Célébration oecuménique du jeûne fédéral, Vevey

image
No video provider was found to handle the given URL. See the documentation for more information.

Lectures bibliques: Exode 32, 7-11.13-14; 1 Timothée 1, 12-17; Luc 15, 1-32

Prier pour le peuple, voilà bien ce que fait Moïse. Il intercède auprès de Dieu pour qu'il se souvienne de ses promesses: «ce n'est pas en faisant descendre ta colère sur ce peuple que tu permettras de faire naître la descendance nombreuse promise à Abraham»! Comme si Dieu ne le savait pas!

Par contre, Dieu se réjouit de la prise de conscience par Moïse de la faute du peuple. Quelle est la faute du peuple ? L'idolâtrie, certes, mais qu'est-ce qui pousse le peuple à l'idolâtrie ? L'impatience! Moïse a disparu sur la montagne pendant 40 jours... et rien ne se passe. C'est le sentiment du vide, l'absence d'action du leader, interprétée comme l'absence de Dieu, qui pousse le peuple vers une nouvelle idole. Aaron va même réussir à lui prendre tout son or pour fabriquer ce leader brillant, mais tout aussi vide, mort. L'angoisse du vide nous jette dans les bras de ceux qui donnent l'illusion de la puissance, du savoir, de la force: un ersatz de Dieu parce qu'on a perdu de vue le vrai Dieu.

Moïse, lui, est loin du peuple, mais il est en prise avec le Dieu vivant, qu'on ne peut rejoindre qu'en prenant de la hauteur, en regardant vers le haut, vers l'universel, vers l'éternel. Et comme aurait dit Sœur Emmanuelle: «A ce moment-là, on peut accrocher notre charrue à une étoile»!

Prier pour le peuple, c'est demander pardon à Dieu pour notre idolâtrie, pardon pour tous ces moments où nos cœurs se voilent à sa lumière et que nos esprits choisissent de suivre des guides limités, éphémères: que ce soient des personnes, des idées ou des besoins. Ils ne sont pas inutiles... juste limités. Prier pour le peuple, c'est aussi s'engager en tant que chrétien, pour que l'impatience ne prenne pas le dessus, pour que les plus éloignés de Dieu perçoivent les fruits de la foi.

Comme les Hébreux, nous sommes en chemin à travers le désert, et dans ce cheminement, Dieu donne des signes, des paroles, des perspectives, des règles d'organisation aussi. Il y a plusieurs tribus, mais qui se soutiennent pour aller dans la même direction: la terre fertile où la vie sera abondante. Et Dieu fait des miracles de temps à autre pour que la marche ne s'arrête pas. Par contre, c'est bien le peuple qui marche, c'est la force et la foi du peuple qui permettront d'arriver à bon port.

La terre, l'eau, le feu et l'air sont les éléments constitutifs de la vie. Mais déchaînés, ces éléments peuvent aussi être porteurs de morts: coulées de boue, ouragans, tsunamis, incendies. Les éléments ont aussi été utilisés pour symboliser la force de Dieu, de sa Parole, de son Esprit, de sa colère ou de son pardon. Et toute cette force, Dieu veut nous la transmettre. Ces images sont-elles là pour nous faire comprendre qu'il ne tient qu'à nous de faire de cette puissance une force de vie? Jésus nous indique la voie, le canal par lequel passe la vie de Dieu, à travers tout son enseignement et en particulier dans ces paroles que nous venons d'entendre, c'est la voie du pardon qui est indiquée. Un pardon qui dépasse toutes les prévisions de Pierre.

Dans la tradition rabbinique, il est habituel de parler d'un pardon renouvelable 4 fois. Alors avec 7 fois, Pierre pense déjà faire preuve d'une générosité incommensurable – 7 étant le chiffre de la perfection. Or, Jésus le déstabilise en lui disant qu'il est encore bien loin de la réalité du pardon que Dieu souhaite voir entre les humains. Et découlant de ce principe, Jésus propose une procédure pour gérer les dérapages en Eglise. Une procédure qui a trois étapes : entre quatre yeux, puis avec une ou deux personnes, enfin en communauté.

C'est à la lumière de cette quête du pardon qu'il nous faut entendre la parole : «Ce que vous lierez ou délierez sur terre sera lié ou délié dans le ciel.» Loin de donner une procédure d'exclusion, Jésus rappelle que le cœur du croyant souhaite que la volonté de Dieu soit faite sur la terre comme au ciel. Dit autrement, ni le pardon ni la justice ne doivent rester des idéaux dans les nuages. Prier pour le peuple, alors, c'est mettre en œuvre une révélation du péché en vue de la repentance et du pardon. Celui qui n'écoute pas l'Eglise, considère-le comme un païen ou un publicain. Cela ne veut pas dire un moins que rien, puisque Matthieu appelle Jésus « l'ami des publicains ». Cela signifie qu'il y a de la distance entre cette personne et la communauté, et ce chemin demande à être re-parcouru pour rétablir le lien de fraternité. Prier pour le peuple, c'est rétablir un lien de fraternité entre les gens. La procédure proposée par Jésus concerne l'Eglise, mais on peut le prendre pour tous nos rapports humains : d'abord se parler, ensuite demander de l'aide, enfin avoir recours à la communauté. Celle-ci peut aussi être civile. Et la communauté civile s'est dotée de différentes institutions pour faire ce travail. Construire ou reconstruire ces liens de fraternité, c'est le cœur de notre prière en ce Jeûne Fédéral. Dans ce temps où les communautarismes de tout poil refont surface pour résister à la centralisation et à la mondialisation, ne laissons pas la fraternité se déliter. Face à une violence surmédiatisée, ne laissons pas la peur nous éloigner des autres. Et face aux difficultés économiques, écologiques, sociales ou politiques, ne démissionnons pas!

Soutenons-nous les uns les autres, non seulement dans un travail de solidarité, où l'on relègue volontiers les Eglises et qui ressemble souvent à du colmatage de brèches, mais collaborons aussi dans le travail de refondation d'une société aux valeurs disparates. La traversée du désert semble parfois longue, désespérante, on ne sait plus s'il faut écouter Aaron ou Moïse, alors asseyons-nous de temps en temps, discutons, prenons le temps de régler les différends, remettons tout cela à Dieu et reprenons la route avec confiance... Car si deux d'entre vous sur la terre se mettent d'accord pour demander quelque chose, dit Jésus, ils l'obtiendront de mon Père qui est aux cieux.

Amen.

Prédications dans le même lieu

Aucun résultat.

Prédications de la même personne

Aucun résultat.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Musique

En collaboration avec