PRÉDICATION 1 : Mirella Manocchio (Matthieu 1, 18-25)
Il y a une réflexion de Dietrich Bonhoeffer sur la naissance et la mort de Jésus qui m’a toujours frappée : « Il y a deux lieux où les grands et les forts de ce monde se réfugient quand ils ont peur : ce sont la crèche et la croix de Christ », parce que, « Lorsque Dieu décide de venir au monde dans une crèche de Bethléem, il ne s’agit pas d’un cadre idyllique et familier, mais bien le commencement d’une transformation totale, un ordre nouveau pour toutes choses dans ce monde. »
Chères sœurs et chers frères, en ces temps de grande difficulté, de tragédie et de lutte pour tant de personnes de par le monde, nous nous apprêtons à célébrer de nouveau la naissance de Jésus, le Messie venu sur terre pour sauver son peuple du péché.
Le protagoniste de l’action est Joseph, le fiancé de Marie. Les évangiles disent peu de choses le concernant : il est un descendant du roi David, charpentier de son état, probablement un peu plus âgé que Marie comme cela se faisait souvent à l’époque. Donc, Joseph découvre que sa promise est enceinte sans qu’ils aient eu de rapports. D’après la loi hébraïque il devrait annuler le contrat de mariage, car elle est coupable de fornication, un péché puni par la lapidation. Il n’a pas le pouvoir de lui pardonner, mais il décide au moins d’essayer d’éviter le scandale, en rompant en secret. Mais voilà que le plan divin vient déboussoler le plan humain. Le Seigneur demande à Joseph non seulement de ne pas abandonner Marie, mais en plus d’accueillir l’enfant qui va naître comme son propre enfant légitime car cet enfant sauvera le peuple de son péché et en lui s’accomplira la Parole de Dieu.
Et voilà que se présente à Joseph en premier le chemin de la crèche à la croix, chemin d’un Dieu Tout-Autre qui bouleverse nos sécurités et opinions, un Dieu réfugié, comme tant de personnes que nous retrouvons dans nos villes, un Dieu qui veut être accueilli et qui se fait notre hôte en se donnant, jusqu’à la mort. Il parcourt les chemins tortueux avec les êtres humains pour nous libérer de nos chaines et donner vie à une nouvelle création. Et aujourd’hui-même, devant les contradictions sociales et les injustices économiques exacerbées par la pandémie, cette question attend toujours une réponse : voulons-nous accueillir ce Dieu Tout-Autre avec ses requêtes, ses interrogations et ses schémas inacceptables ?
Sœurs et frères, lorsque nous renouvelons notre Amen, notre « qu’il me soit fait », notre « oui » à Dieu en Christ, rappelons-nous que non seulement nous magnifions le Seigneur avec nos lèvres, mais nous nous engageons à servir la justice de Dieu avec nos vies, et comme Joseph nous nous plaçons dans la perspective de la libération et du salut qui s’offrent à nous par la naissance de Jésus à Bethléem.
Amen
PRÉDICATION 2 : Enrico Bertolini (Ésaïe 9, 1-2)
Frères et sœurs,
Le prophète Ésaïe annonce au peuple la venue d’un enfant; par sa prophétie, il révèle la fin d’un joug, un joug très lourd pour le peuple et annonce que cet enfant changera les destinées d’Israël. Le contexte de ce passage est une période de bouleversements historiques des alliances dans la zone du Moyen-Orient, là où les rois puissants sont prêts à changer leurs alliances, leurs amitiés et à manquer à des pactes anciens.
Combien de parallèles nous pouvons voir entre ce passage et notre société actuelle. Nous aussi, en ce moment, nous vivons dans les ténèbres d’un mal qui n’est pas seulement un virus mortel : les habitants de l’Europe risquent de vivre isolés, non seulement physiquement, enfermés dans leurs chambres pour ne pas se contaminer réciproquement, mais surtout du point de vue moral. Il est venu à manquer beaucoup trop de gestes de solidarité envers les plus faibles.
La lumière que le Seigneur nous donne, éclaire le peuple de Dieu et nous oblige en tant que chrétiens, si nous voulons être fidèles à son appel, à porter cette lumière dans tous les coins sombres de notre société. Nous devons voir et vivre pleinement cette société éclairée par la Parole du Seigneur et nous devons nous engager à porter la lumière et mettre en lumière et rendre visibles ceux qui, dans les ténèbres, cultivent leurs turpitudes qui nuisent à autrui.
Cette même lumière nous oblige à la porter à ceux qui sont tombés trop bas pour pouvoir l’apercevoir, à ceux qui sont contraints à l’obscurité par des conditions sociales iniques. Cette lumière nous invite, nous qui avons décidé de répondre au Seigneur, à nettoyer les yeux de celui qui a perdu la dignité et leur permettre, à eux aussi, de pouvoir vivre leur vie dans la dignité que ce message leur procure.
Dans l’évangile de Matthieu nous lisons : « On n'allume pas non plus une lampe pour la mettre sous un seau, mais on la met sur son support et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. » (Matthieu 5, 15)
Voilà donc notre mission, notre vocation : ne pas cacher la lumière qui doit éclairer et réjouir le peuple ; l’amener dans le monde pour qu’il vienne à croire, et devienne aussi « lumière du monde ». Nous ne devons pas retenir la lumière pour qu’elle éclaire seulement notre église, qu’elle soit petite ou grande. Nous sommes appelés à être des chandeliers pour porter cette lumière à toute l’humanité, nous devons nous efforcer, nous, hommes et femmes qui croyons au Seigneur, d’être la lumière par notre comportement et notre façon de vivre au milieu de la société. Sans que personne ne soit laissé au bord de la route, ou dans l’ombre, comme cela s’est produit au cours de l’histoire de l’humanité et continue de se produire à notre époque. Parce que justement il n’existe aucun être humain qui ne soit digne de recevoir cette lumière que le prophète a annoncée il y a tant de siècles et qui s’est incarnée dans un petit enfant sans défense justement en ce jour que nous célébrons.
Amen
PRÉDICATION 3 : Eric Noffke (Jean 1, 14 & 16)
Chères sœurs et chers frères,
Les mots sont des instruments que nous utilisons pour transmettre des idées, des émotions, des sentiments. Ils sont des ponts entre nous et notre prochain, ils créent un contact, un partage. Certes, ils ne sont pas le seul moyen de communication, néanmoins la Bible nous enseigne que Dieu privilégie lui-même la parole.
Affirmer que Jésus est cette Parole n’est pas un acte neutre : cela veut dire mettre en avant, de nos jours, une prétention forte et surprenante. Noël a la prétention d’être la Parole supérieure à toutes les autres, qui demande non seulement d’être écoutée mais appelle à la conversion et à l’obéissance d’un disciple. Ce n’est pas une parole comme les autres, mais bien la Parole-même de Dieu qui s’incarne pour nous rencontrer.
Sommes-nous vraiment conscients de cela lorsque nous célébrons Noël ? Alors, posons-nous la question de savoir comment cette affirmation, si forte dans les églises issues de la Réforme protestante et qui se disent « Églises de la Parole », comment cette affirmation se décline-t-elle ?
C’est vrai qu’au centre de notre culte il y a la Parole, l’annonce de l’Évangile; au cœur de notre vie de foi, il y a la Bible. Néanmoins, ce que nous réussissons à transmettre à l’extérieur de notre cadre est au mieux certains choix éthiques, qui naissent de notre interprétation de l’Évangile mais ne sont pas pour autant l’Évangile. Cela, en revanche, semble bien rester enfermé dans nos communautés.
Si la Réforme a façonné l’Europe moderne, aujourd’hui nous ne formons même pas les nouvelles générations de croyants, et les meilleurs esprits de notre temps s’engagent ailleurs, privant ainsi nos églises d’une épaisseur humaine et intellectuelle. Cette constatation se heurte douloureusement avec le fait qu’à Noël, les écritures affirment que la Parole de Dieu, incarnée en Jésus, a la prétention de se placer au centre de l’histoire humaine et de la vie des individus et cela nous interpelle. La voie pour sortir de notre marginalité insignifiante et retrouver le sens de notre existence d’évangéliques passe forcément par la redécouverte de cette Parole, toujours nouvelle, qui nous appelle à être disciples, avec toutes les sœurs et tous les frères qui de par le monde l’accueillent avec joie et reconnaissance.
Amen
PRÉDICATION 4 : Alessandra Trotta (Colossiens 1, 25-27)
De quelle gloire, de quel secret parle l’apôtre Paul dans son message aux croyants de Colosses que nous venons d’entendre ? Bannissons de notre esprit l’idée d’un mystère que la religiosité répandue depuis des siècles (souvent aussi la chrétienne) essaie de suggérer : la connaissance d’un plan pour le salut dont la révélation serait réservé à des initiés doués de vertus particulières. Paul a appris de Jésus à utiliser des catégories consolidées pour en retourner complètement le sens : il n’y a aucun secret à garder jalousement, mais une nouvelle réalité à vivre ici et maintenant, qui concerne tous et toutes, à partir de ceux qui sont sur les gradins tout en bas de la considération sociale.
Christ en nous : avec le Christ qui nait, Dieu fait le choix de planter ses tentes dans le monde ; s’identifiant jusqu’au bout à l’humanité fragile, peureuse, souffrante, prisonnière de son égoïsme, sa haine et sa violence, blessée et piétinée, pour la racheter. Pour dire aux forces qui piétinent sa dignité et éteignent son espérance, qu’elles n’auront pas le dernier mot. C’est l’espace de Dieu qui s’ouvre en temps de crise sur les espaces humains : un évènement critique, une rupture qui nécessite des paroles d’espérance, d’actions et de gestes d’espérance, capables de marquer la contradiction visible.
Ce sont aussi les chaussures rouges posées sur le banc de l’église, qui marquent la place laissée vide par une femme victime de la violence masculine, qui est occupée par celui ou celle qui trouve ce vide intolérable. C’est un geste qui parle à toi, ma sœur, qui vit en ce moment un enfer dont il te semble impossible de sortir.
Et avec d’autres gestes, et d’autres mots nous voulons nous engager pour toi, enfant, privé de jeux, de la possibilité de faire des études et recevoir une éducation, par le péché humain qui crée des inégalités inadmissibles.
Pour toi, mon frère, ma sœur avec la peau noire, qui a traversé les déserts, vécu des journées horribles de violences dans des cellules qui font peur, sans avoir jamais commis de délit,
Et encore pour toi, père, mère de famille rabaissés par la précarité d’un travail sans droits, Jésus qui vient au monde pour s’identifier à toi et habiter en toi, te dit : « Ce n’est pas là ta destinée, cette injustice n’a pas le droit de dire le dernier mot sur ta vie. »
Aurions-nous, frères et sœurs, désappris les paroles d’espérance ? Avec l’apôtre Paul, encourageons-nous les uns les autres à rester fermes dans l’espérance de l’Évangile que nous avons entendu, pour jouir de la seule gloire qui compte : être libres de la peur, des forces d’exclusion et de séparation, du non-sens, libres dans l’amour vécu au service de notre prochain, la merveilleuse liberté des fils et des filles de Dieu
Amen