Un os à ronger ou une bonne chère à croquer?

©Alexandra Urfer Jungen

Écouter le culte :

 

Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité! Alléluia !

Ce jour-là, ils se répétaient cette phrase jusqu’à s’en convaincre mutuellement : « Le Seigneur est vraiment ressuscité, voyez, il est apparu à Simon ». Et l’équipe d’Emmaüs de renchérir : « C’était lui, il a partagé notre chemin puis, lorsqu’il a partagé le bout de pain, nous l’avons reconnu. » Ce jour-là, ils étaient tous ensemble les onze disciples et les autres, une bonne petite assemblée de convaincus tout excités face au mystère de ces expériences particulières. Quelque chose est en train d’arriver, Jésus Christ ne nous a pas abandonnés !

C’est dans ce moment de partage, assurément enthousiaste, que Luc fait apparaître Jésus. Un Jésus qui les salue comme si de rien n’était : « Shalom ! ». Vous parlez de moi, et bien me voici. Il s’ensuit une vive réaction des disciples : crainte, terreur, frayeur !

 

En chair et en os

Le Christ est vraiment ressuscité, oui… mais de là à le voir en chair et en os devant soi, il ne faut tout de même pas exagérer ! La venue de ce Jésus ressuscité va provoquer une cascade de sentiments qui nous sont rapportés par Luc : crainte, terreur, doutes, troubles, nervosités, incrédulités.

Alors c’est vrai, aujourd’hui, plus de 2000 ans après, la résurrection de Jésus ne provoque en tout cas plus de « terreur ou de crainte », ça c’est certain et heureusement ! Mais sûrement qu’elle provoque encore et toujours le doute et la perplexité. Des sentiments qui sont répandus même parmi nous, les chrétiens d’aujourd’hui.

Le texte de Luc poursuit la description de cette scène surréaliste de l’apparition de Jésus, en mettant dans sa bouche cette question un peu naïve : « Pourquoi êtes-vous troublés ? » C’est vrai, sans blague, je vous avais dit que je reviendrai ! Alors voilà, c’est bien moi, touchez-moi, voyez mes mains, mes pieds abîmés et regardez-moi, je mange même !

Cette apparition en « chair et en os » est décidément un sacré os à ronger ! Avec aussi cette impression qu’après 2000 ans de prédication sur ce thème, il ne reste plus grand chose autour de cet os justement. Que pourrait être la chair à mâcher, à savourer pour aujourd’hui ?

Je pourrais partir du côté « spirituel ». Ce serait dans l’air du temps d’imaginer l’esprit de Jésus-Christ planer et venir nous visiter. Comme une apparition mystique de l’être tellement aimé, qu’il vient encore nous dire certaines choses. Qu’il vient se rappeler à nous pour nous aider à faire notre deuil, nous redire une dernière phrase, un dernier conseil.

 

Il est vraiment ressuscité

Mais là, ce n’est pas le cas, le texte est clair. Jésus ne vient pas sous la forme d’un esprit. Jésus est vraiment là, en chair et en os, dans le moment présent et unique avec ses amis.

Cela paraît tellement invraisemblable que Luc ait besoin de détailler la séquence du « poisson grillé » que Jésus savoure devant ses amis. Je mange, je parle, je vis et je viens vous inviter à la vie, la vie à laquelle vous êtes appelés ! Ce n’est plus ou pas une vue de l’esprit, ce n’est pas un concept théologique, une proclamation pascale d’un matin de Pâques. C’est du concret, du solide, du vrai, du palpable. Le Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité, Alléluia ! Décidément la résurrection n’a pas fini de nous troubler et de nous interroger.

 

Être complètement « baba »

Faut-il y croire ? Que croire ? Et comment croire ?

Le texte de Luc vient m’interpeller par l’évolution des émotions qui nous sont décrites chez les disciples. Cela ouvre une fenêtre sur le « Comment croire ? ». En effet, je relève que le « croire » des amis de Jésus passe par la crainte, la terreur, la frayeur même, mais aussi par l’incrédulité, la perplexité, et les doutes. Pour arriver au final vers un état très étonnant que Luc décrit de manière paradoxale.

Il utilise du reste une formule unique et étonnante qui est traduite dans nos Bibles par : « incrédules de joie », ou bien, des « joyeux, étonnés » pleins de doutes ! Moi j’ai envie de dire qu’ils étaient complètement « baba ». Et je ne sais pas vous, mais à certains moments de ma vie de foi, je suis aussi un peu « baba », « ahuri » voire « désemparé ».

Avec ces sentiments d’être à la fois un peu incrédule, rempli de doutes et de questions – tout en étant aussi joyeux, de cette joie évangélique liée au message incroyable du triomphe de la vie. De cette joie provoquée par des signes concrets, des coïncidences que j’interprète parfois comme des clins Dieu !

Incrédule de joie – douteur joyeux – un étonné questionné – un baba dans la foi.

 

Un cheminement dans la vraie vie !

Ce cheminement émotionnel des amis de Jésus, c’est le cheminement de la vie. C’est la vraie vie qui le produit encore et encore. C’est le concret de nos existences, de celles de nos familles, de nos amis et de nos connaissances. Ce sont nos vécus qui suscitent encore aujourd’hui, en nous, des réactions contrastées comme celles des amis de Jésus. Parce que nos vies, nous les vivons « en chair et en os », et pas juste en esprit. Nous les subissons ou nous les empoignons avec nos êtres tout entiers. C’est pourquoi, ce Jésus vraiment ressuscité et complètement présent me fait du bien ce matin – je l’imagine manger son poisson grillé. Et je me dis, ce Jésus-Christ il s’inscrit jusqu’au bout dans la réalité humaine. Même ressuscité, il ramène ses amis dans le concret de leur réalité terrestre avec leurs émotions et leurs joies qu’il accueille.

Et je crois qu’encore aujourd’hui, Jésus veut s’inscrire dans ma vraie vie : être présence dans mes craintes, mes terreurs, mes doutes et mes questions. La résurrection de Jésus ne cesse de m’interpeller. Il y a de la place pour les sentiments contrastés, les avis mitigés, aujourd’hui comme hier.

Vous vous rappelez, je me demandais s’il y avait encore de la chair autour d’une thématique aussi souvent prêchée et partagée. En fin de compte je crois que oui, car la « chair », c’est vous, c’est moi, ce sont nos vies, nos joies et nos peines. Ce sont nos existences que Jésus veut nous encourager à mordre à pleines dents, à savourer et à habiter pleinement ; à habiter pleinement, avec une finalité de plénitude et de vie véritable.

C’est en ce sens que Jésus donne à ses disciples « l’ouverture de leur intelligence » pour comprendre les Écritures. Une intelligence renouvelée qui leur permet de recevoir le message fondamental dont ils devront être témoins : la conversion, le changement radical et le pardon des péchés.

Alors, cette fois il les envoie : allez-y, changez quelque chose dans vos réalités. Soyez acteurs et facilitateurs de pardon. Mettez la main dans tout ce que vous appelez les « péchés », mettez la main dans ce cambouis, le vôtre et celui qui vous entoure, et partagez le pardon, vivez le pardon et demandez pardon dans le nom de Jésus-Christ !

Dans vos vies réelles, soyez des témoins vivants de cette concrétude de Dieu ! En fin de compte, et je le dis en parlant depuis quelques minutes, nous ne devrions pas être des pros du discours théorique et du concept. Mais des « as » de l’incarnation concrète auprès de ceux qui nous entourent, des adeptes du poisson grillé ! C’est là et maintenant que nous avons à vivre et témoigner du Christ ressuscité.

En restant, c’est vrai, nous-mêmes, des « incrédules de joie » ! Ou des « joyeux – étonnés » pleins de doutes ! Ou même des êtres complètement « baba » qui accueillons, partageons et témoignons du pardon offert dans le nom de Jésus-Christ. Et justement, dans le domaine de la conversion de nos vies, du pardon envers soi-même ou envers les autres, il y a sûrement encore beaucoup à faire ! 

Mais rappelons-nous : Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité !  Alléluia ! Amen !

Le texte biblique de ce dimanche nous fait découvrir un Jésus ressuscité, aussi humain que vous et moi! Il demande à ses disciples qu'ils lui donnent quelque chose à manger. Dans l'Évangile, cet épisode s'inscrit dans la continuité du récit des pèlerins d’Emmaüs, où Jésus chemine incognito avec deux disciples. Mais est-ce vraiment notre désir d’avoir un Jésus aussi «normal»?

Détails

Avec la participation de
Agathe Jauvert pour les lectures
Orgue
Anne Chollet
Musique
Clothilde Ramond, hautbois
Flavie Crisinel, chant
Samuel Bancal, piano