Dans le public, un peu plus de monde qu’à l’accoutumée. Et pour cause: fin 2022, trois membres du Conseil synodal (exécutif) de l'Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) démissionnent en cascade: la présidente, Marie-Claude Ischer, et de ses deux collègues Emmanuel Jeger et Jean-Baptiste Lipp. La séquence ouvrait une série de questionnements sur la crise traversée par l’institution. Trois postes à repourvoir, donc: l’un réservé à un ministre, et deux à des laïcs.
À la série de départs a aussi succédé ces dernières semaines une série de candidatures laïques: l’ancien conseiller d’Etat Philippe Leuba, sollicité par trois membres du Synode (organe délibérant), la cheffe d’entreprise Myriam Zürcher, l’animateur d’Église et ancien éducateur Andrea Coduri. En dernière minute, Michel Blanc, ancien pilote de ligne et membre du Synode, s’est aussi déclaré, «pour suivre Philippe Leuba», avec qui il espère «faire une bonne équipe». Seule candidate ministre: Laurence Bohnenblust-Pidoux.
C’est dès le premier tour, et avec une majorité absolue, que l’ancien politicien et Michel Blanc ont été élus, avec 59 voix pour le premier, 44 pour le second. Philippe Leuba a témoigné sa «profonde reconnaissance» envers l’assemblée et s’est dit «conscient de la tâche lourde» qui l’attend. À Réformés, il explique que sa priorité sera «de rencontrer le Conseil synodal et s’organiser. Il faut que la mayonnaise prenne, si vous permettez l’expression!» Interrogé sur sa volonté de présider le futur collège, il rappelle que sa démarche «est une réponse à des sollicitations, et ne s’inscrit pas dans une ambition personnelle. Le Conseil synodal se détermine et s’organise en fonction des qualités et des souhaits de chacun.»
Michel Blanc s’avoue, lui aussi, heureux de son élection. Sa candidature spontanée «sans grande discussion ni campagne» consacre pour lui des convictions construites lors de ses engagements précédents au sein de l’Église (membre du Synode, responsabilités ecclésiales dans sa Région). Il profite de l’occasion pour lancer un appel à la relève, en vue du renouvellement complet de l’exécutif, en 2024: «J’ai constaté, par ma participation à un groupe de travail sur la gouvernance, que les discussions internes sont de grande qualité, les personnes impliquées brillantes. Certes les approches sont parfois différentes mais les convictions sont partagées. J’invite donc des jeunes intéressés à rejoindre l’EERV lors de la prochaine législature!»
La pasteure Laurence Bohnenblust-Pidoux a été élue avec 64 voix. Celle qui avait réservé le maintien de sa candidature «à la force de la confiance que lui témoignerait l’assemblée» a accepté la charge, visiblement rassurée et réjouie. L’actuelle coordinatrice cantonale des questions enfance et familles avait signalé d’emblée qu’elle était disponible pour deux mandats, souhaitant positionner son engagement «sur un temps long». L’urgence, à son sens, est d’éviter une Église à deux vitesses, des projets «qui se monteraient en concurrence». «Je souhaite encourager les collaborations entre paroisses, régions, canton; nous devons faire Église tous ensemble.»
Les élus prendront leurs fonction le 1er septembre 2023. La distribution des dicastères entre les entrants et les sortants n’a pas été évoqué à ce stade.
Ce renouvellement assuré permettra-t-il de donner un nouveau souffle à l’institution, freinée par ses tensions institutionnelles ces dernières années? Quelques éléments pourraient laisser présager une sortie de crise.
D’abord une ambiance plutôt posée lors de cette session du Synode entre exécutif et législatif. Une discussion sur les dotations (voir ci-dessous) a cependant montré que la défiance entre les deux organes reste parfois vive – sans toutefois empêcher la bonne tenue des débats et la prise de décisions.
Ensuite la réaction de la déléguée de l’État de Vaud, Catherine Aellen, qui se réjouit de l’arrivée de Philippe Leuba, «homme de gouvernance et d’expérience», même si «la gestion d’un Conseil synodal et d’un Conseil d’État sont fondamentalement différents». Si l’Etat n’a aucune possibilité -ni la volonté- de s’immiscer dans les questions ecclésiales, plusieurs interlocuteurs en coulisses s’inquiétaient que les démissions dans l’institution entament sa crédibilité auprès de son principal financeur. L’arrivée de Philippe Leuba «facilitera sans doute les échanges, et permettra peut-être de fluidifier la culture institutionnelle», explique Catherine Aellen.
L’arrivée d’une coordinatrice chargée des projets de législature, Chantal Oltramare, embauchée à 60%, devrait également permettre d’accompagner le Conseil synodal dans ses nombreuses tâches. Dans leurs motifs de départ, les trois membres démissionnaires ont chacun souligné la charge de travail très lourde que requiert leurs postes.
Un important travail sur la gouvernance est enfin engagé et se poursuit. Le conseiller synodal Laurent Zumstein, chargé de ce projet avec sa collègue Anne Abruzzi, en a brièvement rendu compte. Une série d’ateliers ont déjà eu lieu sur ce sujet, impliquant jusqu’ici 180 personnes. Des lieux d’échange qui permettent de faire remonter questionnements et incompréhensions vis-à-vis du fonctionnement de l’institution. Une série d’autres ateliers doivent encore avoir lieu.
Le casse-tête des dotations
Après ces élections, la taille et la répartition des effectifs des organes centraux de l’Église vaudoise ont occupé la majeure partie des discussions du Synode. Les échanges se sont basés sur un rapport effectué par le Conseil synodal, à la demande de l’assemblée. Le document explique en détail comment sont réparties les ressources et les 23 équivalents plein temps (EPT) affectés aux services et offices de la maison des Cèdres (administration centrale de l'Église). Si ce rapport devait permettre aux membres du Synode de prendre conscience du travail effectué par l’institution centrale, il n’a visiblement pas suffi. Des échanges nourris et de nombreuses questions ont révélé que les incompréhensions demeurent. « Je m’interroge le nombre de mandats ou missions octroyés par le Conseil synodal: est-ce raisonnable, alors qu’en 2023 près de 16 EPT ne seront pas repourvus dans les régions? Les régions ont effectué leur mue à la suite de la réorganisation de leurs dotations. Il serait raisonnable d’attendre que le Conseil synodal fasse de même pour ses services et offices…», a pointé la déléguée Florence Clerc Aergerter, très impliquée sur le sujet.
Le Conseil synodal a apporté une série de clarifications. Vincent Guyaz, conseiller synodal, a clos la séquence avec un point détaillé sur la question des postes à repourvoir. «Nous aurons effectivement de 12 à 13 postes vacants d’ici fin 2023. Mais cela s’inscrit dans un budget déficitaire par rapport à la subvention versée par l’État.» Un déficit conséquent qui s’explique, selon le conseiller synodal, par une «triple pression: le coût unitaire moyen de chaque salaire, qui est élevé en raison de la pyramide des âges actuelles; les subventions à d’autres organismes, notamment la Conférence des Églises réformées romandes et l’Église évangélique réformée de Suisse (EERS); enfin la baisse des contributions des paroisses».
Pour les postes non pourvus, des solutions devront être trouvées au cas par cas avec les régions par l’Office des ressources humaines (ORH). «L’ORH verra ce qui est disponible en termes de budget pour des engagements au premier septembre, il verra comment prioriser les postes vacants avec les régions concernées», a précisé le conseiller synodal.
L’assemblée, sur proposition de la commission des finances, a finalement décidé de demander des précisions ultérieures à l’exécutif. Celui-ci devra présenter un nouveau rapport lors de la session de juin 2023, qui détaille les étapes envisagées pour aligner la dotation effective des offices, des services et administrations avec une décision synodale précédente, prise en 2019. C’est-à-dire donner un calendrier chiffré sur la manière dont il compte réduire ses organes centraux.
Mieux valoriser les animateurs d’Église
Par ailleurs, une nouvelle initiative a été annoncée: aucune consécration de ministre n’étant prévue en 2023, la journée d’Église, le 2 septembre prochain, sera l’occasion de vivre un «acte liturgique d’accueil» pour les animateurs et animatrices d’Église. L’occasion de mieux connaître cette quinzaine de personnes engagées, qui vivront auparavant une retraite commune. La journée sera par ailleurs consacrée à une réflexion sur la prière.
Enfin, l’assemblée a eu l’occasion de faire connaissance avec Pierre-Philippe Devaux, nouveau directeur de la Compagnie de théâtre de la Marelle. Ce dernier a rappelé la tournée de Silence on frappe, sur le thème des violences domestiques: «On a été très contents de l’accueil du public et des débats qu’il a suscités.» Le 25 avril, le spectacle sera joué à Sierre, avant de circuler en Alsace. Le directeur a aussi lancé un appel aux paroisses: «La compagnie de la Marelle cherche comment collaborer avec les Églises. Ce qu’on souhaite, c’est s’inscrire en dehors des tournées classiques tout au long de l’année. On pourrait imaginer des spectacles plus légers, plus courts, joués dans l’année, avec des célébrations… Nous sommes ouverts à toute proposition. Nous avons un bus, du matériel technique que l’on peut mettre à disposition». Pierre-Philippe Devaux a également évoqué le spectacle à venir Je suis qui je suis. Le spectacle abordera l’identité de manière existentielle, biblique. Il évoquera aussi les questions de transidentité.
A noter aussi que Sylvie Arnaud et Benoît Zimmermann ont été élus au Synode de l’EERS, où deux postes vaudois étaient à repourvoir.