque les menaces de la mort sont présentes.
Même…? ou plutôt surtout lorsque les menaces de la mort sont présentes. Au Rwanda certainement, mais aussi dans mon travail de pasteur en paroisse en Suisse, j’ai souvent relu ce passage de la lettre de Pierre aux petites communautés chrétiennes dispersées dans l’immensité de l’empire romain :

Lecture de 1 Pierre 3,14-16 :
Valérie Maeder:
“Au cas où vous auriez à souffrir pour la justice, heureux êtes-vous. N’ayez d’eux aucune crainte et ne soyez pas troublés ; mais sanctifiez dans vos cœurs le Christ qui est Seigneur. Soyez toujours prêts à justifier votre espérance devant ceux qui vous en demandent compte. Mais que ce soit avec douceur et respect.”

Jacques Küng:
A sa manière, ce passage redit l’essentiel du Deutéronome : « Choisis la vie ! »
Certes, la mort est là aussi, avec ses menaces et ses injustices. Aujourd’hui encore, il y a des situations où le fait même de vivre en chrétiens peut susciter méfiance, voire menace de la part de l’entourage. Quelles que soient ces menaces qui nous troublent, cette exhortation nous rejoint : « Ne vous laissez pas troubler, mais sanctifiez dans vos cœurs le Christ qui est Seigneur ».
Il y a en nous une source de vie qui nous est donnée et renouvelée. Le baptême est pour nous rappel de cette vie reçue en Christ.
Etre attentifs à cette source intérieure, puis oser en parler, c’est le début de toute dynamique de témoignage. Pour comprendre cela, il m’a fallu passer la porte qui s’ouvre sur le Rwanda.
En octobre 1994, j’y ai séjourné deux semaines. A mon retour en Suisse, j’ai rencontré celui qui avait été le responsable du CICR au Rwanda, pendant ces mois terribles d’avril à juin 1994 où les victimes se comptaient par centaines de milliers. Je lui ai demandé comment il avait pu tenir le coup là-bas, avec ses collègues du CICR. Il m’a répondu : « Tous les soirs à Kigali, je rassemblais les délégués du CICR, et je leur lisais des poèmes, pour leur rappeler de quoi les humains sont aussi capables… »
Depuis, je me demande : pour moi, quels sont les poèmes, les psaumes, les cantiques, les récits bibliques, les rencontres qui m’aident à tenir le coup ? Lorsque mon horizon se rétrécit, quelles que soient les causes de ce rétrécissement, de quelle manière ma source intérieure est-elle encore alimentée ? Quel est cet essentiel que je ne peux pas ne pas partager ?
Et vous, compagnes et compagnons de foi à Dombresson, ou devant la télévision, quels sont les poèmes, les psaumes, les récits bibliques qui résonnent si forts en vous que vous avez envie de les partager avec d’autres ?
Je vous laisse un temps de méditation : ce qui est vital pour vous pourra ainsi remonter du très fond de vous, jusqu’à votre mémoire… Osez vous redire à vous-mêmes ces mots qui vous font tenir le coup, même lorsque vous être inquiets pour la situation de l’Eglise à Neuchâtel ou à Kigali, même lorsque vous être découragés par les injustices qui explosent dans le monde. Quelle est votre source intérieure … ?
Essayez de la rejoindre pendant que je fais place à la musique et à la danse.

Danse de Didier Mukalayi Maloba sur la musique « Arianna’s tower » de Gian Marco Pietrasanta interprété à la flûte par Nancy Serey.

Jacques Küng:
Retrouver sa source intérieure : cela fait du bien, n’est-ce pas ? Prenez régulièrement le temps de rechercher cette parole du Christ qui coule en vous. Peu à peu, vous trouverez aussi le courage d’en parler. Alors, vous serez témoins de l’Evangile, avec douceur et respect, pour reprendre les mots de l’apôtre.
En suivant ce chemin, vous n’aurez aucune envie d’imposer votre foi à d’autres. Vous ressemblerez plutôt à ce personnage bien protestant d’un roman de Frédérique Hébrard :

Lecture d’un extrait de l’ouvrage « Les Châtaigniers du Désert » de Frédérique Hébrard, Plon, 2005 :
Valérie Maeder:
Moi ? Chercher à convertir quelqu’un ? Jamais ! Jamais, vous entendez ? Jamais je ne chercherai à convertir qui que ce soit ! Et vous savez pourquoi ? Parce que je sais tout le mal qu’il a eu, Dieu, à me convertir, moi ! C’était une mission impossible ! Alors, depuis, je Lui fais confiance ! Et je ne racole pas pour Lui, Il n’en a pas besoin !...

Jacques Küng:
Dieu n’a pas besoin que nous racolions pour lui. Il attend que nous rendions compte de notre espérance. Témoigner de l’Evangile, ce n’est pas vouloir convertir les autres, c’est partager, avec douceur et respect, la parole qui nous fait vivre ; puis c’est laisser Dieu agir : Nyirahavugimana - Dieu a la parole ultime…
Cette parole nous invite à choisir la vie, en toutes circonstances. Comme le fait mon ami Ntezimana rencontré par mon travail à DM-échange et mission. Ntezimana est un homme d’espérance, un passionné de l’Evangile, un formateur à la gestion non-violente des conflits.
Un jour, je l’ai entendu évoquer avec discrétion les risques qu’il prend pour que la dignité de tous ses voisins soit respectée. Il évoquait son parcours de plus de 30 ans de militance, de joies, d’inquiétudes, de défis relevés.
Je vous laisse au imaginer son étonnement lorsque quelqu’un lui dit :« Ntezimana, tu n’aimes pas la vie ? Parce que si tu aimais la vie, tu ne prendrais pas le risque de la perdre en faisant tout ce que tu fais… »
Ntezimana s’est alors levé. Les pieds solidement enracinés dans le sol de son pays, le cœur solidement enraciné dans l’espérance de l’Evangile. Il a regardé chacune des personnes autour de lui. Puis il a dit : « Aujourd’hui, il n’y a qu’une seule vérité dont je peux être absolument sûr, c’est qu’un jour je vais mourir. Mais sachez-le, je n’ai pas envie d’être mort avant ce jour-là. »
Aucune exaltation de la souffrance. Bien au contraire. Mais un choix pour la vie. Avec lucidité sur ce dont les humains sont capables. Avec lucidité, avec espérance, avec passion : c’est à la vie que nous sommes appelés, vie de justice et de paix, par la grâce de Dieu.
Au Rwanda, au Cameroun, à Cuba, au Liban, je pourrais citer d’autres amis devenus pour moi des témoins d’Evangile : ils m’ont appris à choisir la vie ; ils m’ont appris à regarder les autres d’abord comme des vivants, où qu’ils soient et quels qu’ils soient.
En passant la porte qui s’ouvre sur le monde, devenez vous aussi des témoins d’Evangile. Choisissez la vie ! Avec douceur et respect, regardez les autres d’abord comme des vivants, où qu’ils soient et quels qu’ils soient.
Témoins du Christ vivant, vous aurez alors envie de chanter avec le Chœur du Soleil.

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